Les factions rivales qui s'étaient créées, véritables gangs aux noms imagés, luttant à mort entre eux, sont menacées de dissolution. La Garde rouge elle-même, qui devait remplacer l'ancienne Ligue des jeunesses communistes, y serait, au contraire, intégrée et en accepterait la discipline. Cela, sous le signe de la Grande Alliance et dans le cadre d'une réorganisation radicale du Parti épuré, rajeuni, conditionné par le mot d'ordre renouvelé de la lutte de classes permanente.

Le fait du prince

Dès août 1967 est annoncée, pour 1968, la convocation du 9e Congrès du Parti. Fin juin, il n'avait toujours pas eu lieu.

En attendant, Mao se garde bien de consulter les élus du peuple ou du Parti, alors que les règlements devraient l'y obliger. Le 8e congrès du PC remonte à septembre 1956. Depuis, il aurait dû être convoqué une fois par an et renouvelé tous les cinq ans, c'est-à-dire deux fois. Il est vrai que le 7e avait siégé en avril 1945.

Quant au plénum du comité central, élu par le Congrès, lui aussi pour cinq ans, il n'a pas été réuni depuis le début d'août 1966, lorsqu'il a publié la charte de la Révolution culturelle. Il doit désigner les membres du bureau politique et du comité permanent, gouvernement réel de la Chine. Or, tous les changements intervenus au sein de ces organismes semblent plutôt dus au fait du prince. Enfin, l'Assemblée élue en 1964 pour quatre ans devrait être renouvelée en 1968, mais personne n'en souffle mot.

L'armée mise au pas

Là encore, si ces élections ont lieu, c'est que Mao sera sûr de lui, grâce, sans doute, aux comités révolutionnaires. Grâce aussi à l'armée, constamment épurée pour en éliminer les déviationnistes de droite et de gauche, soit par autocritique avant récupération, soit par destitution pure et simple.

La mesure la plus spectaculaire est l'élimination, fin mars 1968, des généraux Fu Chong-pi, l'un des chefs de la garnison de Pékin, Yu Li-chui, commissaire politique de l'armée de l'Air, et surtout du chef d'état-major général, Yang Chen-wu, qui avait succédé à Lo Jui-ching, limogé en décembre 1966. Créature de la Révolution culturelle, mais gauchiste sans doute, au moins un peu trop activiste, Yang Chen-wu, traité de « contre-révolutionnaire à deux faces », a été remplacé à la tête de l'armée, en juin 1968, par le commandant militaire de la région de Canton, le général Huang Yung-sheng.

Mao veille lui-même à cette mise en ordre de l'armée, dont il reste le chef suprême. Evitant les tournées de popotes, plus ou moins sûres, il convoque régulièrement à Pékin les chefs militaires. « En excellente santé, la figure rayonnante », il reçoit 10 000 cadres en mars 1968 et 20 000 en juin. Il veut leur faire comprendre qu'ils ne sont plus, comme autrefois, les tout-puissants « seigneurs de la guerre » dans leurs provinces, mais des représentants d'un pouvoir central qui s'appuie sur l'armée, solide pilier du régime et principal instrument d'une incessante éducation des paysans, ouvriers, étudiants, écoliers ; c'est l'armée qui doit « transformer l'homme ».

Le 40e anniversaire de l'armée est fêté dans toute la Chine, son rôle présent et futur régulièrement souligné par les éditoriaux. En septembre 1967, Mao lance le « contrat d'amour » qui doit être passé entre le peuple et l'armée, vivant en « solidarité monolithique ». Tout cela sous la houlette du dauphin Lin Piao, sacré, en décembre, « meilleur successeur de Mao ».

L'isolement diplomatique

Quant aux ennemis de l'extérieur, ils subissent, l'année entière, des attaques répétées. Invectives, protestations, manifestations, confiscations, expulsions, assignations à résidence visent, successivement ou simultanément, une bonne douzaine de pays, de la Birmanie à l'Indonésie, en passant par l'Inde, le Népal, la Tchécoslovaquie, la Suède, la Mongolie, la Suisse (qui héberge des Tibétains), le Danemark (où avaient été publiées des caricatures de Mao), le Japon, la Tunisie, etc.

S'isolant de plus en plus du jeu de la diplomatie internationale, Pékin proteste et menace. En juin 1967, le Premier ministre Chou En-lai revendique Hongkong et parle de créer une « ONU révolutionnaire ».