Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nucléaire (énergie)

Énergie qui apparaît dans certaines conditions quand on casse des noyaux d’atomes lourds ou quand on accole des noyaux d’atomes légers ; l’énergie dégagée provient d’une perte de masse, conformément à la relation d’Einstein*.


Qu’est-ce que l’énergie nucléaire ?


Stabilité des noyaux


Défaut de masse et énergie de liaison

a) Considérons un élément quelconque dans le noyau des atomes de cet élément, on dénombre Z protons et A – Z neutrons.

Soit p la masse d’un proton (1,008 12 u.m.a.) et n celle d’un neutron (1,008 93 u.m.a.) ; on constate que la masse totale de ces nucléons,
p + (A – Z) n,
est supérieure à la masse M du noyau formé. On observe donc un défaut de masse égal à
m = Z p + (A – Z) n – M
et corrélativement, conformément à la relation d’Einstein, E = mc2, une apparition d’énergie.

b) L’énergie E dégagée au moment de la formation du noyau, à partir de ses nucléons, s’appelle l’énergie de liaison. Pour la calculer, il suffit de traduire l’expression Z p + (A – Z) n – M, exprimée en u.m.a., en MeV en multipliant par 931 (1 u.m.a. = 931 MeV).

On appelle énergie de liaison par nucléon : celle qui se trouve libérée, en moyenne, par nucléon, au moment de leur entrée dans le noyau ; inversement, quand on voudra sortir un nucléon d’un noyau, il faudra fournir cette énergie qui sera d’autant plus grande que l’élément considéré sera plus stable.


Courbe d’énergie de liaison par nucléon

Dans un système d’axes rectangulaires, portons en abscisses les nombres de masses A et en ordonnées l’énergie de liaison par nucléon. On obtient la « courbe d’énergie de liaison par nucléon », dans laquelle on distingue trois parties.

a) Une partie ascendante correspond en gros aux éléments légers.

On constate que certains d’entre eux : se trouvent en dehors de la courbe ; cela veut dire que ces éléments ont une grande énergie de liaison et sont plus stables que leurs voisins.

b) Une seconde partie présente un maximum de 8,4 MeV au voisinage de A = 60.

Pour les éléments dont le nombre de masse est compris entre 60 et 150 (du fer à l’étain), l’énergie de liaison par nucléon est voisine de 8,4 MeV en moyenne.

c) Enfin, la troisième partie, descendante, correspond aux éléments lourds.

Pour A = 238 (uranium, dernier élément naturel de la classification de Mendeleïev),


Conclusions

L’examen de cette courbe permet de tirer des conclusions importantes.

• Fission des noyaux lourds. Quand un neutron fissionne un noyau d’uranium 235, il se forme deux nouveaux noyaux qui appartiennent à des éléments se trouvant approximativement au milieu du tableau de Mendeleïev, c’est-à-dire correspondant pour à une valeur de 8,4 MeV. Les 235 nucléons du noyau d’uranium (en réalité, ils sont un peu moins puisque 2 ou 3 neutrons se trouvent éjectés) abandonneront chacun en moyenne, au moment de la formation de ces nouveaux noyaux, 8,4 MeV ; il y aura donc libération totale d’environ
8,4 × 235 MeV.

Mais pour quitter le noyau d’uranium dans lequel ils se trouvent initialement réunis, il faut fournir
7,6 × 235 MeV,
puisque l’énergie de liaison par nucléon, pour l’uranium 235, est de 7,6 MeV. Il restera donc une énergie disponible évaluée à
235 × 8,4 – 235 × 7,6 = 235 (8,4 – 7,6) ≃ 200 MeV.

Autrement dit, la fission d’un noyau lourd d’uranium 235 libère 200 MeV environ, ce qui est énorme à l’échelle nucléaire (l’énergie acquise par l’explosion d’une molécule d’explosif est de l’ordre de 20 MeV).

• Fusion des noyaux légers (v. thermonucléaire [énergie]). Si on fusionne des éléments légers, la quantité d’énergie libérée est plus importante encore, car l’énergie de liaison par nucléon pour les noyaux légers est très faible.

L’énergie rapportée à 1 g de matière dans les phénomènes de fusion est quatre fois plus élevée en moyenne que dans les phénomènes de fission ; la quantité de matière mise en jeu à la fusion n’est pas limitée comme dans le phénomène de fission (notion de masse critique) ; ces deux raisons expliquent pourquoi la puissance des engins nucléaires de fusion (bombe H) est beaucoup plus élevée que dans les engins nucléaires de fission (bombe à l’uranium ou au plutonium).

Au bout d’une centaine de générations (temps 10–12 s), les fissions sont en nombre tel que la quantité d’énergie libérée est gigantesque, d’où la nécessité, dans les engins nucléaires, pour que l’explosion se produise, d’avoir un certain volume de matière fissile dit « volume critique ».


Étude de la fission


Historique des travaux

Les études ayant conduit à la découverte du phénomène de fission s’échelonnent entre 1934 et 1939, et les conclusions de ces travaux furent publiées au début de la Seconde Guerre mondiale.

À la suite de la découverte de la radioactivité* artificielle (1934), Fermi* et ses élèves étudièrent l’action des neutrons sur les corps simples, et en particulier sur l’uranium.

Cette équipe obtint ainsi une série de corps qu’elle baptisa transuraniens*, dont les numéros atomiques s’échelonnaient entre 94 et 97.

En 1937, Irène Joliot-Curie* mit en doute les résultats de Fermi, et Frédéric Joliot*, au début de l’année 1939, établit que le noyau d’uranium sous l’action de certains neutrons se cassait et donnait naissance à d’autres noyaux d’éléments se trouvant approximativement au milieu du tableau de Mendeleïev.