Bonnard a peu à peu cessé d'être considéré comme un épigone de l'impressionnisme, pour devenir l'un des maîtres incontestés de la peinture française. Situé bien plus à l'origine de la peinture contemporaine qu'à la fin de la génération précédente, le peintre de Vernon et du Cannet est de ceux que les jeunes admirent et dont ils s'inspirent.

En effet, Bonnard fait partie des quelques élus de la peinture qui, l'âge venant, parviennent à un épanouissement, alors que d'autres se dessèchent dans une formule sans cesse répétée. Bonnard, comme Matisse ou Villon, est parvenu sur la fin de sa vie, après avoir débuté chez les nabis et avoir subi lui aussi l'influence de l'Extrême-Orient, à un épanouissement de la couleur, à la pureté d'un style lyrique se confondant avec une vision cosmique. Inspiré sans cesse par la nature et par l'univers le plus quotidien, il a réussi néanmoins à transfigurer objets, personnages et paysages dans une imbrication de sensations colorées, qui échappe à toute anecdote et restitue à la peinture ses qualités de souveraine indépendance. À cause de cet état de grâce, de ses qualités exceptionnelles de coloriste, de son sens de la lumière, de cette faculté de dépasser le banal pour atteindre l'universel, Bonnard touche aujourd'hui plus que jamais. « Le tableau, a-t-il dit, est une suite de taches qui se lient entre elles et finissent par former l'objet sur lequel l'œil se promène sans aucun accroc. »

Chefs-d'œuvre des collections suisses (10 mai - 30 septembre, Orangerie)

En 1959 eut lieu au Petit Palais une exposition sous le titre Chefs-d'œuvre des collections suisses. Mais la richesse et l'abondance des amateurs helvétiques ont permis de renouveler en partie ce thème. Le panorama s'étend de Manet à Picasso et permet de faire un tour d'horizon de tous les grands courants artistiques français : l'impressionnisme et ses opposants, les nabis et les pointillistes, les fauves, les cubistes et enfin l'école de Paris.

Les Suisses ont commencé à réunir des tableaux avant la guerre de 1914-1918, et des collectionneurs comme Arthur Hahnloser ou Oscar Reinhart ont été des pionniers. Une deuxième génération de banquiers, d'avocats et de médecins compta ensuite de nombreux amateurs d'art, qui, comme leurs devanciers, surent distinguer pour chaque peintre l'œuvre de qualité et parfois même l'œuvre d'exception.

C'est grâce à ce discernement que cette exposition comporte, entre autres, le fameux Garçon au gilet rouge de Cézanne, les Maisons à l'Estaque, que Braque peignit en 1908 et qui servirent à baptiser le cubisme, ou encore la plupart des bronzes de Degas.

Parmi les 245 œuvres exposées, on pourrait multiplier la liste des chefs-d'œuvre, allant de Monet, Pissarro, Sisley, Renoir, à Cézanne, Degas, Gauguin ou Van Gogh, de Bonnard et Redon à Derain, Marquet, Dufy, Vlaminck, de Chagall, Modigliani et Utrillo à Rouault, Braque, Picasso et Juan Gris.

Le message biblique de Marc Chagall
(28 juin - 18 septembre Louvre, galerie Mollien)

Après le plafond de l'Opéra, Chagall vient de faire une nouvelle et prestigieuse donation à la France. Elle se compose de 17 grandes peintures, de 38 gouaches et de quelques céramiques, pierres sculptées, et d'un vitrail. Cet ensemble est destiné à constituer le fonds essentiel d'un futur musée, le Mémorial Chagall, qui va être élevé par l'État, à Nice, sur la colline de Cimiez.

Les 17 grandes peintures ont été exécutées par Chagall depuis 1955 sur des thèmes bibliques. Elles n'ont pas été extraites au jour le jour du marché commercial, mais le peintre les a composées spécialement en vue d'un ensemble, cherchant à mettre ici l'essentiel et le plus profond de lui-même, tant sur le plan technique que sur celui de l'inspiration. Les gouaches, elles, datent de 1930 et 1931, ce qui veut dire, pour la plupart, qu'elles ont servi de préparation à l'illustration de la Bible qu'Ambroise Vollard avait commandée à Chagall.

Il n'est donc pas étonnant que cette donation prenne le titre de Message biblique, encore que, pour Chagall, parler de la Bible soit chose évidente, tant son œuvre, depuis toujours, est imprégnée de l'Ancien Testament. « Je ne voyais pas la Bible, devait-il écrire, je la rêvais. » Et c'est bien dans son imagination de peintre et de poète qu'Abraham, Moïse et Jacob ont pris une réalité fabuleuse. Chagall les a peints comme des personnages familiers qu'il n'aurait cessé de côtoyer depuis son enfance, avec ce don de visionnaire qui est le sien et avec la palette la plus féerique et la plus éclatante qui soit.

La Donation Laurens
(Mai - 21 août, Grand Palais)

Grâce à l'extrême générosité de M. et Mme Claude Laurens, auxquels, s'est associé H. Kahnweiller, la France peut désormais s'enorgueillir de posséder un ensemble important et représentatif d'œuvres du grand sculpteur cubiste. Si Laurens n'a pas encore atteint la grande notoriété d'un Picasso, ce n'est pourtant pas par hasard qu'il lui succède dans les salles du Grand Palais. Ce que l'un a apporté à la peinture cubiste, l'autre l'a donné à la sculpture cubiste.