La crise latente depuis des semaines éclate spontanément, début mars, dans la mouvance de la grève de la Rhodiacéta. À Vénissieux et Lyon, défilés et meetings vont se succéder, tandis que les CRS occupent les ateliers.

La négociation, péniblement mise sur pied, part mal : les syndicats refusent le blocage des salaires, inefficace, selon eux, pour améliorer la productivité. Ils proposent la nationalisation dès que la direction fait part de ses difficultés de gestion. Commissions paritaires, lock-out, débrayages, meetings se mêlent confusément pendant plus d'un mois.

Un premier accord est accepté par la CGT, mais repoussé par la CFDT. En définitive, un compromis réunit toutes les signatures : le salaire mensuel garanti passe de 500 F à 680 F ; des garanties sont accordées en matière de protection d'emploi, une procédure d'information régulière sur les perspectives commerciales et économiques de l'entreprise est mise en place. Point de départ à une concertation plus permanente, l'accord ne règle point les problèmes, mais ouvre la porte à la voie difficile du dialogue.

Les mines de fer

En 1952, il y avait 26 561 mineurs de fer en Lorraine ; ils assuraient une production de 37 millions de tonnes. Fin 1966, ils n'étaient plus que 15 000 et sortaient 56 millions de tonnes.

Pour la durée du Ve plan, on prévoit la disparition de 40 000 emplois en Lorraine. Le problème, posé depuis des années, est donc celui de la conversion industrielle du bassin ferrifère.

Inquiets, les mineurs lancent, le 1er avril, la grève de la dernière chance. Leur objectif dans l'immédiat, arrêter les licenciements ; à terme, développer de nouvelles industries (ils reprochent au patronat de n'avoir pas investi, mais distribué des profits pendant la période de prospérité), et donc mettre en place des moyens de formation professionnelle et de recyclage.

La quasi-totalité des mineurs occupent le carreau de la mine et bloquent les livraisons de minerai aux hauts fourneaux, bientôt menacés d'asphyxie.

À l'issue d'un mois de lutte, ils arrachent une victoire provisoire : les licenciements sont arrêtés « dans l'immédiat ». Une commission paritaire de l'emploi est mise en place.

Saint-Nazaire

Il n'est pas étonnant que les mensuels de Saint-Nazaire, avec une grève ininterrompue de deux mois, aient battu le record de durée d'un conflit en France. Tous les problèmes qui se posaient ailleurs se trouvaient mêlés là.

Le problème de Saint-Nazaire est d'abord celui des régions de mono-industrie de vieille implantation. Les chantiers navals sont l'industrie dominante, et ils doivent faire face à la concurrence japonaise et suédoise. Les syndicats ne nient pas la nécessité de la concurrence, mais se demandent si bas salaires et subventions publiques n'ont pas servi d'oreiller de paresse au patronat ?

Une part seulement des salaires est garantie contractuellement. Le galon, part individuelle de la rémunération, laissée à la libre décision de l'employeur, est source d'irritation et d'injustice. De là l'impasse des discussions sur le salaire moyen, résultante des très bas salaires et des hauts salaires.

À Saint-Nazaire, plus encore qu'à Bordeaux, apparaissent le décalage avec Paris et le retard avec l'évolution générale des salaires français : 16 %, selon les syndicats, depuis 1963 !

Ceux enfin que les conventions collectives appellent « collaborateurs », les cols blancs, sont en pleine mutation. C'est avec des critères de 1936 et une classification de 1945 qu'ils sont situés dans l'éventail hiérarchique. Le plus spectaculaire des conflits allait paradoxalement se terminer par le compromis le moins favorable pour les syndicats, eu égard à l'ampleur du mouvement.

À l'issue d'une ultime réunion de plus de treize heures au ministère des Affaires sociales, les mensuels obtiennent une revalorisation de leur « point », et aux Chantiers de l'Atlantique la création d'une commission paritaire d'étude, destinée à développer une meilleure coopération au sein de l'entreprise.