Si les couleurs s'affrontent avec violence dans cette mode de printemps-été, les lignes, elles, évoluent avec calme et modération. Trois tendances nettement définies s'épanouissent côte à côte.

Le militaire et le parapluie

D'abord, très florissant chez les juniors, le style petit soldat, inspiré des créations de Christian Dior, qui a proposé le long manteau à large ceinturon crânement bouclé de métal, fièrement décoré d'une double rangée de boutons dorés. Tout aussi courant, le tailleur-blouson suit d'un pas martial et assuré ; blouson à pattes d'épaules cloutées ou boutonnées, de ligne un peu carrée, plus court que la saison précédente, parfois galonné, zippé, en tissus secs, comme le vrai drap d'uniforme, que l'on porte avec une jupe plissée ou évasée, ou encore avec un pantalon large et parfois un bermuda. Il est fréquent de voir des militaires dans le style dépareillé : c'est-à-dire blouson marine en tissu bourru contre jupe claire et soyeuse, ou vice versa.

Si les juniors jouent bravement au petit soldat, leurs mères et leurs sœurs aînées penchent plutôt vers la ligne parapluie. Une ligne qui s'épanouit en corolle, buste très menu, tandis que l'ampleur s'envole à partir des côtés. Qu'elle soit robe de ville ou robe de rue (la fameuse robe-manteau de l'hiver poursuit sa carrière), elle est en gabardine unie pour le printemps, en voile ou en jersey synthétique, à motif de grandes fleurs, pour l'été. La ligne parapluie admet facilement des manches qui se déploient gracieusement autour du poignet, affinant la main, un petit col et des boutons (ou boutonnage sous patte) discrets qui doivent passer inaperçus.

Les belles du soir

Il n'est pas rare, non plus, de la rencontrer le soir, subtilement métamorphosée par un plastron de paillettes multicolores, ou par un profond décolleté ouvert sur un soutien-gorge-modestie strictement assorti. Elle se permet également de découvrir les bras, de dénuder la pointe d'une épaule, de dégager le cou en l'allongeant, et parfois se pare de voiles légers, multicolores, qui volent autour d'une silhouette étirée à l'extrême. Un autre type de robe tient, le soir également, une place non négligeable : la robe-sarrau, hybride né de la baby-dress et du tablier noir des écoliers d'autrefois, robe toujours ample et froncée sous un empiècement, en vichy à carreaux, par exemple, galonné de broderie anglaise.

Nouveau : le style safari

À l'opposé de ce style mouvant et fluide, on remarque l'influence grandissante du ceinturé, très spécialement illustré par le style safari. Cette nouvelle ligne masculinise curieusement la silhouette, bien que le corps féminin reprenne ses droits ; par exemple, la taille revient à sa place, marquée d'une ceinture lâche ou tout juste souple. Les manteaux, de style safari sans bouton ni pression, sont retenus par un lien noué et s'enroulent autour de la silhouette comme une robe de chambre. Les jupes, bien maintenues par un ceinturon, s'évasent, se plissent et donnent à la femme une démarche dansante. Les robes, elles aussi, se ceinturent. Robe-chemisier classique à manches longues ou courtes, mais renouvelées par des poches plaquées à revers ; robe-salopette, à peine élargie du bas, mais décolletée au carré et dont les larges bretelles se ferment par des boucles rondes ou rectangulaires. Enfin, le modèle qui illustre le mieux cette nouvelle ligne, tout en tenant une place à part, le tailleur-safari, fait ressembler les femmes à quelque colon venu du fin fond de l'Afrique. De toile ou de shantung, à jupe presque droite, où à bermuda, à veste essentiellement longue, il réunit toutes les caractéristiques de ce style aux détails nets et assez masculins : vastes poches plaquées, double boutonnage rigoureux, col strict.

L'exotisme

Un vent d'exotisme souffle sur la mode estivale. D'Amérique du Sud nous arrivent les robes mexicaines, naïves et gaies, caractérisées par des plis, des fronces, des manches ballon, des broderies simples. Du Maroc, les djellabas et les gandouras, en feutre ou en soie brodée, donnent naissance à une mode d'intérieur. D'Afrique centrale débarquent tous les tissus boubou, qui pimentent les tenues de plein été. De l'Orient, enfin, s'inspirent les tuniques à la chinoise fendues haut et les robes persanes à manches pagode.

Peu d'innovations

Le style safari a, naturellement, ses accessoires propres, qui, seuls, apportent une nouveauté dans ce domaine. Des femmes arpentent martialement les rues, chaussées de bottes d'été en toile et cuir, le visage bien protégé par de grands chapeaux de feutre mou ou de toile à larges bords. Les ceintures sont en période faste avec ce nouveau style. C'est ainsi qu'on voit des ceintures de sangle, rayées ou unies, des ceinturons de cuir à large boucle de métal ou perforés d'œillets dorés et des ceintures à montre (la montre se glisse dans une petite poche-gousset sur le devant ou s'accroche à un lien de cuir tressé).