Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Levi Eshkol, parlant du « grand Israël » qu'il fallait créer par une immigration massive, déclarait pour sa part, le 28 octobre, qu'une présence juive était nécessaire « même dans les régions où nous n'existons pas aujourd'hui, mais qui ont des noms bibliques ». Des kibboutzim (fermes collectives) de soldats-paysans sont d'ailleurs installés dès le 24 septembre dans les territoires occupés.

Un choix irréversible

Les déclarations d'autres dirigeants israéliens, cependant, indiquent clairement que le gouvernement est sérieusement divisé sur le sort qu'il faudra réserver aux territoires conquis. Si trois partis de la coalition – le Rafi, l'Ahdout Haavoda et le Herout – se sont clairement prononcés pour l'annexion de l'ensemble ou de la majeure partie de ces territoires – le Napam (socialiste de gauche) s'est élevé le 28 novembre par la voix de l'un de ses chefs, I. Barzilaï, ministre de la Santé, contre « les tendances expansionnistes et chauvines » qui s'expriment au sein du cabinet.

Le débat engagé à l'intérieur de la coalition n'ayant apparemment pas abouti jusqu'en juin 1968, la position du gouvernement de L. Eshkol à l'égard de ce problème est demeurée suffisamment souple pour ne pas provoquer une scission. Les frontières d'Israël, n'a cessé de répéter en substance Abba Eban, ministre des Affaires étrangères, ne seront pas celles du 5 juin, pas plus qu'elles ne coïncideront avec les lignes du cessez-le-feu. Elles se situeront entre ces deux extrêmes après accord des États arabes concernés, qui devront accepter pour cela de s'engager dans des négociations directes avec Israël en vue de la signature de traités de paix. Dans tous les cas, le rattachement du secteur jordanien de Jérusalem, effectué le 28 juin, « est irréversible et n'est pas négociable ».

Réunis à Khartoum (du 28 août au 2 septembre) pour se prononcer sur la ligne à suivre à l'égard d'Israël, les chefs d'État arabes ne tardent pas à s'affronter. Les uns veulent une solution « révolutionnaire », qui consiste essentiellement à libérer la Palestine des sionistes par la force ; les autres, tirant les conclusions de la défaite, sont partisans d'un règlement pacifique comportant certaines concessions.

Tiraillés entre les nécessités pratiques de mettre un terme au conflit et la poussée populaire en faveur de la résistance armée, ils hésitent à se prononcer clairement en faveur d'une paix négociée. Après des débats houleux, qui mettent notamment aux prises le roi Hussein et Ahmed Choukeiri, la tendance modérée l'emporte, en faisant adopter une résolution dont le choix des termes trahit le souci de ménager à la fois les activistes (en particulier la Syrie et l'Algérie) et l'opinion arabe.

Cotisation annuelle

La résolution rejette toute négociation avec l'État d'Israël ou sa reconnaissance. Mais elle écarte aussi la vole militaire, au profit d'une « solution politique ». Celle-ci, toutefois, ne devrait pas aboutir à la « réconciliation » (Al Solh, en arabe) ; en d'autres termes, à la conclusion d'un traité de paix. Pour permettre à la RAU et à la Jordanie de résister aux pressions militaires et économiques, auxquelles elles sont soumises depuis la guerre de six jours, l'Arable Saoudite, le Koweit et la Libye acceptent de se cotiser pour verser annuellement 135 millions de livres sterling (95 millions pour le président Nasser et 40 millions au roi Hussein).

Dès le 3 septembre, Levi Eshkol condamne la résolution de Khartoum, qui, selon lui, « éloigne les chances de paix au Moyen-Orient ». Quant au général Dayan, il estime l'attitude des Arabes à tel point négative qu'il déclare, le 1er octobre, qu'il n'est pas exclu qu'Israël ait à franchir les lignes du cessez-le-feu afin d'occuper une capitale arabe, pour en finir, une fois pour toutes, avec les hostilités.

Un texte de compromis

La RAU et la Jordanie, qui souhaitent parvenir à une paix de facto, tentent d'offrir des satisfactions publiques à Israël. Trois jours après le sommet de Khartoum, le roi Hussein condamne les activités des organisations de commandos. Il déclare à la radio : « Je considère le renouvellement d'activités terroristes en territoire jordanien occupé par Israël comme un crime perpétré contre nos frères palestiniens. » Le 26 octobre, à Paris, il reconnaît « l'existence d'une nation israélienne ». Le 8 novembre, le porte-parole du gouvernement égyptien, Mohamed el Zayyat, va encore plus loin et déclare que le président Nasser est disposé à garantir « le droit d'Israël d'exister ».