Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nouvelle-Calédonie (suite)

La saison pluvieuse (de décembre à avril) est en même temps plus chaude (moyenne de 25,5 °C en février) ; les températures dépassent 30 °C dans la journée, et les nuits restent pénibles. De plus, l’île est parfois ravagée par des cyclones qui provoquent de redoutables tempêtes et d’énormes pluies. Au cours du cyclone de février 1951, il est tombé en quelques jours 620 mm d’eau sur la côte orientale, c’est-à-dire plus qu’à Paris en une année.

Il existe en effet un net contraste pluviométrique entre la côte orientale, très arrosée, parce qu’elle reçoit de plein fouet l’alizé et les cyclones (côte au vent) et qu’elle est bordée de montagnes, et la côte occidentale, beaucoup plus sèche, parce qu’elle est abritée (côte sous le vent) et plus plate. À Nouméa, il ne tombe en moyenne que 1 065 mm de pluies par an, alors que la côte est en reçoit 2 ou 3 m.

Ce contraste de versant se marque bien dans la végétation, moins fournie et plus dégradée à l’ouest qu’à l’est. La véritable forêt, remarquable par ses conifères austraux (araucarias, agathis) ne se maintient guère que sur quelques pentes bien arrosées. Sur les massifs miniers s’étend un maquis broussailleux aux plantes étranges. Dans l’ouest règne surtout la savane, où alternent les grandes herbes et de petits arbres au tronc contourné, les niaoulis (genre Melaleuca), qui supportent les fréquents feux de brousse et ont largement progressé depuis un siècle. La distillation des feuilles de niaouli donne une essence de valeur, le goménol. Sur la côte ouest, les filaos (bois de fer) sont caractéristiques des zones sableuses, tandis que la mangrove (palétuvier) occupe les marais littoraux. La plupart des espèces végétales sont endémiques (environ 80 p. 100), mais de nombreuses plantes ont été introduites depuis l’installation européenne et, dans certains cas, sont devenues envahissantes (le lantana par exemple). Il en est de même pour la faune : les espèces locales, des oiseaux surtout, sont de plus en plus rares, alors que certains animaux importés se sont multipliés (cerfs).

A. H. de L.


L’histoire

Le capitaine anglais James Cook*, qui découvre l’île le 4 septembre 1774, lui donne le nom de Nouvelle-Calédonie, en l’honneur de son origine écossaise. En 1792-93 le navigateur français d’Entrecasteaux, chargé, en 1791, par l’Assemblée constituante, de retrouver l’expédition de La Pérouse*, découvre plusieurs îles proches de la Nouvelle-Calédonie. En 1827, un autre Français, Dumont* d’Urville, visite le groupe des îles Loyauté près de la côte orientale de la Nouvelle-Calédonie.

La colonisation de l’Australie va faire entrer l’île dans la sphère des intérêts commerciaux des Européens. La découverte du bois de santal y amène des trafiquants australiens, suivis par des pêcheurs et des colons. Des missionnaires protestants, surtout méthodistes, y débarquent en même temps en 1840.

Trois ans plus tard, à l’instigation du gouvernement français, arrivent les premiers missionnaires catholiques, dirigés par Mgr Guillaume Douarre (1810-1853). Les débuts sont difficiles, et, en 1847, une révolte des Canaques décime la mission.

C’est le gouvernement impérial qui, en 1853, envoie une expédition commandée par l’amiral Febvrier-Despointes pour prendre officiellement possession de l’île au nom de la France. Le successeur de l’amiral en Nouvelle-Calédonie, le capitaine de vaisseau Louis François Tardy de Montravel (1811-1864), fonde en 1854 la ville de Port-de-France dans la rade de Nouméa. En 1866, Port-de-France, pour éviter toute confusion avec Fort-de-France de la Martinique, prend le nom indigène de Nouméa.

L’île est tout d’abord rattachée administrativement aux Établissements français de l’Océanie de Tahiti, mais, dès 1860, elle devient une colonie distincte.

