La France n'a pas voulu abandonner à l'étranger le monopole de la plus noble des techniques, celle qui remplace l'activité intellectuelle de l'homme, non pas pour de vaines raisons de prestige, mais parce que ce secteur industriel commandera bientôt tous les autres.

Une usine, par exemple, ne se concevra plus sans un contrôle électronique de ses machines ; mieux, les machines elles-mêmes seront conçues et réalisées en fonction de leur commande électronique. Ainsi, rester en dehors de l'industrie du calcul électronique, c'est risquer de ne plus pouvoir construire d'usines, car, de plus en plus, les usines sont réalisées clés en main.

Un compromis

On n'a pas oublié non plus, en France, le refus naguère opposé par Washington à la livraison de grands calculateurs électroniques destinés à la recherche scientifique, sous prétexte qu'ils pourraient servir à réaliser la bombe atomique.

La solution adoptée pour le Plan calcul est un compromis entre l'étatisme et la liberté capitaliste. En juillet 1966, le gouvernement décida de donner son aide à l'industrie qualifiée, pour la première fois à cette occasion, d'industrie de l'informatique. Les communiqués officiels ne précisaient pas — mais cela se savait clairement en marge des communiqués — que l'aide de l'État ne pourrait aller qu'à une organisation industrielle dans laquelle les plus grandes firmes auraient fait un effort pour se rapprocher de la taille critique en deçà de laquelle la réalisation des grands calculateurs est inconcevable.

D'où le rapprochement de la CGE et de la CSF dans le sein de la CITEC, puis, à la fin de 1966, la fusion de la CITEC et de la SEA, société d'informatique appartenant au groupe Schneider, pour créer la CII (on dit souvent C deux I), la Compagnie internationale pour l'informatique. Les diverses sociétés ainsi unies se trouvaient être complémentaires et elles apportaient derrière elles le concours de trois grands groupes : CGE, CSF, Schneider.

Entre-temps, le gouvernement avait créé un poste de délégué général à l'Informatique et désigné pour l'occuper Robert Galley, l'homme qui, dans le sein du Commissariat à l'énergie atomique, avait construit — et réussi — l'usine de séparation isotopique de l'uranium, Pierrelatte. Les dirigeants de la CII et le délégué général consacrèrent les premiers mois de 1967 à établir des objectifs et à élaborer un programme technique répondant aux besoins en machines informatiques des grandes administrations et de l'armée.

En même temps, les modalités de l'aide que l'État devait apporter à la nouvelle société qui venait de réaliser l'indispensable concentration industrielle furent définies par des conversations auxquelles participèrent les ministres des Finances, de l'Industrie et de la Recherche scientifique.

Robert Galley, né en 1921 à Paris, est élève de l'École centrale des arts et manufactures quand éclate la Seconde Guerre mondiale. Il gagne Londres en 1941, où il s'engage dans les Forces françaises libres. Il participe au débarquement avec la division du général Leclerc. En 1944, Robert Galley reprend ses études. En 1955, après avoir occupé un poste d'ingénieur dans une firme privée, il entre au Commissariat à l'énergie atomique, qui le charge, en 1959, de la construction de l'usine de Pierrelatte. Il est nommé délégué général à l'informatique le 28 septembre 1966.

400 millions de francs

Le 13 avril, la convention entre l'État et la CII fut signée. L'État apporte une aide très importante. La chiffrer est impossible, car, durant les cinq ans que durera cette aide, on ne peut savoir à l'avance quels seront les besoins exacts. On peut cependant estimer que plus de 400 millions seront ainsi avancés. Ces sommes sont, en principe, remboursables. Mais de même que l'État donnera tout ce qu'il faudra pour que l'entreprise réussisse, de même il ne détruira pas, la victoire technique acquise, ce qu'il aura aidé à bâtir. Les modalités de remboursement seront donc extrêmement souples.

Et, en 1972, la CII, qui aura sorti depuis deux ans, sinon trois, ses premiers calculateurs — ce seront des machines moyennes — pourra voler de ses propres ailes.

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