Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

océan (suite)

Enfin, plus au large, les apports terrigènes deviennent négligeables. Le réenrichissement des couches de surface ne peut se faire qu’à partir des réserves sous-jacentes, mobilisées en dehors des tempêtes par des phénomènes dynamiques intéressant la circulation générale des océans. Les turbulences provoquées par les courants, les divergences et les upwellings (remontées d’eaux profondes), sont alors les causes qui renouvellent la fertilité des eaux superficielles et conditionnent par conséquent leur productivité. On comprend que, suivant l’absence, la présence, l’intensité et parfois la conjugaison de ces phénomènes, cette productivité subisse des variations considérables et qu’il existe en mer comme sur terre des zones fertiles et des zones arides, des Beauces et des Saharas. Bien que la couleur ne soit pas un critère absolu, il est admis que les eaux vertes ou jaunes sont en général les plus riches, tandis que le bleu pur est dans la majorité des cas la marque du désert.


Productivité et production végétales estimées

Fertilité et productivité sont deux notions intimement liées l’une à l’autre. La première de ces données repose sur l’estimation qualitative et quantitative des sels minéraux nutritifs présents dans le milieu, la seconde sur l’évaluation de la matière organique synthétisée à partir de ces éléments initiaux.

Les premières mesures ont été des mesures de fertilité. Malgré leur intérêt, elles ne donnent qu’un aperçu incomplet de la capacité de production d’une masse d’eau. Aussi a-t-on été amené à envisager d’autres mesures portant sur le transformateur et sur son potentiel de production, c’est-à-dire sur le phytoplancton et son activité photosynthétique. Celles qui portent sur le produit fini définissent le capital existant appelé biomasse. Celles qui portent sur le potentiel de production définissent le taux d’intérêt appelé productivité. La productivité étendue sur un certain laps de temps définit le montant de ces intérêts appelé production (production journalière, saisonnière, annuelle). La productivité et la production qui aboutissent à la synthèse de la matière végétale sont dites « productivité et production primaires ».

Biomasse et production ne sont pas obligatoirement proportionnelles. Revenons sur terre pour le constater. Une forte biomasse peut avoir une faible production : c’est le cas d’une forêt. Une faible biomasse peut avoir une forte production : c’est le cas d’une prairie. Il faut, en effet, faire intervenir dans ce genre de questions la notion de renouvellement (turn over), qui joue un rôle capital (exemple, fourrage à plusieurs coupes). Notons à ce sujet que la masse phytoplanctonique possède dans son ensemble un turn over extraordinairement rapide, de l’ordre de la journée d’après B. G. Bogorov (1967).

Les océanographes ont mis au point, pour estimer biomasse et productivité, des méthodes de recherche standardisées en vue d’études comparatives. Pour la biomasse, il s’agit de méthodes de récolte : traits de plancton limités (l’instrument est un filet), échantillonnages continus sur de longues distances (l’instrument est un appareil spécial, le continuous plankton recorder). Pour la productivité, il s’agit de méthodes de mesure : bilan oxygène (méthode de H. Gran, 1927), carbone 14 (méthode de E. Steemann Nielsen, 1949). Le dosage des chlorophylles procède des deux systèmes. Des observations régulièrement répétées dans le temps permettent de dessiner les variations de la biomasse et de passer de la productivité à la production.

Il est inutile d’insister sur le fait que, si la productivité peut être mesurée avec une assez grande précision — encore que les différentes méthodes donnent parfois des résultats assez éloignés acceptables seulement après critiques serrées —, il entre dans l’estimation de la production une telle part d’extrapolation que les chiffres communiqués à son sujet s’inscrivent dans une large échelle. Cependant, raffinement des techniques et surtout la multiplication des données au cours de ces dernières années ont conduit à un agrément à peu près général sur sa répartition (fig. 3).

On constate qu’en haute mer la production est inférieure à 0,15 g de carbone par mètre carré et par jour (elle tombe à 0,04 g dans la mer des Sargasses), mais que, dans les régions de turbulence ou de remontées d’eau profondes, elle dépasse régulièrement 0,50 g (elle monte jusqu’à 2,5 g sur la côte ouest de l’Afrique du Sud). On admet à l’échelle annuelle pour les mers tempérées et subpolaires une moyenne de 1,20 g/m2.

Des synthèses générales ont été tentées. Retenons-en deux (en exprimant les résultats en tonnes de carbone, quelle que soit la forme sous laquelle ils ont été publiés et sachant que pour le phytoplancton on passe du poids de carbone au poids de matière humide en multipliant le premier par un coefficient voisin de 35).

• Biomasse

• D’après J. H. Ryther (1959) :
biomasse végétale océanique :
1,1 × 109 ;
biomasse végétale terrestre :
— aires cultivées, prairies, brousses (forêts exceptées), 1,5 × 1010 ;
— forêts, 1,1 × 1012.

• D’après B. G. Bogorov (1966) :
biomasse végétale océanique :
1,7 × 109.

Contrairement à bien des idées acquises et quoique la surface des terres émergées soit très inférieure à celle des océans, la biomasse végétale terrestre est très supérieure à la biomasse végétale marine.

• Production

• Production marine :
— E. Steemann Nielsen (1957 et publications ultérieures),
1,2 à 1,9 × 1010 ;
— O. I. Koblenz-Mishke (1965),
1,3 × 1010 ;
— B. G. Bogorov (1966),
1,3 à 1,4 × 1010.

• Production terrestre :
— M. Gilmartin (dans Encyclopedia of Marine Resources, 1969), 2,5 × 1010.

Pour une biomasse très inférieure, les végétaux marins, en raison d’un turn over beaucoup plus rapide, donnent une production assez proche de la production terrestre.