À la même époque, une délégation nord-vietnamienne se rend à Moscou pour examiner les problèmes politiques, économiques et militaires posés par la poursuite de la guerre. L'URSS accorde au Viêt-nam du Nord une aide d'environ 500 millions de roubles (soit 2 milliards et demi de francs). L'URSS fournit un armement dont ni les Soviétiques ni les Nord-Vietnamiens ne révéleront la nature.

Des deux côtés on ne croit plus, à la fin de l'été 1967, à une solution diplomatique immédiate. La parole est aux canons et aux mitrailleuses.

Les Américains, avec l'accord des dirigeants sud-vietnamiens, s'apprêtent à engloutir de nouveaux soldats et de nouvelles sommes dans le conflit.

Les Nord-Vietnamiens — malgré l'escalade américaine — et le Viêt-cong sont prêts à résister par tous les moyens. Les Soviétiques manifestent et prouvent leur appui total à Hanoi. La Chine, qui apporte également son aide au Viêt-nam du Nord menace et attend.

Les répercussions du conflit

Rien de prévisible ne paraît devoir modifier cette situation inextricable. Il faudrait que l'un des pays concernés par la guerre change sa position. Au milieu de l'année 1967, en tout cas, aucun d'eux ne laisse entendre qu'il est prêt à transiger, quelles que soient les difficultés de politique intérieure ou extérieure que lui crée la prolongation du conflit.

États-Unis

Depuis le début de la guerre, le président Johnson s'est trouvé pris entre les partisans de la guerre à outrance et ceux d'une négociation honorable.

La politique des États-Unis au Viêt-nam est le reflet de cette situation. Johnson ne s'est engagé à fond ni dans la guerre ni dans la négociation. L'escalade, avec ses différents échelons, exprime cette hésitation. Le président est convaincu que sous la pression des bombardements les Nord-Vietnamiens demanderont grâce et consentiront à négocier.

Vers la mi-mai 1967, il semble pourtant que Johnson cède de plus en plus aux durs de son cabinet (dont le chef de file est le ministre des Affaires étrangères, Dean Rusk) et aux militaires. Le général Westmoreland, invité à Washington, s'adresse au Congrès pour justifier la politique américaine et demander de nouveaux renforts. C'est la première fois dans l'histoire des États-Unis qu'un commandant en chef en campagne parle ainsi directement aux deux Chambres réunies.

Face aux durs, les partisans de la paix s'organisent. Mais leurs protestations se heurtent à l'apathie d'une opinion publique largement favorable aux raids (67 % selon les sondages).

Le conflit vietnamien fausse la diplomatie de coexistence pacifique avec l'URSS. Certes, en dépit de l'aide soviétique à Hanoi et des accusations d'« impérialisme », les ponts n'ont jamais été coupés entre Moscou et Washington, mais là, encore, à terme, le conflit peut devenir l'occasion d'une crise grave entre les deux grands.

Union soviétique

Elle est prise entre son désir de paix, ses obligations à l'égard de l'allié nord-vietnamien et son différend avec la Chine.

La guerre du Viêt-nam constitue l'obstacle majeur à la détente avec les États-Unis, dont les dirigeants soviétiques ont fait l'un des axes de leur politique, et ce n'est pas sans raison qu'en avril 1967 les différentes négociations en cours entre les deux grands ont marqué un temps d'arrêt. C'est précisément le moment où, face à l'intensification des raids américains, les Soviétiques répondaient par un accroissement de leur aide au Viêt-nam du Nord.

Il n'a jamais été question pour l'Union soviétique d'abandonner Ho Chi Minh, et si jamais une telle hypothèse avait pu être envisagée, le poids de la Chine l'aurait écartée aussitôt.

Les Soviétiques n'ont aucun intérêt à voir Pékin exercer une influence décisive dans le Sud-Est asiatique. Les problèmes posés par l'acheminement à travers le territoire chinois du matériel soviétique à destination d'Hanoi — notamment aux heures chaudes de la révolution culturelle — soulignent les difficultés de l'URSS à ce sujet. Elles n'ont pu être, semble-t-il, résolues que par la présence permanente à Pékin d'une commission nord-vietnamienne.

Chine

La révolution culturelle a éclipsé cette année les rapports entre Pékin et Hanoi. On sait, cependant, que les Chinois, comme les Soviétiques, apportent une aide substantielle aux Nord-Vietnamiens. Mais la grande inconnue demeure : les Chinois interviendront-ils dans le conflit, et si oui, à partir de quel échelon de l'escalade ? Dans une interview à une revue US, catégoriquement démentie par Pékin, Chou En-lai aurait indiqué, en mai, les conditions d'une éventuelle intervention chinoise. En tout état de cause, la Chine se déclare concernée au premier chef par tout règlement de l'affaire vietnamienne, et sa position est incontestablement l'un des éléments essentiels des calculs américains.