La grande coalition CDU-SPD arrive au pouvoir le 1er décembre 1966.

Les sociaux-démocrates craignaient, en effet, la fragilité d'une majorité obtenue avec le concours des libéraux et ne partageaient apparemment pas les réticences de ces derniers à l'endroit de F.-J. Strauss, dont la CDU voulait le retour au gouvernement.

À la tête de la coalition, K. G. Kiesinger, ex-Premier ministre de Bade-Wurtemberg. Le leader social-démocrate Willy Brandt, vice-chancelier, reçoit les Affaires étrangères, Wehner, socialiste, les Affaires panallemandes, et Schiller, expert économique du SPD, est chargé de l'Économie. Franz-Josef Strauss se retrouve aux Finances et Lücke conserve l'Intérieur.

Quelques Länder font grise mine à la Grande Coalition. En Rhénanie-du-Nord - Westphalie, le FDP quitte une CDU devenue minoritaire pour s'associer avec le SPD. Dans le Bade-Würtemberg, en revanche, une grande coalition se forme dans les mêmes conditions qu'à Bonn. À Berlin-Ouest, en mars, le SPD ne parvient pas à chasser les libéraux du Sénat (gouvernement de la ville). Dans le Schleswig-Holstein, enfin, une coalition FDP-CDU est formée en mai.

Ranimer la conjoncture

La Grande Coalition, considérée d'emblée comme transitoire, devait être la clé d'un certain revirement de la politique ouest-allemande.

Le plan Schiller de remise en ordre des finances s'inspire des principes keynésiens de politique anticyclique. Au lieu de freiner l'économie par des restrictions monétaires, à la manière de la Banque fédérale, Schiller envisage 2,5 milliards de mark de budget additif, sous forme de travaux publics destinés à ranimer la conjoncture. On réduira les risques par une action concertée des facteurs économiques.

Strauss a réussi, par ailleurs, a éponger un découvert de 3,7 milliards de mark en janvier par de simples réductions de subventions et de crédits, et des augmentations d'impôts indirects. La question des frais des troupes américaines en Allemagne demeure cependant en suspens. Le patronat s'est ému de son côté en apprenant que Schiller caressait l'idée de modifier l'impôt sur le revenu et sur les sociétés. Il y voit la preuve que le ministre socialiste est resté dirigiste et rouge. Pourtant, le 12 mai, le Parlement adopte la loi de stabilisation économique présentée par Kiesinger, nouveau président de la CDU.

Les réticences de l'Est

En politique étrangère, le départ est foudroyant. La doctrine Hallstein est modifiée, quoique maintenue. Le mot d'ordre d'Adenauer : réunification d'abord, détente ensuite, cesse d'être appliqué. On fait maintenant grâce de cet ostracisme aux pays contraints par l'URSS à reconnaître la RDA.

Le ministre des Affaires étrangères de Roumanie, Manescu, vient à Bonn, dans la première semaine de février, nouer des relations diplomatiques. Cette politique d'enveloppement de la RDA et de reconquête des marchés est-européens finit pourtant par achopper : avec la Tchécoslovaquie, car le gouvernement Kiesinger hésite à déclarer le traité de Munich non avenu dès sa signature ; avec la Pologne, sur la question de la ligne Oder-Neisse.

La crise interne du parti national-démocrate (NPD), qui oppose les conservateurs et les extrémistes de droite et aboutit à sa scission avec le départ du modéré Thielen en mai 1967, n'a pas pour autant stoppé l'élan néonazi : apparu en novembre en Hesse (7,9 % des suffrages) et en Bavière (7,4 %), le NPD obtient, en avril 1967, 7,9 % des suffrages dans le Schleswig-Holstein, 7,8 % en Rhénanie, et, après la scission, 7 % des voix en Basse-Saxe.

La Grande Coalition s'oriente vers le bipartisme. Une réforme du droit électoral, instituant un système majoritaire de type anglo-saxon retouché, permettrait, selon Wehner et Lücke, de punir les libéraux infidèles et d'éliminer le parti national-démocrate.

Le mur de Berlin

L'accord sur les laissez-passer entre les deux Berlin n'a pu, cette année, être reconduit.

Le 12 avril 1967, Kiesinger adresse un appel à l'Allemagne de l'Est et lui présente des propositions destinées à porter remède aux conséquences de la construction du mur de Berlin.