Journal de l'année Édition 1967 1967Éd. 1967

Les organismes militaires intégrés stationnés en France étaient ainsi répartis : le SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers Europe) quittait Rocquencourt pour Chièvres-Casteau, près de Bruxelles, le commandement Centre-Europe abandonnait Fontainebleau pour Maestricht, aux Pays-Bas, et le Collège de défense rouvrait ses portes à Rome. Quant au Conseil atlantique, il était transféré du palais de la porte Dauphine à Evere, également à Bruxelles, avant de s'installer définitivement dans les bâtiments en cours de construction dans un autre faubourg de la capitale belge.

Le sort des forces françaises stationnées en Allemagne fédérale et anciennement placées sous commandement atlantique : elles ont été replacées dès le 1er juillet sous commandement français. Leur statut futur a entraîné toute une série de discussions qui se sont terminées le 21 décembre 1966 par un échange de lettres entre les ministres français et allemand des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville et Willy Brandt. En vertu de cet accord, les troupes françaises restent stationnées sur le territoire allemand non en vertu d'un droit d'occupation, mais à la demande expresse des autorités ouest-allemandes. Tel n'est pas le cas des troupes stationnées à Berlin, où le gouvernement français reconnaît toujours le statut hérité de la Seconde Guerre mondiale.

Le sort des installations militaires étrangères : ce troisième point ne concernait que deux pays, les États-Unis et le Canada, aucun des deux n'ayant accepté de placer ses troupes stationnées en France sous commandement français. Le général de Gaulle avait fixé dans ce cas le délai ultime d'évacuation au 1er juillet 1967.

Le survol du territoire

Le problème fut très vite résolu pour le Canada, qui n'entretenait que deux unités aériennes, près de Marville, et un commandement à Metz. Le tout fut transféré en Allemagne. Les exigences françaises étaient moins faciles à satisfaire pour les États-Unis, qui entretenaient environ 26 000 hommes, de nombreuses bases, des dépôts, sans compter l'état-major des forces américaines en Europe, situé au camp des Loges. Washington demanda, d'ailleurs, un délai supplémentaire, mais cela lui fut refusé. Le général de Gaulle expliqua alors qu'il n'entendait pas « laisser s'éterniser l'indétermination ». Le gouvernement américain n'insista pas après cette rebuffade et finit par respecter les délais imposés, le camp des Loges étant transplanté à Stuttgart.

La réactivation éventuelle de certaines bases restait toutefois à l'étude, ainsi qu'un certain nombre d'autres problèmes, comme la coopération entre les forces françaises et alliées et les facilités à donner aux forces alliées par la France dans le domaine des communications et des transports (oléoduc Donges-Metz, installations portuaires, survol du territoire français). Tous ces problèmes faisaient l'objet de discussions surtout techniques entre les généraux Lyman Lemnitzer et Charles Ailleret, respectivement commandant suprême des forces alliées et chef d'état-major des armées françaises.

Une réforme inéluctable

Si le retrait de la France de l'OTAN n'a soulevé aucun remous passionné à l'intérieur du pays — une motion de censure déposée par les socialistes SFIO et soutenue par une partie des députés radicaux, centre gauche, MRP et modérés ne recueillit que 137 voix après un long débat au terme duquel les communistes ne prirent pas part au vote —, il a posé avec brutalité le problème d'une réforme de l'organisation militaire du traité de l'Atlantique Nord. Alors que les rapports entre l'Europe de l'Est et celle de l'Ouest ont radicalement changé, peut-on maintenir intact un organisme militaire créé aux pires moments de la guerre froide ? Un organisme, qui plus est, dont le fonctionnement reste étroitement contrôlé par les États-Unis ?

Sans être fondamentalement hostiles à l'OTAN, de nombreuses personnalités européennes se posent la question et en viennent à demander une réforme de l'institution, sans pour autant se faire les défenseurs de la constitution d'un armement atomique national.