Le résultat de cette opération d'un style inédit et lancée avec beaucoup de publicité n'atteint pas tout à fait les objectifs fixés au départ. Sur 100 000 questionnaires, 7 000 furent remplis — ce qui ne constitue pas un succès foudroyant. D'autre part, leur exploitation se révéla difficile.

Alors que les réponses au questionnaire devaient constituer l'essentiel du Livre blanc prévu à l'origine, elles ne figurent plus qu'à titre d'illustrations dans le « rapport d'enquête ».

Cela ne signifie pas que le document soit dépourvu d'intérêt. Rédigé par des groupes de travail composés de sociologues, de fonctionnaires et de spécialistes, sous la direction de René Haby, directeur de cabinet de François Missoffe, préparé par des colloques et par un sondage de l'IFOP, il constitue un tableau précis et critique de la jeunesse française, et une synthèse des différentes études menées jusqu'à présent sur cette question.

Certains aspects très graves des problèmes de la jeunesse sont clairement exposés et analysés : sous-qualification professionnelle, insuffisance des salaires, longueur excessive des trajets, difficultés de logement, inadaptation de l'enseignement, pauvreté des équipements culturels.

L'autonomie

« La civilisation moderne, lit-on dans le rapport, donne aux jeunes davantage de raisons d'intervenir dans la société adulte ; le développement des moyens de communication de masse, l'ouverture plus grande sur le monde, les modes de vie nouveaux et peut-être aussi les transformations physiologiques accélèrent le mûrissement des jeunes et augmentent donc, pour un âge donné, leurs exigences envers la société. Mais, paradoxalement, au même moment, celle-ci s'applique, semble-t-il, à leur retirer les moyens de leur autonomie. La multiplication des occasions de dépenses qu'ils ne peuvent satisfaire par leurs propres ressources maintient leur dépendance économique ; l'allongement de la période scolaire leur fait sentir plus longtemps leur dépendance intellectuelle ; la famille, plus dispersée, joue moins que par le passé son rôle de banc d'essai de la société. C'est peut-être dans ce conflit entre les aspirations de type adulte plus tôt libérées et le retard croissant apporté à la reconnaissance de certaines autonomies que se situe la racine profonde de beaucoup des problèmes de la jeunesse actuelle. »

La clé des problèmes

Se limitant à une description, le rapport d'enquête ne propose pas de politique à proprement parler. Cette lacune fut, naturellement, reprochée au ministre dans le débat du Parlement.

François Missoffe ne se dissimule d'ailleurs pas que la clé de la quasi-totalité des problèmes qu'il est amené à soulever est entre les mains des autres ministres du gouvernement : ceux de l'Éducation nationale, des Armées, de l'Équipement ou des Affaires sociales.

« Une de mes tâches, a-t-il déclaré au Parlement, consiste à me faire l'avocat des jeunes, auprès de l'opinion et du gouvernement. »

Territoires d'outre-mer

Le référendum de la Côte française des Somalis

Territoire situé dans une zone troublée, au voisinage du Yémen, de la République Somalie et de l'Éthiopie, la Côte française des Somalis perd, brutalement, en août 1966, la réputation de stabilité qui était jusqu'alors la sienne.

Des éléments nationalistes, conduits notamment par Moussa Ahmed Idriss, député du territoire, mettent à profit le passage à Djibouti du général de Gaulle (en route pour Addis-Abeba, Phnom Penh et Nouméa) pour organiser des manifestations et réclamer l'indépendance immédiate. Des désordres s'ensuivent, l'armée intervient et une quarantaine de personnes sont blessées, tandis que deux autres trouvent la mort.

Le gouvernement français tient pour principaux responsables des désordres des « éléments étrangers » venus de République Somalie, État qui revendique le petit territoire d'outre-mer des bords de la mer Rouge.

Ali Aref, vice-président du Conseil de gouvernement, est cependant éloigné en métropole et Louis Saget remplace René Tirant comme chef de territoire.

Des centaines de Somalis, n'étant pas en mesure de prouver leur nationalité française, sont refoulés en République Somalie, par le poste-frontière de Loyada.

Le référendum

De nouveaux incidents ont lieu en septembre et font un mort et de nombreux blessés. L'empereur Haïlé Sélassié revendique alors officiellement la Côte française des Somalis au cours d'une conférence de presse tenue à Addis-Abeba, tandis que le général de Gaulle déclare que la population du territoire décidera, elle-même, par voie de référendum, de son avenir.