Même hésitation devant Arabesque, de Stanley Donen, avec une éblouissante Sophia Loren et Gregory Peck. Quant au Rideau déchiré, d'Alfred Hitchcock, sacrifiant à la mode de l'espionnite, mais utilisant le thème, démodé celui-là, de la guerre froide entre l'Est et l'Ouest, ce fut une franche déception. Le maître du suspense n'a pu cette fois masquer les grosses ficelles d'un scénario trop roublard pour entraîner l'adhésion du spectateur, qui était en droit d'attendre tout autre chose de la part de l'auteur de Sueurs froides et de la Mort aux trousses.

Fred Zinnemann, comblé d'Oscars pour Un homme pour l'éternité, a signé l'un de ses meilleurs films en contant avec sobriété le conflit qui opposa Thomas More et le roi Henry VIII.

Porgy and Bess, d'Otto Preminger, sorti à Paris avec un retard de près de huit ans, n'aura pas apporté de gloire supplémentaire à son auteur. Le public, après West Side Story, a eu du mal à s'accoutumer à la mise en scène trop théâtrale de l'opéra de Gerschwin.

Robert Wise, qui depuis 1961 est en tête des recettes au box-office américain, a connu en France des fortunes diverses : on connaît le triomphe de West Side Story, on a enregistré l'échec de la Mélodie du bonheur. Sa nouvelle œuvre, la Canonnière du Yang-tsé, malgré la présence de Steve Mc Queen, n'a pas eu le succès escompté.

Aventures ou westerns

John Huston dans la Bible, a été quelque peu étouffé par l'immensité de son sujet. Si l'épisode d'Adam et Ève ne manque pas de beautés, les épisodes suivants, traités dans un style disparate et outré, ne sont que des illustrations assez naïves et peu convaincantes.

Le western américain tend de plus en plus à être remplacé sur les écrans français par son ersatz européen. On ne peut que déplorer cette évolution et songer avec nostalgie aux œuvres passées d'Anthony Mann, Nicholas Ray ou Delmer Daves. La Bataille de la vallée du diable de Ralph Nelson, Alvarez Kelly, d'Edward Dmytryk, l'Homme de la sierra de Sidney Furie et surtout Hombre, le meilleur film de Martin Ritt, tentent de faire survivre un genre qui s'essouffle.

Pourtant, les deux films américains les plus notables de l'année sont sinon des westerns, au sens précis du mot, du moins des films d'aventures : les Professionnels, de Richard Brooks, ont obtenu un succès très mérité. La Poursuite impitoyable, d'Arthur Penn (auteur du Gaucher et de l'étonnant Miracle en Alabama), brosse un tableau cruel et sans concessions d'une petite ville du sud des États-Unis. Comme dans le film de Brooks, le style du metteur en scène, précis, violent, et la remarquable direction d'acteurs (Marlon Brando au plus haut de sa forme) ont permis au public d'adhérer pleinement au récit.

Des épopées

Mark Robson, lui, a illustré les Centurions avec quelque maladresse, et le cocktail d'acteurs (Anthony Quinn, Alain Delon, Maurice Ronet) n'a guère permis à cette épopée de paraître authentique. Le renom de Jean Lartéguy a néanmoins attiré la foule.

Le succès de Grand Prix, de J. Frankenheimer, c'est aux séquences de courses automobiles qu'il le doit. En effet, les prouesses de l'équipe technique compensent heureusement les scènes intimes du film, gâchées par leur côté mélodramatique.

Plusieurs reprises intéressantes de films américains sont à signaler : en particulier, le premier film de Joseph Losey, jamais sorti en France : le Petit Garçon aux cheveux verts ; le seul film d'Abraham Polonsky (qui fut inquiété par la Commission des activités anti-américaines au temps du maccarthysme) : l'Enfer de la corruption ; une œuvre généreuse et tendre de Leo Mc Carey : Place aux jeunes ; l'un des plus beaux films d'Huston : African Queen, avec Humphrey Bogart et Katharine Hepburn.

C'est Elisabeth Taylor et Richard Burton, deux monstres sacrés, que l'on a couru admirer dans Mais qui a peur de Virginia Woolf ? de Mike Nichols, d'après la pièce d'Albee, comme on avait auparavant couru applaudir la performance similaire de Raymond Gerome et de Madeleine Robinson dans un théâtre parisien.

C'est enfin Raquel Welch que l'on a tenté de faire d'un coup monter au firmament des vedettes en lui donnant les rôles principaux de 1 Million d'années avant J.-C., de Don Chaffey, et de l'étrange Voyage fantastique, de Richard Fleischer.

Grande-Bretagne

Charlie Chaplin, Joseph Losey, Karel Reisz, Peter Watkins, voilà les principaux réalisateurs anglais de l'année, mais, paradoxalement, il faut leur adjoindre des auteurs étrangers — et non des moindres —, qui sont venus tourner dans les studios anglais des films de tout premier plan : Michelangelo Antonioni, François Truffaut, Roman Polansky.