Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Norvège (suite)

 G. Chabot, l’Europe du Nord et du Nord-Ouest, t. II : Finlande et pays scandinaves (P. U. F., 1958). / M. Helvig et V. Johannessen, Norway. A Brief Geography (Oslo, 1966). / A. Sømme et H. Smeds, A Geography of Norden (Oslo, 1968). / G. Alexandersson, les Pays du Nord (trad. de l’angl., P. U. F., coll. « Magellan », 1971).


L’art norvégien

C’est à l’avènement des Vikings, au ixe s., que la Norvège doit l’épanouissement de l’art décoratif légué par le troisième âge du fer (vie au ixe s.), qui s’appliquait à des fibules, des épées, des armures... Tout en enrichissant de thèmes nouveaux ces objets, qui avaient essentiellement pour motifs des animaux stylisés, les Vikings en étendent aussi le répertoire, du ixe au xie s., en décorant les chariots, les traîneaux, les tombes, puis leurs premières églises de bois (stavkirke). Sensibles à la polychromie éclatante, ils font par ailleurs surgir, sur les barques où reposent leurs morts et sur les figurines de proue de leurs bateaux de guerre, les premiers signes de l’art pictural, réduits, d’abord, au triple accord du rouge, du vert et du jaune. Lorsque, vers la fin du xe s., le roi viking Olav Ier Tryggvesson se convertit au christianisme, celui-ci se propage rapidement, embrassant le pays entier sous le règne d’Olav II Haraldsson et favorisant un nouveau développement des arts plastiques : alors s’édifient les premières stavkirke, avec la superposition pyramidante de leurs toits et leur parure de sculptures fantastiques en haut relief sur les portails, parfois d’inscriptions runiques sur les piliers (stavkirke d’Ørnes [Urnes], xie s.). Mais, sur près de huit cents de ces églises érigées entre le xie s. et le xixe s., une vingtaine seulement ont résisté à l’usure du temps, dont, parmi les plus remarquables, celles de Borgund (xiie s.) et de Hitterdal (xiiie s.). L’église de Gol a été transportée au musée folklorique de plein air d’Oslo (presqu’île de Bygdøy).

Les motifs d’art sacré qui apparaissent non seulement sur les murs et les voûtes des stavkirke, mais aussi sur ceux des églises en pierre du xiie s., allient des scènes de la mythologie des sagas à celles du Nouveau Testament, mettant ainsi le paganisme au service du christianisme. Mais l’influence de l’Europe sera prépondérante et agira comme élément catalyseur sur les artistes de ce peuple qui découvre dans les régions conquises les valeurs d’un art classique jusqu’alors ignoré. De cette influence cosmopolite bénéficieront les belles églises romanes et gothiques d’Aker à Oslo (1100), de Trondheim (1152 - v. 1320), de Stavanger (commencée v. 1130), dont les peintures murales se signalent par l’harmonie de leurs rythmes formels et chromatiques. Des tapisseries originales comme celle de Baldishol (v. 1180, musée des Arts décoratifs d’Oslo) sont aussi à mettre à l’actif des arts médiévaux.

À l’exception de la tour Rosenkrantz à Bergen (v. 1560) et des trois châteaux d’Akershus (reconstruit au xviie s.) d’Austratt et de Rosendal (des années 1650-1660), peu d’œuvres marquantes nous ont été transmises par la Renaissance et les périodes du baroque et du rococo. L’éloignement des centres créateurs de l’Europe et le manque total d’école d’art expliquent la relative somnolence de l’activité artistique durant près de quatre siècles.

Ce n’est qu’après la séparation de la Norvège d’avec le Danemark et sa réunion à la Suède (1814) que des artistes tournent de nouveau leurs regards vers l’Europe, tout particulièrement vers l’Allemagne et la France. Les premiers peintres à obtenir une audience du public sont les paysagistes Johan Christian Clausen Dahl (1788-1857), considéré comme le fondateur de la peinture norvégienne moderne, et son élève Thomas Fearnley (1802-1842), tous deux marqués par le romantisme. Adolph Tidemand (1814-1876) s’inspire de la vie populaire et paysanne, tandis qu’Herman August Cappelen (1827-1852) compose avec brio des paysages tourmentés.

Les premières actions pour affranchir la peinture de sa dépendance romantique sont menées par Christian Krohg (1852-1925) et Fritz Thaulow (1847-1906), qui propagent une manière naturaliste et impressionniste à laquelle adhère le paysagiste Gerhard Munthe (1849-1929), connu aussi pour ses illustrations du folklore nordique. Cependant, c’est Edvard Munch* (1863-1944) qui impose le premier, à la Norvège et à l’étranger, un langage plastique d’une originalité exceptionnelle. Avec lui se fait jour un expressionnisme puissant, teinté de mysticisme, qui l’apparente à d’autres grands Scandinaves, tels les écrivains Ibsen et Strindberg. S’inspirant du fauvisme, les peintres Thorvald Erichsen (1868-1939) et Axel Revold (1887-1962) ont laissé des œuvres aux colorations subtiles et somptueuses à la fois. L’art de la fresque et de la peinture monumentale ont eu de bons adeptes en Per Krohg (1889-1965), Alf Rolfsen (né en 1895) et Henrik Sörensen (1882-1962). L’abstraction se manifeste avec Knut Rumohr (né en 1916) et Jacob Weidemann (né en 1923) ; l’op’art avec Gunnar S. Gundersen (né en 1921) ; le néo-dadaïsme avec Rolf Nesch (1893-1975).

La sculpture prend son essor grâce à Gustav Vigeland (1869-1943), dont l’œuvre, influencée d’abord par Rodin, s’imprègne par la suite d’un réalisme-expressionnisme typiquement scandinave. Un accent de grandeur lyrique s’inscrit dans ses nus de femmes, d’hommes et d’enfants, pour la plupart rassemblés dans le fameux parc Frogner à Oslo ; une centaine de ces nus, enlacés, composent un obélisque monolithe. Ingebrigt Vik (1867-1927) et Hans Jacob Meyer (né en 1907) sont aussi à retenir, avec Arnold Haukeland (né en 1920) qui utilise l’acier inoxydable pour créer une plastique abstraite.

L’architecture se réveille au début du xixe s. avec l’érection, à Oslo, du palais royal par Hans Ditlev Frants Linstow (1787-1851), de l’université par Christian Henrik Grosch (1801-1865). Sans être prospective, l’architecture du xxe s. peut se prévaloir de quelques beaux monuments comme l’hôtel de ville d’Oslo, par Arnstein Arneberg (1882-1961) et Magnus Poulsson (1881-1958), le palais du gouvernement et l’église Bakkehaugen, construits tous deux dans la capitale par Erling Viksjo (né en 1910), auxquels s’ajoutent des édifices de style plus moderne, tels l’hôtel de ville d’Asker (architecte Kjell Lund [né en 1927] en collaboration avec Nils Slaatto [né en 1923]) ou le centre artistique et culturel de Hövikodden, ouvert en 1968. Cependant, c’est dans le domaine de l’architecture d’habitation qu’apparaissent les structures spatiales les plus originales.

C. G.