Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Nouvel Empire (suite)

Mais nouvelle rupture grave : Salmanasar Ier (Shoulmân-asharêdou), roi d’Assyrie, pénètre dans le Mitanni. Devant la montée de cette nouvelle et redoutable puissance, l’Égypte et le Hatti se rapprochent et signent vers 1278 un traité d’alliance, dont le texte (rédigé en akkadien sur tablettes d’argile) a été conservé. Mouwatalli rend une visite officielle à Ramsès II, qui épouse l’une de ses filles. La paix est assurée pour une quarantaine d’années.


Désagrégation de l’Empire et de la monarchie

À la fin du règne de Ramsès II, les éléments d’un lent processus de désagrégation intérieure apparaissent dans l’Empire : l’hérédité sacerdotale s’implante à Thèbes ; les temples de la Haute-Égypte ont leurs domaines, leurs juridictions. Pour fortifier son armée, le roi doit développer l’armée de métier, donner des terres à ses officiers de carrière, et ainsi se constitue peu à peu une nouvelle caste militaire, qui deviendra dangereuse. L’excès, en retour, de centralisation administrative paralyse les services du gouvernement sous une inutile « paperasserie ».

Mais c’est une double rupture de l’équilibre international qui va entraîner la ruine de l’Empire : le roi d’Assyrie, Toukoulti-Ninourta Ier, lance ses armées et s’installe fermement sur l’Euphrate ; il défait les Hittites et occupe Babylone. Toute la Mésopotamie et la route économique la plus importante du continent passent sous contrôle assyrien. Ramsès II (dont la seule puissance, désormais, peut s’opposer efficacement à celle de l’Assyrie) commet la lourde faute de temporiser.

De la mer s’élève le danger achéen : Mycènes s’oppose ouvertement à Troie. Le conflit, inévitable, éclate sous Ramsès II, lorsque Agamemnon, après une longue guerre, détruit la ville asiatique vers 1290, ouvrant ainsi aux Achéens* l’accès de la mer Noire. Le Hatti fait front, mais il est seul. Et les peuples maritimes bougent.

Les Peuples de la mer vont définitivement bouleverser la carte du monde.

Tandis que les Achéens, triomphant de Troie, dominent l’Égée, les Doriens*, venus d’Illyrie, commencent à envahir la Grèce et, par vagues successives, en quelques décennies, la submergent. Seule l’Attique est épargnée. Du Péloponnèse, les Doriens passent en Crète, prennent possession de Rhodes et atteignent les établissements achéens de l’Asie Mineure. Seuls les Hittites arrêtent leur progression et les empêchent d’atteindre Chypre. L’Asie Mineure elle-même, durant ce temps, est envahie par d’autres bandes indo-européennes ; toutes les populations du littoral fuient alors en un immense exode, en quête d’un rivage hospitalier. De Grèce, les Achéens s’embarquent, avec femmes et enfants, vers le refuge provisoire de l’Attique et de l’île d’Eubée, vers les établissements de l’Asie Mineure ; d’autres font voile vers les grandes steppes semi-désertiques de Libye. De l’Asie Mineure, les peuples côtiers (Phrygiens, Cariens, Lydiens, Mysiens, Philistins, Libou, Tourousha [ou Étrusques ?], Sikoulousha [ou Sicules ?]) prennent également la mer, vers la Libye et vers la Palestine. L’Égypte, à la fin du règne de Ramsès II, est encore intouchée : Ménélas, Ulysse en vantent le séjour et la prospérité. Elle se cantonne dans sa paix.

En 1235 av. J.-C., Mineptah succède à son père. Il semble qu’il ait essayé de renouer avec le Hatti, battu par les invasions sur toutes ses frontières, mais ne cédant pas ; pour aider ce rempart avancé contre les « Peuples du Nord et de la mer », il lui envoie des cargaisons de blé (il avait donc encore le contrôle de la mer).

Mais bientôt la tourmente se déchaîne contre l’Égypte ; à l’ouest, les migrations venues de la mer avaient rassemblé en Libye les peuples les plus divers : aux autochtones Timhiou (ou Temehou) et Tjehenou (ou Tehenou), plus récemment Mashaouash (Berbères), s’étaient agrégés des Achéens, des Étrusques, des Sicules, des Shardanes, des Lyciens, qui, tous, avaient reconnu l’autorité d’un roi, Meriaï. Vers 1230 av. J.-C., celui-ci envahit le Delta et, suivi d’une misérable horde d’émigrants (avec femmes, enfants, bestiaux, charrois), marche sur Memphis ; Mineptah (à qui Ptah a envoyé un songe rassurant) attaque l’ennemi à Petirê, dans le Delta occidental : c’est un affreux carnage, 10 000 morts, plus de 9 000 prisonniers. La menace n’est pas écartée pour autant ; en effet, les Peuples de la mer, après avoir occupé une partie du Hatti, s’infiltrent par la Syrie ; Mineptah reconquiert la Palestine (une stèle de victoire mentionne pour la première fois le nom d’Israël parmi les peuples vaincus).

Mais cette violente secousse a aggravé le mal intérieur ; une double crise s’ensuivra. Crise de pouvoir : l’emprise du clergé thébain sur la Haute-Égypte a grandi ; chaque victoire a valu à Amon de nouvelles richesses ; les clercs du dieu ont organisé sur leurs domaines des milices armées, suffisamment fortes pour que Mineptah doive nommer comme successeur du grand prêtre Rome-Roy, le fils du chef des soldats du domaine d’Amon, Bakenkhonsou, qui s’affirme rapidement comme le seigneur d’un État dans l’État. Crise économique : le commerce du Delta avec le monde égéen est tari, Pharos est presque ruinée, les ports phéniciens sont dans une situation critique, et l’installation, à ce moment, des Philistins sur les côtes de Palestine (où ils fondent la première Pentapole) entraîne des bouleversements profonds. À cela s’ajoutent, au cœur même de l’Égypte, des soulèvements de prisonniers : Araméens (capturés par Ramsès II), Phrygiens, Juifs ; le roi les réprime. Mais l’effondrement est inévitable ; la réaction semble avoir été de se regrouper autour des puissances sociales que constituaient les temples et l’oligarchie.

Le trône est occupé par un usurpateur, Amenmès, puis, vers 1219, par Mineptah-Siptah, qui avait épousé la princesse royale Taousert. En 1210, le vice-roi de Nubie (seul territoire à avoir conservé un cadre administratif stable) marche sur Thèbes, épouse Taousert (veuve du roi précédent) et règne sous le nom de Seti II ; quelque légalité semble avoir été rétablie, mais, après le règne de son fils Ramsès-Siptah, l’anarchie l’emporte ; il semble même qu’un mercenaire syrien, Iarsou, ait pris le pouvoir quelque temps.