Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

odorat (suite)

Morphologie des organes olfactifs

Organes olfactifs et gustatifs renferment des chimiorécepteurs qu’on ne distingue vraiment, d’un point de vue morphologique, que chez les Vertébrés. D’une façon générale, chez les animaux peu évolués, il existe des cellules chimiosensibles que rien ne distingue morphologiquement des mécanorécepteurs tactiles. Il est impossible de ranger ces cellules dans les récepteurs du goût ou de l’odorat sans une étude physiologique sérieuse, qui n’a guère été faite que chez les Insectes.

Les récepteurs olfactifs de ces animaux sont portés par les antennes ; il s’agit de sensilles aux formes variées, mais dans lesquelles un système de pores cuticulaires très fins met en rapport l’arborisation dendritique de la cellule sensorielle avec l’air extérieur.

Chez les Vertébrés, l’organe olfactif a pour origine un épaississement épidermique, ou placode, situé dans la région ethmoïdienne du crâne. Cette placode s’invagine en cul-de-sac chez la plupart des Vertébrés aquatiques ; elle peut s’ouvrir au-dehors par un orifice unique ou, par remaniement secondaire de ce dernier, par un orifice inhalant antérieur et un orifice exhalant postérieur (cas de nombreux Poissons). Chez les Vertébrés Tétrapodes, le cul-de-sac olfactif s’ouvre secondairement dans la cavité buccale par la choane, et l’organe olfactif devient en même temps voie d’accès à l’organe respiratoire aérien. On distingue alors le vestibule, dans lequel s’ouvre la narine, du cavum olfactif, que tapisse la muqueuse sensorielle. La surface de cette dernière est fortement accrue par l’existence, chez les Reptiles et les Oiseaux, mais surtout chez les Mammifères, de cornets osseux, ou os turbinaux, surtout portés par l’ethmoïde. Il existe également de faux cornets dans le vestibule : ce sont les maxilloturbinaux et les nasoturbinaux.

L’épithélium olfactif comporte des cellules de soutien, riches en pigments mélaniques, des cellules basales et des cellules sensorielles. De place en place s’ouvre une glande muqueuse de Bowman. À l’inverse des cellules sensorielles des bourgeons du goût, les cellules olfactives sont à la fois réceptrices et conductrices de l’influx nerveux. Leurs axones traversent la lame criblée de l’ethmoïde pour se terminer dans les zones de neuropile que constituent les glomérules de Malpighi du bulbe olfactif. La partie réceptrice de la cellule neurosensorielle comporte une vésicule olfactive, située à la surface de l’épithélium et qui porte une dizaine de cils, dans lesquels il faut voir les sites récepteurs de la sensibilité olfactive. La surface de l’épithélium sensible varie énormément ; chez l’Homme, elle est de l’ordre de 10 cm2, et l’on compte 10 000 cellules sensorielles au millimètre carré ; soit au total environ 108 cellules.

Chez de nombreux Reptiles et Mammifères, on trouve, à côté de cet organe olfactif principal, un organe accessoire, dit « organe voméronasal de Jacobson », qui s’ouvre dans la cavité buccale par le canal de Sténon. Les fibres de ses cellules sensorielles vont au bulbe olfactif accessoire. L’organe voméronasal analyse les odeurs de la cavité buccale ; chez les Serpents, chaque orifice, droit ou gauche, reçoit une des extrémités de la langue bifide, que l’animal projette devant lui pour analyser ensuite les odeurs qu’elle a recueillies.


Physiologie de l’olfaction

Ce sont surtout les Amphibiens Anoures et les Mammifères macrosmatiques qui ont été utilisés pour étudier la physiologie olfactive. Chez les Insectes, les travaux sont encore peu nombreux, et c’est plus le comportement olfactif de ces animaux qui a été étudié que le fonctionnement réel de leurs récepteurs.

Pendant la respiration normale, environ 4 p. 100 du volume de l’air inspiré atteint la muqueuse olfactive. Ce pourcentage augmente fortement quand on flaire, c’est-à-dire quand on pratique une aspiration brève et puissante, qui conduit la bouffée d’air droit sur l’épithélium sensible. La physiologie olfactive s’étudie actuellement à trois niveaux principaux.

Au niveau de la muqueuse olfactive, on obtient, avec une électrode posée à sa surface, l’électro-olfactogramme, qui est la réponse globale d’un grand nombre de récepteurs olfactifs. C’est une variation négative du potentiel de repos de l’épithélium (potentiel de récepteur). Pour une bouffée de 1 seconde environ, elle apparaît après une latence de 0,3 seconde et dure de 5 à 6 secondes. La forme des graphes obtenus dépend à la fois de l’odeur qui sert de stimulus et des modalités de la bouffée pratiquée : lente et profonde ou courte et rapide. Le temps de recouvrement est long. Si l’on présente l’odeur stimulus pendant un temps relativement long, on n’observe pas de fatigue au niveau de l’épithélium olfactif, mais on constate, après deux à trois minutes, une adaptation totale à cette odeur, dont la sensation disparaît. Il s’agit d’un phénomène central et non périphérique.

Au niveau des axones des récepteurs sensoriels, on recueille l’activité simultanée de plusieurs fibres amyéliniques. En l’absence de tout stimulus olfactif, on enregistre une activité spontanée, et l’on peut constater que l’arrivée d’une odeur sur la muqueuse entraîne trois types de réponses : une augmentation de la fréquence des potentiels d’action (excitation), une diminution de cette fréquence (inhibition) ou encore une non-modification. L’enregistrement simultané de l’électro-olfactogramme et des potentiels d’axone a permis également de montrer qu’on pouvait avoir des réponses non pas à la présentation de l’odeur, mais à la fin de la bouffée.

On peut enfin opérer au niveau du bulbe olfactif lui-même, notamment par des implantations d’électrodes sur les cellules mitrales. On enregistre une activité spontanée, que modulent les arrivées d’information en provenance des cellules neurosensorielles olfactives. On a mis en évidence à ce niveau le phénomène du contraste : par inhibition latérale, une cellule mitrale peut bloquer la réponse des cellules voisines.

Il existe un grand nombre de théories de l’olfaction qui cherchent à expliquer trois processus de la physiologie olfactive.

• La notion de seuil de sensation. Quelle relation y a-t-il entre la structure moléculaire d’une substance odorante et le nombre minimal de molécules efficaces ?

• La genèse des potentiels de récepteurs, dont l’électro-olfactogramme représente une sommation spatiale. Quels événements séparent la mise en solution d’une molécule volatile dans le mucus où baignent les cils olfactifs des dépolarisations locales à l’origine des potentiels d’action ?

• La discrimination des diverses odeurs. Par quels mécanismes l’olfaction est-elle en mesure d’identifier les odeurs une à une ?