Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

organique (chimie) (suite)

Caractères de la chimie organique

On pourrait, a priori, s’étonner de la richesse des composés du carbone, qui dépasse de beaucoup celle de la totalité des autres éléments. En vérité, le carbone n’est pas le seul constituant essentiel des molécules organiques ; parmi celles-ci, moins d’un millième sont exemptes d’hydrogène, près de la moitié renferment de l’oxygène, près du quart renferment de l’azote. Plus rares, les autres éléments participent, plus ou moins fréquemment, à la constitution des molécules organiques.

Cette richesse est explicable par trois types de considérations.

• Situé à égale distance de deux gaz rares, le carbone ne peut pas prendre quatre charges positives ou quatre charges négatives ; il ne peut guère contracter que des covalences, et celles-ci sont particulièrement stables.

• Les covalences qu’il échange avec lui-même ainsi que sa quadrivalence permettent la formation de très longues chaînes, linéaires, ramifiées ou cycliques ; ses partenaires les plus fréquents, hydrogène, oxygène, azote, soufre, halogènes, etc., neutralisent les valences non engagées dans ces chaînes.

• Le carbone et ses deux partenaires les plus fréquents, l’oxygène et l’azote, possèdent au plus haut degré la propriété d’échanger des liaisons multiples, et l’expérience montre que les composés organiques non saturés sont plus nombreux que les composés saturés ; enfin, un assemblage particulier de 6 atomes de carbone, le noyau benzénique, est particulièrement stable et se retrouve dans un nombre considérable de combinaisons.

La chimie organique est le domaine du métastable ; seuls le méthane, le tétrafluorure de carbone et le gaz carbonique sont thermodynamiquement stables. Peu de composés organiques restent indécomposés vers 600 °C ; la plupart d’entre eux ne sont plus stables au-dessus de 250 °C, et d’autres sont déjà instables dans les conditions ambiantes. Leur décomposition engendre des molécules plus simples et plus stables (eau, hydrogène, gaz carbonique, carbone, acides halohydriques, etc.) ou des produits très condensés et rarement identifiables. La chimie organique est donc limitée aux températures moyennes, et la catalyse, qui permet aux réactions de s’effectuer à température relativement basse, y joue un rôle essentiel.


Les méthodes de la chimie organique

Qu’il s’agisse d’extraire un composé défini du règne vivant ou du résultat d’une réaction, de délicats problèmes de séparation s’imposent, et l’analyse immédiate joue un rôle important.

Ce composé extrait, il s’agit de l’identifier. Un premier travail consiste en une analyse élémentaire, mais celle-ci est presque toujours insuffisante, car de nombreux isomères (ou polymères) ont la même composition centésimale ; il faut donc procéder à une analyse fonctionnelle, soit purement chimique, soit physicochimique.

Il convient également de suivre l’évolution des réactifs au cours d’une transformation, c’est-à-dire d’établir un bilan réactionnel et d’en vérifier la généralité.

Enfin, il faut chercher à comprendre et échafauder, à défaut de certitudes, des hypothèses plus ou moins empiriques sur les mécanismes de réaction.


Analyse immédiate

Les procédés ne diffèrent pas, dans leur principe, de ceux qui sont employés en chimie inorganique, mais leurs importances relatives dans les deux domaines sont très dissemblables.

La distillation fractionnée est l’une des méthodes les plus importantes ; elle suppose cependant un point d’ébullition peu élevé du fait des instabilités ; sous pression réduite, les risques de décomposition sont atténués ; certaines distillations ne sont réalisables que sous des pressions de quelques centièmes de millimètre de mercure. La séparation par distillation fractionnée exige que les points d’ébullition des composants du mélange diffèrent d’une dizaine de degrés avec les appareils courants, mais d’au moins 2 °C avec les appareils les plus puissants.

L’extraction par solvant non miscible est réservée à des cas particuliers. Grâce à des recyclages (méthode de contre-courants), elle a permis de séparer des mélanges résistant à des cristallisations fractionnées répétées (séparation des pénicillines).

La chromatographie d’adsorption est une méthode très puissante, malheureusement limitée à des quantités assez faibles. La chromatographie en phase gazeuse permet, sur moins de 1 mg d’un mélange de substances volatiles, d’isoler et de doser parfois une dizaine de constituants.

La dialyse et l’ultrafiltration séparent en deux lots des molécules de grosseur assez différente ; il en est de même de l’ultracentrifugation.

Enfin, l’électrophorèse permet la séparation de molécules polaires (acides aminés provenant de l’hydrolyse des protéines). Ces derniers procédés sont, pratiquement, réservés a la biochimie.

En cas d’échec des procédés de l’analyse immédiate, il reste la ressource de transformer chimiquement l’un des constituants d’un mélange ; c’est ainsi que les alcalis font passer en solution aqueuse les constituants acides de ce mélange.


Analyse élémentaire

Le principe est de minéraliser les éléments de la molécule organique. Une oxydation (CuO vers 1 000 °C) transforme le carbone en gaz carbonique et l’hydrogène en eau. Elle libère l’azote en nature. Une pyrogénation fait passer tout l’oxygène à l’état de H2O, de CO ou de CO2, lesquels, à 1 100 °C, sur une colonne de carbone pur, sont intégralement transformés en CO.

Par oxydation nitrique en tube scellé, le soufre est oxydé en acide sulfurique, et le phosphore en acide phosphorique. Les halogènes peuvent être éliminés sous forme d’hydracides ou de corps simples réductibles en hydracides ; les métaux sont, par action renouvelée de l’acide sulfurique à 250 °C, transformés en sulfates ; le dosage des éléments revient donc à la pesée du gaz carbonique ou de l’eau, à la mesure de l’azote, au dosage chimique de l’oxyde de carbone, de l’ion sulfate, de l’ion phosphate, des ions halogénures ou des ions métalliques. De tels dosages sont plus ou moins précis, et il en résulte parfois une incertitude sur la formule brute la plus simple du compose en litige.

En cas d’ambiguïté sur le multiplicateur à associer à la formule brute la plus simple, une densité de vapeur ou une cryoscopie fournissent une valeur approchée de la masse molaire.

Les principes admis, des perfectionnements des appareils ont permis d’amenuiser considérablement les quantités à mettre en œuvre. De 0,3 g en 1850 (macroanalyse), on est passé progressivement à 0,1 g (semi-microanalyse), à 0,01 g (microanalyse), puis à 0,001 g (picoanalyse), sans que la précision des résultats s’en trouve altérée.