Les belligérants eux-mêmes entrèrent en contact indirectement. Ce fut en vain, Hanoi et Washington sont sur deux longueurs d'onde différentes et ne peuvent arriver à s'entendre.

La position d'Hanoi, ratifiée par le Viêt-cong, a été exprimée en détail le 8 avril 1965 par Pham Van Dong, le Premier ministre du Viêt-nam du Nord. Elle consiste en quatre points :
– retrait des troupes américaines du Viêt-nam du Sud et arrêts des raids contre le Nord ;
– en attendant la réunification du pays, les deux zones doivent s'abstenir de participer à toute alliance militaire avec un pays étranger ;
– conformément au programme politique du FNL, les affaires du Viêt-nam du Sud doivent être réglées par son peuple ;
– la réunification du Viêt-nam doit être l'affaire des deux zones sans ingérence étrangère.

Les accords de Genève

La position de Washington tient en quelques mots : il y a agression des communistes. Que cesse cette agression et nous nous retirons. Nous ne demandons qu'à négocier. Tout notre effort est d'obliger Hanoi à s'asseoir à la table de conférence. Quant au Viêt-cong et à son bras politique le FNL, il n'est qu'une émanation du Viêt-nam du Nord et nous n'avons pas à discuter avec lui en tant que tel.

Inlassablement, les adversaires ont répété sous des formes et par des voies diverses leurs positions. Des nuances, des précisions ont été apportées, mais le fossé creusé entre Américains et Nord-Vietnamiens est trop profond pour qu'on envisage même un début de compréhension.

Hanoi, fidèle aux accords de Genève, ne demande que leur application. Washington ne songe qu'au maintien d'un avant-poste occidental aux portes du monde communiste. À cela s'ajoute, de la part de Washington, une certaine mauvaise foi. Les fameux quatre points sont depuis toujours présentés par Hanoi comme une base de discussion. Les Américains, en revanche, les considèrent comme une condition posée par Ho Chi Minh à toute négociation.

Voilà le fond du tableau, l'horizon sur lequel se sont détachés au cours des mois les efforts des diplomates pour résoudre le problème.

En vérité, « résoudre le problème » est un bien grand mot. Devant l'intensification des opérations militaires, l'accroissement du nombre des morts et la menace que ce conflit devienne une troisième guerre mondiale, les tentatives de médiation portent presque uniquement sur les moyens d'obtenir un cessez-le-feu. Alors que les années précédentes on proposait des plans politiques (dont le cessez-le-feu était, certes, une étape importante, mais seulement une étape), cette année on propose des plans pour un arrêt des combats, qui permettrait enfin d'engager le dialogue.

Sans compter les innombrables tentatives vouées à l'échec avant même d'avoir été menées à terme, trois essais de paix créèrent une lueur d'espoir : deux de la part de Thant, secrétaire général de l'ONU, le dernier issu des conversations soviéto-britanniques et dont on crut — pendant quelques heures — qu'elles aboutiraient à un arrêt effectif des combats.

Le plan de paix de Thant

Le 19 décembre 1966, les États-Unis demandent à Thant de « prendre toutes les mesures qu'il jugera utiles pour faire engager les discussions nécessaires pouvant mener à un cessez-le-feu ». Thant se trouve dans une position de force. N'ayant pas réussi à mettre fin à la guerre, il avait songé à démissionner de son poste.

Finalement, il y a renoncé, et cette offre américaine lui apparaît comme une offre sincère. Son plan de paix est prêt. Il tient en ces trois mots : arrêt des raids sur le Viêt-nam du Nord, réduction de l'intensité des combats, participation du Viêt-cong aux négociations.

C'est inévitable : les États-Unis n'acceptent pas ce plan.

Thant refuse alors de le proposer à Hanoi et déclare en substance aux Américains : arrêtez d'abord vos raids contre le Viêt-nam du Nord.

Cet arrêt des raids, précisément, va être au centre de la grande négociation entre A. Kossyguine (URSS) et H. Wilson (Grande-Bretagne) au début du mois de février 1967. L'occasion apparaît exceptionnelle. D'abord, la Grande-Bretagne et l'URSS sont les deux co-présidents de la conférence de Genève de 1954. Alliés privilégiés des États-Unis, les Anglais peuvent avoir auprès d'eux une influence plus forte que les autres.