Le Département d'État américain a décidé de traiter le problème du cœur artificiel total exactement comme celui de la conquête de la Lune. La réalisation de six projets de cœur artificiel total a été confiée, par contrat, à des entreprises privées.

Parmi ces projets figure, entre autres, un plan d'adaptation du moteur rotatif Wankel, et son inventeur est venu s'installer aux États-Unis. D'autres projets envisagent la production de l'énergie nécessaire au fonctionnement du cœur artificiel total par l'utilisation d'une pile atomique miniaturisée ou des sucres circulant dans le sang comme carburants. Dans ce dernier cas, le sujet vivrait vraisemblablement en état de diabète provoqué, compensé par les besoins énergétiques de la prothèse mécanique.

Il faut noter, cependant, qu'une commission scientifique fonctionnant auprès du gouvernement de Washington estime préférable de réserver les crédits au perfectionnement des techniques classiques de prothèse partielle.

Vainqueur du marathon

Quoi qu'il en soit, le ministère de la Santé américain a déjà mis en application un plan colossal de formation théorique et pratique. Il doit permettre aux États-Unis de disposer en nombre suffisant, dans les années à venir, d'équipes de médecins, de chirurgiens et d'infirmières hautement spécialisées pouvant assurer l'implantation de 100 000 cœurs artificiels totaux par an.

La recherche cardiologique est si avancée aux États-Unis que le professeur W. J. Kolff n'a pas hésité à proclamer, à Louvain : « En 1984, le vainqueur du marathon sera un homme au cœur artificiel. »

Perspectives réconfortantes dans le traitement de l'urémie

Frappés par la néphrite chronique, les reins deviennent incapables d'assumer correctement leur rôle d'épurateurs du sang. En conséquence, l'urée, résidu toxique normalement produit par la transformation des protides (viandes, poissons, laitages), s'accumule dans le sang en quantité incompatible avec la vie ; le malade meurt, victime d'une crise d'urémie.

Depuis l'application de l'épuration artificielle, ou dialyse extra-rénale, en France d'abord, par la dialyse péritonéale mise au point par le professeur M. Dérot (Paris), puis par le rein artificiel inventé par le professeur W. J. Kolff (Salt Lake City), les grands urémiques sont maintenus en vie par des dialyses répétées, en général tri-hebdomadaires.

Le prix de revient du fonctionnement d'un rein artificiel étant de l'ordre de 400 000 F par an, très peu d'hommes peuvent encore bénéficier du traitement de l'insuffisance rénale chronique par la dialyse réitérée.

Au cours de sa leçon inaugurale, le 25 avril 1967, le professeur Gabriel Richet, titulaire de la chaire de néphrologie clinique et expérimentale de la faculté de médecine de Paris, a déclaré qu'en France 50 grands urémiques seulement pouvaient être traités par le rein artificiel, que 100 le seraient peut-être dans six mois, mais que « rien n'est encore prévu pour donner une extension à ce procédé thérapeutique qui pourrait arracher à la mort 2 000 urémiques par an, en attendant que l'on ait surmonté les difficultés techniques qui s'opposent encore au traitement des 5 000 autres ».

Reins artificiels légers

Cette situation, qui souligne le lourd handicap financier de la méthode, a déterminé, aux États-Unis, une évolution notable dans la construction des reins artificiels.

Depuis la fin de 1966, des appareils légers, du type du Dialung de Esmond, peuvent réaliser la dialyse à domicile. Le prix de l'épurateur et de son installation n'excède pas 1 500 F. Il peut être démonté, nettoyé et maintenu en bon état de marche par le malade ou sa famille, et la dépense se situe autour de 10 000 F par an.

Sans doute, cette somme pourra-t-elle encore être diminuée par l'utilisation de nouvelles matières filtrantes, telles que les résines et le charbon de bois, dont les propriétés n'ont pas encore été totalement explorées. Dans les années à venir, le rein artificiel collectif, tel qu'il existe actuellement dans les centres de traitement pour urémiques, sera vraisemblablement remplacé par un rein artificiel totalement miniaturisé et complètement implanté, à demeure, dans le corps du patient, à la façon des stimulateurs électriques du cœur.