Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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organisation sociale (suite)

Hiérarchie et pouvoir

De tous les critères de hiérarchisation, la richesse reste l’essentiel. D’autre part, propriétés immatérielles, naissance, qualités individuelles, expérience mystique, pouvoir magique, âge, sexe constituent un réseau complexe de différenciations.

Les qualités individuelles les plus appréciées dépendent du type d’activité dominant ; lorsqu’il s’agit de la guerre, audace et prouesses au combat sont facteurs de prestige, l’héroïsme guerrier étant lui-même défini conventionnellement. La valeur guerrière confère des privilèges essentiellement honorifiques concrétisés chez les Massaïs et les Bagobos (Mindanao) par le port d’ornements spéciaux ; le titre de chef, parfois décerné au meilleur guerrier (Crows et Bainings de la péninsule de la Gazelle), ne constitue pas un pouvoir effectif (coercitif).

Chez les Yoroubas, la société des vieillards, doués de pouvoir magique, a usurpé l’autorité du chef en titre. De même, chez les Maidus, le chef (homme riche) est supplanté par le chaman, qui peut l’élire ou le destituer à son gré en vertu de son pouvoir de communication avec les esprits, dont il « révèle » la volonté.

En Australie, le conseil des anciens punit meurtres et incestes, décide de la paix ou de la guerre et des déplacements de la tribu et arbitre les conflits.

Le pouvoir réel des chefs houpas et shastas (Californie) est fonction de leur opulence. En Mélanésie et en Colombie britannique (Kwakiutls), l’exercice du pouvoir dépend également de la richesse, mais l’originalité de ce système lui vient d’une conception particulière de l’opulence : l’accumulation des biens, en effet, ne devient source de prestige et de pouvoir que lorsque les richesses sont utilisées à donner des fêtes (potlatch). Dépense et mépris ostentatoires des richesses — critère de toute préséance — deviennent lieu d’expression des rivalités : la capacité de gaspillage qui se manifeste lors d’un potlatch fait l’objet d’une surenchère permanente. On observe ainsi une escalade de la consommation, dont le paroxysme est une destruction pure et simple des biens, accompagnée de la mise à mort d’un nombre d’esclaves croissant.

En Afrique, la préséance d’après la naissance — monarques et nobles étant de descendance divine : Tongas, Koubas* — se confond avec la richesse (détention de tout le territoire, parfois même de tous les biens) et l’exercice d’un pouvoir despotique.

Les Natchez présentent un système hiérarchique du même type : le chef, ou Grand Soleil, descend de la divinité solaire ; la noblesse est divisée en trois catégories (par ordre décroissant : les soleils, les nobles et les honorables) ; le reste de la population reçoit la désignation de puants. La première génération descendant des soleils ne bénéficie que du grade de noble, la deuxième est honorable et la troisième est reléguée au rang des puants. En vertu d’un tel système, la noblesse devrait disparaître à plus ou moins longue échéance ; le système matrimonial y remédie : les enfants d’une mère soleil et d’un père puant sont des soleils ; ceux d’une mère noble et d’un père puant sont nobles, ainsi que ceux d’une mère puante et d’un père soleil, et ainsi de suite. Ces règles sont d’autant plus intéressantes qu’elles s’opposent directement au principe de l’endogamie (prohibition des mariages hors du groupe d’appartenance), qui préside généralement au maintien des catégories supérieures dans les sociétés où le critère hiérarchique prédominant est celui de la naissance (Inde, Colombie britannique, etc.).

Chez les Maoris, aux grands prêtres succèdent les chefs tribaux et leurs parents ; viennent ensuite les artisans et les sorciers ; la majorité de la population est constituée par les parents très éloignés des familles de chefs et ne possède que peu de biens ; au bas de l’échelle, on trouve les esclaves, auxquels incombent les tâches que les catégories supérieures considèrent comme dégradantes.

L’admission dans les sociétés secrètes mélanésiennes n’est accessible qu’aux individus mâles capables d’en payer le droit d’entrée. Aux îles de Banks, il existe, de surcroît, une hiérarchisation interne de la société des hommes : tout passage d’un degré à l’autre exige un nouveau paiement. L’accès à l’échelon le plus élevé confère le titre de chef ou de héros légendaire ; le prestige social est fonction de l’avancement dans l’association — avancement dont le bénéfice semble être essentiellement honorifique. En Mélanésie, il existe également de nombreuses sociétés d’esprits dont le lieu de réunion est toujours éloigné du village, le secret de l’initiation devant être soigneusement gardé. Également honorifique, l’appartenance à ces sociétés secrètes confère cependant (pour la plupart d’entrés elles) quelque avantage concret : protection de la propriété.

Chez les Hidatsas, le critère de promotion au sein de la société des hommes est également constitué par le paiement d’un droit d’entrée ; cependant, l’achat est le fait collectif d’un groupe d’âge. Les tribus voisines des Mandans (Dakota), des Pieds-Noirs (Alberta), des Arapahos et des Gros Ventres (Prairies du Nord-Ouest) utilisent un même critère d’âge et d’achat.

La société crow du « Tabac sacré », dont les fonctions sont principalement cérémonielles, exige un droit d’entrée élevé et accorde en retour certains signes distinctifs et privilèges matériels. Cependant, l’appartenance à cette société reste un honneur beaucoup plus qu’une source de prérogatives économiques. Il existe par ailleurs chez les Crows quatre sociétés non religieuses, qui forment des groupes d’entraide en vue de certains travaux et du paiement de l’entrée au Tabac sacré.


Ségrégation

Elle s’effectue selon des principes analogues aux critères hiérarchiques, avec, cependant, prédominance de la différenciation selon l’âge et le sexe.

Aux îles Andaman, une répartition spatiale du campement aboutit à séparer trois groupes de huttes : celles des couples mariés, celles des hommes célibataires et celles des femmes non mariées. Le critère d’âge s’efface devant la distinction par catégories sexuelles et mariage : une veuve même âgée sera logée parmi les femmes célibataires, au même titre que les jeunes filles. Cependant, les termes nombreux qui servent à désigner les individus sont attribués en fonction de l’âge. Les appellations les plus importantes sont celles qui sont relatives à la séparation entre initiés et non-initiés (initiation pubertaire concernant garçons et filles). D’autres termes correspondent à divers statuts sociaux et sont attribués à titre honorifique.