Tout change si l'on brûle un combustible fortement enrichi (en uranium 235 ou en plutonium). Le flux neutronique, non ralenti, est alors assez intense pour entretenir la réaction en chaîne et pour transformer l'uranium 238 en plutonium : un tel réacteur, pendant longtemps, produit plus de noyaux fissiles qu'il n'en consomme. Son taux de conversion est supérieur à 1.

Les réacteurs surgénérateurs multiplient par 50 ou 60 le bilan énergétique de l'uranium, puisqu'ils arrivent finalement à tirer de l'énergie de l'isotope 238, qui demeure une cendre inutile dans les réacteurs à neutrons thermiques. Ils peuvent également utiliser le thorium, qu'ils transforment en un isotope d'uranium fissile.

En employant comme échangeur de chaleur un métal liquide (tel le sodium à 500 ou 600 °C) on obtient avec un surgénérateur une vapeur à paramètres de température et de pression élevés, ce qui assure à la centrale un rendement de 40 p. 100, égal ou supérieur à celui des meilleures centrales thermiques.

Mais la technologie des réacteurs à neutrons rapides doit encore résoudre de sérieuses difficultés. Les installations existantes ont un caractère expérimental, sauf peut-être celle que les Soviétiques construisent près de Bakou, et qui aura une puissance de 350 mégawatts électriques.

Les Anglais ont en projet un surgénérateur de 250 mégawatts électriques. Mais l'avance technique qu'ils ont prise dans ce domaine est maintenant menacée, en Occident, par les Français et les Allemands, qui misent de plus en plus sur l'avenir des réacteurs à neutrons rapides.

Réalisations françaises

La période 1966-67 a vu en France l'aboutissement de négociations et de programmes poursuivis depuis longtemps avec ténacité. Le 17 octobre a été signé à Madrid un accord portant sur la construction en Catalogne d'une centrale commune semblable à celle qui est en construction à Saint-Laurent-des-Eaux (uranium naturel, graphite, gaz carbonique).

Le 19 janvier, la France et l'Allemagne fédérale ont signé à Grenoble un accord pour la construction d'un réacteur franco-allemand à très haut flux de neutrons destiné à des études fondamentales de physique des solides.

En octobre, le réacteur expérimental Osiris entrait en service à Saclay. En décembre, c'était le démarrage d'EL-4. Mais surtout, le Centre de Cadarache a développé, en collaboration avec Euratom, l'étude des surgénérateurs : Masurca est entré en service en novembre, Rapsodie fin janvier. Rapsodie consomme de l'oxyde de plutonium et de l'oxyde d'uranium enrichi. Il ne produit que 20 mégawatts thermiques, mais sa rapide montée en puissance, en mars, a fait la preuve de la maturité technique acquise dans ce domaine nouveau et difficile.

La décision a été prise de mettre en chantier à Marcoule un surgénérateur de 250 mégawatts thermiques, Phénix ; les travaux commenceront en 1969.

Un seul incident fâcheux dans le développement nucléaire français : l'arrêt (provisoire) de la centrale EDF-3 de Chinon, en octobre 1966. Il a eu pour cause des défectuosités dans les échangeurs de température, les turbosoufflantes, le turbo-alternateur, toutes parties non nucléaires de la centrale, ainsi que dans le dispositif de détection de rupture des gaines des éléments combustibles.

Ces défauts ne mettaient pas en cause les techniques nucléaires, mais bien les méthodes industrielles qui avaient présidé aux travaux de construction. Ils prouvent que si l'industrie française n'est pas inapte à la maîtrise des techniques de pointe, l'esprit des industriels français doit s'adapter à certains aspects apparemment fastidieux de ces techniques, et surtout aux contrôles répétés et minutieux à tous les stades de la fabrication et de la mise en place.

L'usine marémotrice de la Rance

L'usine marémotrice de la Rance est entrée progressivement en service, après l'inauguration officielle de novembre 1966. Une puissance installée de 240 000 kW est ainsi mise à la disposition de l'Électricité de France, à partir d'une source d'énergie qui n'avait encore jamais été utilisée à l'échelle industrielle. La production annuelle prévue est de 544 millions de kilowatts-heures.