Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Orléans (suite)

Elle a aussi trouvé dans l’industrie un solide soutien à son économie. En relation, par son entrepôt, avec le monde extérieur, des Antilles au Levant, Orléans avait été un grand centre manufacturier. Elle possédait à la fin du xviiie s. douze raffineries de sucre, des fabriques de cire, des manufactures de toiles peintes, de bonneterie, de coiffes ottomanes, des moulins à papier, des tanneries, deux cents vinaigreries. Touchée soixante ans durant, de la Révolution aux années 1850, successivement par l’émancipation de Saint-Domingue, le Blocus continental, le repli de la canne devant la betterave sur le marché sucrier, la fin de son entrepôt, elle s’était désindustrialisée. Elle s’est ressaisie. D’heureuses initiatives lui donnaient à la fin du xixe s. des ateliers de lingerie, de matériel agricole, de construction automobile, des conserveries, une verrerie, une manufacture de tabacs. Proche de Paris, bien desservie, disposant de main-d’œuvre dans une région de démographie vigoureuse, elle a intéressé au xxe s. la décentralisation. Un repli du Nord et une création stratégique y amenaient en 1914-1918 une manufacture de coton hydrophile et une usine de munitions, qui, l’une et l’autre reconverties en 1919, figurent aujourd’hui au nombre des grandes entreprises françaises d’appareillage électrique (articles électroménagers, palans et moteurs électriques). L’entre-deux-guerres y ajoutait une usine de construction automobile, une fonderie d’aluminium, un laboratoire de spécialités pharmaceutiques. Depuis 1945, Orléans a accueilli des usines de pièces automobiles, de tracteurs, de matériel électronique, de confection, de pneumatiques. L’agglomération orléanaise totalise 35 établissements industriels de plus de 200 salariés, dont 4 de plus de 1 000. Ses effectifs secondaires, passés entre 1962 et 1968 de 22 000 à 30 000, représentent 40 p. 100 de ses emplois.


La ville

Elle traduit bien dans sa physionomie les étapes de la croissance. Articulée sur une croisée de routes E.-O. et N.-S., elle en épouse la trame fondamentale. Dans une ceinture de mails ombragés, ouverts en 1850 sur son dernier rempart, la vieille ville juxtapose, dans un quadrillage serré de rues à peine mis en défaut par le tracé rayonnant de quelques faubourgs, vestiges antiques, cathédrale et quartiers médiévaux, « grande accrue » du xvie s. Aérée par quelques perspectives modernes (rue Royale reconstruite après 1945 dans l’ordonnancement du xviiie s. [galeries à arcades], rues Jeanne-d’Arc et de la République), elle concentre dans ses voies principales, autour de la place du Martroi, commerces et services (préfecture, hôtel de ville, établissements scolaires, hôpital), dans ses îlots anciens un habitat médiocre de taudis surpeuplés, qu’une rénovation difficile s’efforce de faire disparaître. Extramuros, la ville moderne (1840-1939) développe ses quartiers sans caractère, démesurément étendus, de petites maisons basses ; ces quartiers ne sont guère structurés qu’au nord-ouest (le Baron, Dunois) et au nord-est (l’Argonne). Dans un peuplement souvent lâche, le collectif de masse d’après guerre a pris possession du sol dans toute la périphérie : au nord de la Loire, les Acacias, la Gare, l’Argonne ; au sud, le Champ de Mars, Dauphine, les Roseraies, la Source surtout, conçue comme le campus universitaire près d’un magnifique parc floral inauguré à l’occasion des Floralies internationales de 1967, et bâtie dans une optique de ville nouvelle (« Orléans II » ; 3 800 logements construits, 8 000 logements et 40 000 hab. prévus). Au-delà, l’habitat individuel, et collectif aussi, a gagné la banlieue : au nord de la Loire, de part et d’autre du triage des Aubrais et parmi sept zones industrielles, La Chapelle-Saint-Mesmin (6 484 hab.), Saint-Jean-de-la-Ruelle (16 682 hab.), Saran (8 921 hab.), Fleury-les-Aubrais (16 842 hab.), Saint-Jean-de-Braye (12 453 hab.) ; au sud, pressant les tenues maraîchères et florales du Val de Loire, Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (2 871 hab.), Saint-Jean-le-Blanc (6 531 hab.), Olivet, site de villégiature recherché sur le Loiret (12 382 hab.). Tandis qu’Orléans augmentait sa population, entre 1968 et 1975, de moins de 10 p. 100, sa banlieue s’accroissait approximativement du double.

Orléans est loin d’avoir résolu tous ses problèmes. La dispersion de ses efforts urbanistiques, le choix de la Source, trop proche du centre pour être véritablement une ville nouvelle et trop éloignée pour s’intégrer pleinement dans l’agglomération, ont abouti à de graves échecs. Le support industriel reste léger face à un tertiaire qui parvient mal à se placer. L’assise régionale d’Orléans elle-même est en porte à faux, mordant au nord et au nord-ouest sur l’Eure-et-Loir (Toury, Orgères-en-Beauce), à l’ouest et au sud sur le Loir-et-Cher (Ouzouer-le-Marché, Lamotte-Beuvron), quand lui échappe à l’est le Gâtinais montargois, directement tourné vers Paris par la vallée du Loing. Paris pèse d’un poids irrésistible, par son attrait, son éventail d’emplois, son niveau salarial sensiblement supérieur, sur Orléans, lui soufflant une partie de ses meilleures énergies. La ville rencontre devant elle, hostiles à ses prérogatives régionales, les prétentions rivales de Tours et de Bourges. Elle n’en est pas moins, forte de son autorité sur six départements (2 millions d’hab.), de ses équipements, de son esprit d’entreprise, de sa place dans la perspective de réalisation d’une « métropole-jardin » avec Blois et Tours, dans une phase qui contraste avec un long effacement. De 1851 à 1954, en cent trois ans, elle accusait l’un des taux de croissance les plus faibles de la région (61 p. 100) ; de 1954 à 1975, en vingt et un ans, elle a accuse l’un des plus élevés (plus de 50 p. 100). Orléans a rompu avec un passé longtemps brillant sans doute, mais aussi longtemps incertain.

Y. B.

➙ Centre (Région) / Loiret (départ. du) / Orléanais.

 J. E. Bimbenet, Histoire de la ville d’Orléans (Herluison, Orléans, 1884-1888 ; 5 vol.). / L. d’Illiers, Histoire d’Orléans (Houzé, Orléans, 1956). / Y. Babonaux, Villes et régions de la Loire moyenne (Touraine, Blésois, Orléanais). Fondements et perspectives géographiques (S. A. B. R. I., 1966).