Paul Vanden Boeynants préconise, lors de son arrivée au pouvoir en mars 1966, une première année difficile entre toutes. Les observateurs s'accordent alors à penser que le cabinet ne dépassera pas la rentrée d'octobre.

L'habileté du politicien chevronné et sa franchise pour présenter les difficultés, alliées au sens de la décision immédiate, ont joué un grand rôle dans son maintien au pouvoir.

Vanden Boeynants dispose au Parlement d'un autre atout, il est, pour le moment du moins, pratiquement irremplaçable. Non que la coalition soit particulièrement stable. Les libéraux du PLP (Parti de la liberté et du progrès) sont des alliés exigeants. Lors du vote du budget, les ministres libéraux menacent de quitter le gouvernement si le Premier ministre maintient les augmentations d'impôts. Quant aux chrétiens-sociaux, le propre parti de Vanden Boeynants, ils sont plus accoutumés à commander qu'à obéir.

Crise des charbonnages

Aucune majorité de rechange ne peut actuellement assurer la relève. Les socialistes ne sont pas mûrs pour le pouvoir, ni désireux de s'associer à une politique qui ne peut que les conduire à des déboires électoraux. Quant à des élections, aucun parti n'en veut.

La crise des charbonnages (17 entreprises sur les 32 assurent 90 % de la production) impose une réduction de l'extraction, des licenciements (7 000 prévus en 1967) et le versement de subventions (290 millions de francs français en 1966, 3 200 en 1967).

Les pouvoirs spéciaux

La sidérurgie, autre secteur malade, a vu pour la première fois, le 16 mai 1967, les métallos de La Croyère, près de La Louvière, occuper l'usine, menacée de fermeture. Vanden Boeynants, venu sur place, doit s'engager à faciliter le reclassement. La grève sur le tas a duré 17 jours. Après ce demi-succès, l'exemple est suivi, en juin, par les ouvriers des Laminoirs de l'Escaut, à Burcht, près d'Anvers. L'annonce de nouvelles fermetures d'usines, de concentrations et de transferts d'usines en France accentue le malaise social.

Devant la dégradation de la situation économique, le gouvernement obtient, le 23 mars, des pouvoirs spéciaux, qui l'autorisent en particulier à lever des impôts nouveaux. Le Parti de la liberté et du progrès doit s'incliner.

Les médecins, par contre, ne posent plus de problèmes urgents au gouvernement. La collaboration avec les organismes mis en place les années précédentes est acceptée par deux des trois fédérations lors du renouvellement des conventions, en octobre 1966.

L'obstacle linguistique

La tension persiste dans la querelle linguistique, mais la virulence de la crise s'atténue. Les grandes manifestations flamandes de l'été 1966, à l'occasion de la fête nationale flamande et du pèlerinage traditionnel de la Tour de l'Yser se déroulent sans heurts, mais dans une atmosphère d'hostilité profonde aux Wallons. Au Parlement, l'appartenance linguistique opère pour la première fois, en juillet 1966, un clivage dans les partis. Les Wallons votent contre les Flamands à propos de l'enseignement supérieur.

Le gouvernement a réglé un difficile problème : la mise en application, reportée à maintes reprises, des lois de 1962 sur l'emploi des deux langues dans l'administration et l'enseignement.

La détente se confirme donc, troublée par quelques manifestations sporadiques dues aux éléments extrémistes et par l'arrêt de la Cour européenne, qui se déclare compétente pour connaître de l'affaire linguistique belge, sur la requête des francophones.

En politique extérieure, tandis que Paul-Henri Spaak se retire de la vie politique, la Belgique s'affirme résolument européenne et très favorable à l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.

Les dépenses militaires

Position plus nuancée sur l'OTAN, dont la Belgique accueille cette année deux grands organismes, le Conseil atlantique et le SHAPE. Bruxelles souhaite, en particulier, une nette compression des dépenses militaires exigées par l'Organisation. Avec le Congo, la Belgique passe par des phases d'accord et de tension, après le règlement du conflit sur l'Union minière.