Un cabinet de guerre est formé le 1er juin 1967 par Levi Eshkol. Deux nouveaux ministres, dont l'arrivée au gouvernement traduit un net durcissement des positions de l'État sioniste : le général Moshe Dayan, le vainqueur du Sinaï en 1956, qui reçoit le portefeuille de la Défense, et Menahem Begin, leader du parti Herouth et ancien chef de l'Irgoun, nommé ministre sans portefeuille.

L'impatience de l'opinion

Quelques jours auparavant, le 18 mai, Nasser avait obtenu le retrait des forces de l'ONU de Gaza et de Charm el-Cheikh, et, le 22, interdisait le golfe d'Akaba aux navires ravitaillant le port israélien d'Eilath.

Les déclarations incendiaires s'étaient succédé au Caire. Le maréchal Amer d'abord, puis Nasser évoquaient « la destruction d'Israël », tandis qu'à Tel-Aviv Levi Eshkol tentait d'apaiser les esprits et proposait le retrait des forces israéliennes et égyptiennes de la frontière.

Mais l'impatience croissante de l'opinion publique israélienne devant la prudence de leur Premier ministre, et les pressions exercées sur L. Eshkol par les partis religieux devaient l'obliger à abandonner le ministère de la Défense et adjoindre à son cabinet deux hommes qui n'ont jamais caché leur volonté de recourir à la force.

L'opinion s'apaise aussitôt, et à nouveau considère l'avenir avec confiance, malgré la déception que provoque la déclaration du général de Gaulle (« La France n'est engagée avec aucun État en cause »). C'est avec le plus grand sang-froid et dans la plus parfaite discipline que la population civile apprend, le 5 juin au matin, l'ouverture des hostilités et qu'elle vivra les cinq jours du conflit.

La victoire-éclair sur l'Égypte et la Légion de Hussein, la prise des positions stratégiques syriennes et de la ville de Kuneitra, si elles rassurent définitivement l'opinion sur l'issue de la guerre, soulèvent un enthousiasme moins profond que la « libération de Jérusalem ».

Le jour de la Pentecôte israélite, le 13 juin, des milliers de juifs, en procession, prient, pour la première fois, devant le mur des Lamentations, dont l'accès leur était interdit depuis la destruction du Temple par Titus, en 70 apr. J.-C.

L'annexion de Jérusalem

La victoire d'Israël et l'étendue des territoires conquis (près de trois fois la superficie du pays) permettront peut-être à l'État juif de résoudre le problème de sa reconnaissance par les États arabes. Mais les difficultés économiques, déjà sérieuses avant le conflit, se sont considérablement aggravées.

Au mois de mars 1967, le nombre des chômeurs atteignait 99 000, soit le 10e de la population active, et Pinhas Sapir, ministre des Finances du cabinet Eshkol, en présentant le budget 1967-68, déclarait que le gouvernement entendait poursuivre la politique de déflation approuvée en décembre 1966 par le Parlement. Il s'agissait de réduire le déficit de la balance des paiements et de rendre l'économie plus compétitive sur les marchés internationaux.

Le 14 mars, de violents mouvements de protestation éclatent à Tel-Aviv. Plusieurs milliers de chômeurs réclament du travail et du pain. À Jérusalem, le même jour, des extrémistes religieux se rassemblent pour exiger l'interdiction de la dissection des corps humains, condamnée par la Thora. Dans les deux villes, la police intervient énergiquement pour rétablir l'ordre.

L'inquiétude générale se justifiait également par une forte poussée de l'immigration. 11 000 personnes ont quitté le pays en 1966, dont 50 % des immigrants venus des États-Unis et 20 % de ceux venus d'Europe. Ils retournaient dans leur pays d'origine, faute d'avoir pu s'adapter.

La guerre, elle, a coûté 5 milliards de francs, selon le général Moshe Dayan, et le prix de la victoire risque d'être plus élevé encore.

À 150 000 personnes près, tous les réfugiés palestiniens (1 500 000) sont aujourd'hui sous contrôle israélien. La tentation est forte de faire disparaître une fois pour toutes ce que les Arabes ont toujours présenté comme un obstacle majeur à la paix. Mais il s'agit d'une population misérable, qu'il faudra longtemps subventionner avant qu'elle devienne productive et puisse subvenir à ses propres besoins. L'État juif est-il capable d'appliquer une espèce de plan Marshall dans les provinces occupées ?