Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Océanie (suite)

L’homme et son milieu

Allant ainsi à la découverte d’îles nouvelles, l’homme dut s’adapter à des conditions de vie parfois différentes. Les atolls, formés de corail, n’ont pas la richesse des îles hautes. La perméabilité du sol de ces atolls pose aussi le problème des ressources en eau. Si la plupart des îles océaniennes sont tropicales, le climat de certaines, du fait de leur altitude ou de la latitude (Nouvelle-Zélande, île de Pâques, îles Hawaii par exemple), ne permet pas de cultiver toutes les plantes océaniennes traditionnelles. Il est aussi nécessaire de se protéger du froid par des vêtements plus épais et le chauffage des cases. Cependant, dans l’ensemble, le genre de vie des gens du Pacifique est partout très semblable.


L’homme et la matière

Toute activité qui s’exerce sur la matière exige un savoir qui n’est pas seulement technologique. Elle met en jeu les êtres et les forces invisibles qui intéressent l’homme, son outillage, la matière à transformer et le produit obtenu. C’est donc affaire de spécialistes en rites appropriés. Ignorer ces forces invisibles et transgresser les interdits (le tapu, tabou) mettraient en péril un certain équilibre vital jusque-là préservé. Le savoir ainsi acquis et le droit de l’exercer peuvent, sous certaines conditions, faire l’objet d’achats ou d’échanges. Les techniques voyagent ainsi de loin en loin, et parfois très loin, sans qu’un important déplacement d’hommes soit nécessaire. Ces faits, dans les détails, compliquent les recherches des préhistoriens, qui se trouvent quelque peu démunis de « fossiles directeurs » sûrs. Dans l’ensemble, on attribue aux cultures du Pacifique Sud une personnalité commune.

Ignorant le métal, les Océaniens n’utilisaient que la pierre et certaines matières animales ou végétales pour fabriquer ce qui leur était nécessaire. L’outil le plus commun était l’herminette. Généralement de pierre, la lame était simple, c’est-à-dire sans talon différencié. Elle était ligaturée sur un manche coudé. En Polynésie orientale, cependant, des formes plus complexes apparurent : le talon était taillé pour améliorer la fixité de la lame sur le manche. La forme des sections transversales des lames était également très variée. Tous ces types d’herminette étaient connus depuis le Sud-Est asiatique jusqu’aux rives du Pacifique Nord. Leur présence en Polynésie orientale et leur absence en Micronésie, en Mélanésie et en Polynésie occidentale sont l’un des problèmes de la préhistoire océanienne non encore résolus. Les herminettes de Micronésie étaient taillées dans certains coquillages : bénitiers, conidés, strombidés, mitridés et térèbres. L’absence de pierre dure pour fabriquer des herminettes dans les atolls micronésiens est une explication insuffisante. Beaucoup d’îles de la Micronésie ne sont pas des atolls, et l’on y trouve ces mêmes herminettes de coquille, de même que dans certaines îles volcaniques de la Mélanésie et dans les plus anciens niveaux des Tonga. La hache était davantage utilisée en Mélanésie occidentale. Partout, gouges, ciseaux, perçoirs, grattoirs, limes de corail, etc., complétaient cet outillage. On fabriquait de la poterie en Mélanésie ainsi qu’en Micronésie et en Polynésie occidentale. La poterie micronésienne est d’influence asiatique. Ailleurs, on distingue trois traditions principales. L’une, dite « Lapita » et considérée comme protopolynésienne, se caractérise par un décor géométrique en pointillé et des formes composites. Cette céramique a été mise au jour dans de nombreux sites de la Mélanésie et aux îles Tonga. Dans les deux autres traditions mélanésiennes, les formes sont simples, les unes décorées d’incisions et de reliefs appliqués, et les autres d’impressions exécutées à l’aide d’un battoir gravé. La poterie est partout présente dans les plus anciens niveaux de la Mélanésie et de la Polynésie occidentale. En Polynésie orientale, seuls quelques tessons ont été mis au jour dans une île des Marquises. À l’arrivée des Européens, on ne fabriquait plus de poterie que dans quelques îles du Pacifique occidental. La disparition de la poterie en maintes régions de l’Océanie et son absence presque générale en Polynésie orientale peuvent s’expliquer par le fait que seuls quelques clans connaissaient cette technique et avaient le droit de l’exercer. La disparition ou l’absence de ces clans dans des îles nouvellement colonisées entraînait celle de leur art. On connaît un exemple précis pour ce qui est des conséquences de cette sorte de « copyright » océanien : dans une île des Torres, la disparition des clans constructeurs de pirogues fit qu’on ne navigua plus que sur des radeaux de bambou, ce qui surprit beaucoup les Européens.


L’homme et les plantes

Par leurs connaissances botaniques et leur habileté technique, les hommes du Pacifique tiraient parti de tout le monde végétal ou presque. Les matières souples (feuilles, écorces, fibres végétales), tressées ou non, étaient utilisées pour confectionner les vêtements et les parures, les paniers et les nattes, les voiles des pirogues, des filets et des nasses pour la pêche, la toiture et les parois des cases, les cordes et les cordelettes. L’écorce de certains arbres, assouplie et longuement battue, fournissait le tapa, sorte d’étoffe utilisée pour couvrir le corps et décorer les cases. Le bois lui-même servait à la construction des charpentes et des pirogues ainsi qu’à la fabrication d’instruments, d’armes et de mobilier. On tirait encore de certains arbres différentes gommes et des colorants. D’autres plantes fournissaient des récipients naturels (gourdes, bambous), des moyens d’éclairage (la noix de bancoul), du poison pour capturer les poissons, des onguents, des parfums, des ornements corporels, des médicaments. Certaines plantes ou leurs extraits avaient une utilité rituelle ou magique, tels le kava et la cordyline.

Quelques espèces sauvages étaient récoltées pour l’alimentation : fruits et amandes diverses, racine de l’arrow-root (dont on extrayait l’amidon), celle de la cordyline (qui contient 20 p. 100 de sucre), fruits et extrémités des racines aériennes du pandanus, pourpier et cresson, algues marines, etc. Les produits de l’horticulture assuraient cependant l’essentiel des ressources alimentaires d’origine végétale : fruits de l’arbre à pain, du cocotier, de divers bananiers, consommés crus ou cuits selon les espèces. On mâchait les tiges de la canne à sucre (probablement originaire de Nouvelle-Guinée), pour en extraire le jus sucré. Les plantes à tubercules — igname, taro, patate douce (en Polynésie) — étaient cultivées sur brûlis et à l’aide du bâton à fouir, en terrain sec ou irrigué. Avec la période européenne, de nouvelles plantes cultivées ont été introduites en Océanie et ont donné à celle-ci un surcroît de richesse en plantes vivrières. Cependant, l’importation de nourritures « industrielles » (riz glacé, sucre, conserves, etc.), trop consommées, entraîne un déséquilibre dans l’alimentation des Océaniens, qui trouvaient dans leurs produits naturels certains oligo-éléments et acides aminés indispensables.