Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

L'intérêt de l'opinion mondiale reste momentanément fixé sur la « colonie rebelle » à la Couronne britannique, après l'annonce de violents combats entre nationalistes africains venus de Zambie et forces de l'ordre. Ces accrochages semblent cependant moins importants que ceux d'août 1967, et tout indique que rien ne menace sérieusement la suprématie blanche en Afrique australe.

Tandis que les États africains continuent d'insister auprès du gouvernement du Royaume-Uni pour que celui-ci recoure à la force contre la Rhodésie, Ian Smith et ses amis sont irréversiblement installés dans la sécession.

La situation en Rhodésie évolue ; le nombre des partisans de négociations avec Londres, par exemple, s'amenuise régulièrement, et en mars se crée, à Salisbury, un parti d'extrême droite, qui reproche à I. Smith sa tiédeur et demande une rupture définitive avec l'ancienne puissance coloniale.

Yémen

La guerre civile, qui éclata au Yémen à l'automne 1962, après le renversement de la monarchie, est entrée dans sa sixième année, sans que l'on ait pu discerner les perspectives d'un règlement.

Ni l'élimination du pouvoir d'hommes aussi contestés que l'iman Badr (déposé, début juin 1968, par ses anciens partisans royalistes) et le maréchal Sallal (destitué de la présidence de la République début novembre 1967), ni la conclusion d'un accord de désengagement conclu, en septembre 1967, entre le roi Fayçal d'Arabie Saoudite et le président Nasser, ni encore le retrait du corps expéditionnaire égyptien (environ 50 000 hommes) du territoire républicain, en décembre 1967, n'ont dépouillé le conflit yéménite de son caractère international ou n'ont contribué à apaiser les passions.

Fin juin 1968, les combats entre forces républicaines et maquis royalistes se poursuivaient sur divers points du territoire, notamment à proximité des axes routiers reliant Sanaa à Taez et au port de Hodeida. Toutes les villes, néanmoins, demeuraient aux mains du pouvoir républicain. Mais la lutte avait atteint son paroxysme durant les mois de novembre et de décembre. Les royalistes avaient alors déclenché une offensive foudroyante qui les avait conduits aux portes de la capitale. Les diplomates étrangers avaient quitté Sanaa assiégée pour se réfugier à Taez. Au moment où le gouvernement du général Hassan el Amri était tenu pour perdu, l'intervention de l'aviation – dont les appareils venaient d'être livrés par l'Union soviétique – a renversé brusquement le rapport des forces. Selon les royalistes, les avions étaient pilotés par des Russes.

À la grande déception des partisans de l'iman Badr et, surtout, de l'Arabie Saoudite, il était devenu évident que le retrait des troupes égyptiennes n'allait pas entraîner la chute du régime républicain. Le roi Fayçal pouvait se demander s'il n'avait pas conclu en septembre, à la conférence des chefs d'État arabes, à Khartoum, un marché de dupes avec le président Nasser.

Impasse totale

Celui-ci en avait tiré le plus grand profit, puisque son désengagement lui avait permis de récupérer ses troupes – dont il avait le plus grand besoin, après la défaite de l'armée égyptienne lors de la guerre de six jours –, de normaliser ses rapports avec la Grande-Bretagne et d'apaiser les inquiétudes des États-Unis.

Le roi Fayçal, en revanche, n'a pas obtenu les résultats qu'il escomptait. À ses yeux, les Soviétiques ont pris la relève des Égyptiens, avec l'accord tacite de ces derniers, pour protéger le régime républicain contre les assauts des guérilleros royalistes.

Aussi a-t-il adopté, dès janvier 1968, une attitude hostile, à peine voilée, à l'égard du président Nasser. Certes, il n'a pas interrompu les subsides qu'il verse au gouvernement du Caire pour lui permettre d'affronter « les conséquences de l'agression israélienne », mais il a systématiquement repoussé toutes les demandes du chef de l'État égyptien relatives à la convocation d'un sommet panarabe. Ce refus a porté un coup à la diplomatie du Caire, qui espérait, à travers une telle réunion, améliorer sa position dans le conflit israélo-arabe.

L'impasse dans le conflit yéménite parait donc totale. Le refroidissement des rapports égypto-saoudites, les appuis discrets donnés par les grandes puissances à leurs amis respectifs ont contribué à raidir les positions des camps antagonistes.