Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Obrenović

Dynastie qui régna en Serbie au xixe s.



Miloš Obrenović Ier

(Dobrinja, près de Titovo Užice, 1780 - Topčider, près de Belgrade, 1860).

Fils aîné d’un paysan pauvre, pâtre lui-même, Miloš participe activement à la première guerre serbe contre les Turcs (1804-1813). Après la fuite de Karageorges (1813), il semble se rallier aux Turcs, qui le désignent comme prince (Knez) des districts centraux de Serbie ; et même, lorsqu’en 1814 éclate une rébellion, Miloš aide les Turcs à rétablir l’ordre. Mais quand la répression s’avère atroce, il proclame la guerre sainte (avr. 1815) et bat l’occupant, notamment à Palež (auj. Obrenovac). La crainte d’une intervention russe incite alors la Porte à reconnaître Miloš comme « prince suprême de la nation serbe », titre qui est entériné par l’Assemblée nationale.

La position d’Obrenović est renforcée par l’assassinat de Karageorges (1817) et par la neutralité serbe au cours de la guerre russo-turque de 1828, neutralité que les Turcs récompensent en nommant Miloš prince héréditaire (1830). Celui-ci divise la Serbie en six districts ; mais la constitution qu’il octroie en 1835 apparaissant comme trop libérale à la Russie, à l’Autriche et à la Porte, Miloš doit la retirer.

Son tempérament autoritaire se donne dès lors libre cours : il cherche à imposer un Conseil d’État dont les membres seraient nommés par lui ; mais les Russes font pression en faveur d’un Conseil plus indépendant. Les Turcs, en 1838, contraignent Miloš à se plier à leurs vues ; et quand il se rebiffe, ils le forcent à abdiquer (juin 1839) en faveur de son fils, Milan Obrenović II : celui-ci meurt 25 jours plus tard et est remplacé aussitôt par son frère Michel. En 1842, Michel — renversé par Alexandre Karadjordjević — rejoint son père en exil. Mais, lorsqu’à son tour, en 1858, Alexandre est écarté du trône, la Skupština (Assemblée) rappelle Miloš, qui reçoit le titre de « Père de la patrie » (23 déc.). Toujours aussi autoritaire, il fait établir l’hérédité dans sa famille (sept. 1859) ; il meurt le 26 septembre 1860.


Michel Obrenović III

(Kragujevac 1823 - Košutnjak, près de Belgrade, 1868).

Successeur de son frère Milan, qui a régné 25 jours (8 juill. 1839), Michel est exilé dès 1842 : son impopularité profite à la famille rivale des Karadjordjević*. Puis, quand Alexandre Karadjordjević est renversé (1858), il rentre à Belgrade en même temps que son père Miloš, qui remonte sur le trône et nomme Michel commandant en chef de l’armée. Celui-ci redevient prince des Serbes à la mort de Miloš (26 sept. 1860). Il réorganise l’administration, limite le pouvoir du Conseil d’État et accroît celui de la skupština ; il réforme les institutions essentielles (armée, justice, crédit) dans un sens moderne, et promeut la culture. À l’extérieur, il maintient étroite l’alliance serbo-russe, aidé par un remarquable diplomate, Ilija Garašanin (1812-1874). En 1867, il obtient l’évacuation du territoire serbe par les troupes turques. Cependant, son absolutisme lui fait des ennemis : ceux-ci se débarrassent de lui en le faisant assassiner, le 10 juin 1868.


Milan Obrenović IV

(Mărăşeşti, Moldavie, 1854 - Vienne 1901).

Fils du plus jeune frère de Miloš Obrenović, Milan fait ses études à Paris. Après l’assassinat de son cousin Michel (10 juin 1868), il est proclamé prince de Serbie (2 juil.) ; un conseil de régence, présidé par Jovan Ristić (1831-1899), dirige le pays jusqu’en août 1872, quand Milan atteint sa majorité. Ristić restera d’ailleurs presque constamment chef du gouvernement jusqu’en 1878.

À la suite de l’insurrection de la Bosnie-Herzégovine, Milan, poussé par le tsar, déclare la guerre à la Turquie (1876) : ses troupes, mal préparées, sont battues. Faisant alors appel aux Russes — qui entrent dans la lutte en 1877 —, Milan reprend l’offensive. Mais les hostilités sont interrompues par le traité de San Stefano, dont les dispositions sont revues par le congrès de Berlin, qui reconnaît l’indépendance de la Serbie (1878).

Alors Milan, écartant Ristić et se détournant des Russes, décide de gouverner par lui-même ; avec l’assentiment de l’Autriche-Hongrie, sa nouvelle alliée (traité secret de 1881), il se fait proclamer roi de Serbie (6 mars 1882). Une rébellion, animée par le parti radical — dont les positions s’affirment au Parlement —, est écrasée en 1883. Mais il faut l’intervention des forces austro-hongroises pour sauver la Serbie du désastre lors de la guerre serbo-bulgare de 1885.

Le roi poursuit la modernisation du pays, qui est doté de chemins de fer (à partir de 1881), d’une Banque nationale (1883), d’une Académie des sciences. Cependant, son autoritarisme et sa conduite privée le rendent impopulaire ; décidé à se séparer de son épouse, Nathalie Petrovna Kechko (1859-1941), il voit prendre parti pour elle les progressistes ; s’appuyant sur les radicaux, Milan rompt son mariage (oct. 1888), ce qui scandalise la population orthodoxe. Alors, ayant assuré la succession à son fils Alexandre et donné au pays une constitution plus démocratique, le roi abdique (6 mars 1889). Retiré à Paris, il renonce à la nationalité serbe. Cependant, rappelé par Alexandre en 1893, Milan rentre pour établir à Belgrade un régime policier ; de nouveau exilé en 1895, il prend le commandement des armées serbes en 1897 ; mais, ayant désavoué le mariage de son fils, il s’expatrie définitivement en 1900 et s’installe à Vienne, où il mourra bientôt.


Alexandre Obrenović V

(Belgrade 1876 - id. 1903).

Fils unique du roi Milan Obrenović IV et de la reine Nathalie, Alexandre devient roi de Serbie le 6 mars 1889 sous une régence dont il se débarrasse, le 13 avril 1893, en se déclarant majeur ; il abolit en 1894 la constitution libérale de 1888, rétablissant celle de 1869. Les cabinets — à dominante progressiste ou radicale — se succèdent alors rapidement. Bientôt, d’ailleurs, le jeune souverain tombe sous la coupe de son père, réinstallé par deux fois en Serbie ; le régime de l’arbitraire joue à plein. En juillet 1899, à la suite d’un attentat manqué contre Milan, des décrets exceptionnels sont pris à l’encontre des adversaires politiques au pouvoir. À l’extérieur, Alexandre, poussé par son père, reste dans la mouvance austro-hongroise.