Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

œcuménisme (suite)

Ainsi, dès le ve s., se constituent par séparation du tronc catholique les confessions, orientales. Alors que la « Grande Église », dominée par la pensée hellénique et ses réflexions sur le mystère de la personne du Christ, va formuler en 451, au concile de Chalcédoine, la « doctrine des deux natures du Christ », des Églises autonomes, contestant la récente définition conciliaire, c’est-à-dire rejetant l’« idole aux deux visages » qu’elles croient déceler dans le « un seul Christ aux deux natures » de la formulation conciliaire, se rassemblent en communautés séparées. Ce sont les monophysites, proclamant, avec bon nombre de nuances, l’unicité de la nature en la personne du Christ, résultant d’un mélange en lui de la divinité et de l’humanité, avec pour résultat une nature théandrique. Ce conflit oppose à l’époque Alexandrie à Constantinople, et il va en résulter la constitution des Églises apostolique arménienne, orthodoxe copte d’Égypte, orthodoxe éthiopienne, syrienne orthodoxe d’Orient, syrienne de Malabar ainsi que la patriarcat syrien d’Antioche ; les communautés monophysites sont actuellement encore très actives et vivantes.

Mais c’est au xie s. que va se produire le schisme décisif, celui qui va opérer la grande rupture de l’unité œcuménique. Alors que les communautés monophysites étaient comme les copeaux marginalisés par rapport au tronc catholique, tout entier rassemblé autour de ce cœur vivant qu’est le mystère de la personne du Christ, vrai Dieu-vrai homme, il se produit, à la suite d’un long conflit entre Constantinople et Rome, une rupture qui va casser en deux l’Église. Constantinople était depuis toujours le centre d’un christianisme poétique, contemplatif et mystique, et Rome celui d’une conception plus politique, glus active et plus juridique de la foi. À la suite de péripéties innombrables, le grand schisme se produit en 1054. Il y a dès lors face à face une Église d’Occident, avec à sa tête le pape, évêque de Rome, prétendant être le successeur des Apôtres et avoir, par conséquent, la mission de rassembler tous les chrétiens sous son autorité, et les patriarcats orientaux — Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem — qui, après avoir répondu à l’excommunication papale par l’anathème, vont créer entre eux des liens vivants, des relations permanentes et accueillir dans leur communion, au cours des âges, les patriarches, « autocéphales » comme eux-mêmes, de Moscou, qui, à côté de Rome et de Constantinople, apparaît de plus en plus alors comme la troisième capitale de la chrétienté, puis de Bucarest, de Sofia et de Belgrade.

Les frères ennemis sont souvent très proches : il en est, ainsi des Églises d’Orient et des Églises d’Occident, dont peu de chose, à vrai dire, marque les divisions doctrinales, mais que la tradition, la piété et le tempérament vont éloigner de plus en plus les unes des autres. Ces deux groupes de chrétiens séparés vont eux-mêmes connaître les souffrances et les humiliations de divisions successives : c’est ainsi que, dans la Russie du xviie s., les « vieux-croyants » se séparent du tronc orthodoxe, désirant conserver la vieille liturgie et refusant par là même toutes les modernisations pourtant devenues indispensables ; de même, en Europe occidentale les « vieux-catholiques » se séparent du tronc romain, d’abord en Hollande au xviiie s., puis en 1871, après les formulations dogmatiques du premier concile du Vatican* (1869-1870) sur l’infaillibilité pontificale, en Allemagne et en Suisse.

Les cathares* et les vaudois* en France, au xiiie s., au xive s., les lollards*, héritiers de John Wiclif (ou Wycliffe*), ont été durement réprimés par l’institution catholique majoritaire ; mais, au xve s., l’unité de l’Église occidentale va commencer à éclater en une série de divisions qui se poursuivront jusqu’à la fin du xixe s. : c’est d’abord, au début du xve s., Jan Hus* en Bohême, puis, au xvie s., Martin Luther* en Allemagne et Jean Calvin* en France qui vont donner naissance aux premières communautés évangéliques appelées protestantes dès 1529 (v. Églises protestantes). La Réforme*, qui a son origine dans l’insatiable question d’un moine passionné de vérité et ne voulant pas recevoir son salut à bas prix, est marquée par un retour passionné à l’Écriture, qui exclut non seulement tout ce que la Tradition a pu apporter d’éléments comme ajoutés aux données originelles, mais encore aussi toute la construction hiérarchique du catholicisme romain. Désormais, c’est l’Écriture et l’Écriture seule, dont le sens doit être clairement entendu par chacun qui la lit dans la communion de l’Église, qui sera le principe d’unité et de cohésion visible des communautés nouvelles. Mais, en vertu même de cette référence à une norme unique, comprise en dehors de toute interprétation autorisée d’un quelconque magistère, le protestantisme ne va pas tarder à se fractionner à l’excès. Dès le début de son œuvre, Luther a affaire au mouvement anabaptiste*, qui, après avoir été condamné et défait à l’intérieur même de la famille luthérienne, ne s’en prolonge pas moins jusqu’à aujourd’hui dans les différentes formes du « spiritualisme enthousiaste » et dont certaines branches « pentecôtistes » manifestent une très forte activité. Quant au calvinisme, il va engendrer, à côté du courant presbytérien constitué en 1560, les Églises baptistes* (1612), congrégationalistes (1619), des Disciples du Christ (1830), darbystes (v. 1830), etc. En Angleterre, l’anglicanisme* se développe moins pour des raisons de principe qu’en raison même des conflits du roi Henri VIII avec le pape au fur et à mesure des péripéties et des aventures de sa vie conjugale. Une Église autonome naît, qui tient à garder les formes liturgiques catholiques tout en étant animée du désir d’avoir une doctrine aussi proche que possible du protestantisme calviniste. Au début du xviiie s., le méthodisme* se développe au sein de l’anglicanisme, puis est en rupture avec lui, avec le très fort souci de l’œcuménie et, par conséquent, de l’évangélisation de la terre entière, spécialement de ceux qui ont été laissés en marge de la vie de l’Église, notamment les ouvriers. À la fin du xixe s. et dans une ligne voisine, bien qu’encore plus indifférente aux grandes questions doctrinales, on assiste à la naissance de l’« Armée du salut ». L’Allemagne, à la fin du xviiie s., a vu naître les conventicules et les courants divers du piétisme*, tout entiers centrés sur la vie intérieure, la conversion et l’expérience spirituelle ; vers le milieu du xixe s., les « Églises libres » des pays francophones actualisent les intuitions du piétisme : ce sont ces orientations qui ont provoqué la création des grandes sociétés bibliques (fin du xviiie s.), le développement des missions extérieures et intérieures (milieu du xviiie s.) ainsi que la naissance de mouvements spécialisés pour la formation et l’évangélisation de la jeunesse (à partir de 1830).