Son premier gouverneur, le contre-amiral Guillain, s’efforce d’attirer des colons libres. C’est sous son gouvernement que la Nouvelle-Calédonie commence de devenir une terre de transportation en remplacement de la Guyane, dont le climat est jugé trop meurtrier. Le bagne fonctionne en 1864 : les prisonniers sont employés à la construction des routes ou à l’exploitation des mines et des forêts.

En 1871-72, les condamnés de la Commune* sont déportés en Nouvelle-Calédonie ; ils seront amnistiés en 1880, et la plupart, dont Louise Michel, reviendront en France. Mais la présence des bagnards est un obstacle à la colonisation libre. Aussi un mouvement d’opinion obtient-il, en 1896, que cessent les envois de condamnés. Ceux-ci forment alors la moitié de la population blanche. Cette main-d’œuvre gratuite n’en a pas moins permis le développement économique de la colonie.

Dans les années 1860 ont lieu des révoltes d’indigènes, qui sont réprimées sans pitié par les gouverneurs. Cela ne décourage pas les Canaques, et, en 1878, une véritable insurrection s’étend à toute l’île : plus de 200 Français sont tués, et, du côté canaque, les pertes sont si lourdes que, durant les dix années qui suivent, la population indigène diminue de moitié. En janvier 1879, le gouverneur Olry parvient à maîtriser la situation en accordant la vie sauve aux rebelles qui feront leur reddition.

La France tient d’autant plus à sa colonie qu’on vient d’y trouver de nombreuses richesses minières. En 1870, la découverte de mines d’or dans la partie septentrionale de l’île provoque une première ruée. En 1873, c’est au tour du minerai de cuivre d’être exploité. En 1876, Jules Garnier (1839-1904), qui a découvert du nickel vers 1865, signale des gisements de chrome.

L’exploitation du nickel, qui va devenir le minerai-roi de la Nouvelle-Calédonie, prospère à partir de 1880, lorsque la banque Rothschild fonde la société « Le Nickel » et que des hauts fourneaux sont construits.

En 1884, l’administration militaire des marins fait place à celle des gouverneurs civils. À partir de 1895, le gouverneur Feillet encourage la colonisation libre et développe l’agriculture, délaissée au profit des ressources minières. Les établissements agricoles qu’il confie à des colons de la métropole prospèrent. En outre, l’administration encourage l’immigration d’Asiatiques (Indiens, Javanais, Indochinois), qui apportent à la Nouvelle-Calédonie une main-d’œuvre indispensable à son développement.

En 1914, l’île compte déjà plus de 50 000 habitants, mais la Première Guerre mondiale affecte gravement son activité économique. Durant l’entre-deux-guerres, le gouverneur Guyon continue l’œuvre de Feillet. Des routes sont construites, et le port de Nouméa est aménagé. Ces facilités de communication permettent une meilleure exploitation des richesses intérieures du territoire.

La Nouvelle-Calédonie, ralliée dès 1940 au gouvernement de la France libre, joue un rôle de premier plan dans la guerre du Pacifique ; l’amiral Chester William Nimitz*, commandant suprême des forces navales américaines dans le Pacifique, la proclame « le bastion d’où partent les grandes offensives américaines contre les Salomon et les Philippines ».

Le 10 mars 1942 arrive le premier contingent américain, soit plus de 40 000 soldats. Dès lors, la Nouvelle-Calédonie va devenir une des plus importantes bases américaines : elle abrite les navires de l’US Navy dans sa rade de Nouméa, et quatre aérodromes sont construits pour accueillir les bombardiers américains.

En 1946, la colonie est érigée en territoire français d’outre-mer. Une loi-cadre votée en 1956 et appliquée à partir de 1957 confie le pouvoir à un haut-commissaire représentant le gouvernement français, mais assisté d’un Conseil de gouvernement. Une Assemblée territoriale est élue au suffrage universel.

Mais l’idée d’autonomie, puis d’indépendance apparaît très tôt en Nouvelle-Calédonie. En octobre 1976, la majorité présidentielle est renversée à l’Assemblée, où elle est remplacée par une coalition de partis autonomistes et indépendantistes.

P. P. et P. R.