Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Normandie (suite)

L’économie

Le lait et la viande assurent l’essentiel de la richesse de l’agriculture. Au cours des quinze dernières années, ces deux productions ont remarquablement progressé, traduisant la diffusion d’une révolution technique et économique dans les campagnes.

La production laitière a rendu célèbres dès le xviiie ou le xixe s. les herbages du Cotentin, du Bessin et du pays d’Auge, les beurres d’Isigny et de Gournay, les fromages de Camembert, de Pont-l’Évêque, de Livarot et de Neufchâtel. La race bovine normande a été améliorée, et la plupart des éleveurs pratiquent maintenant l’insémination artificielle ; cependant, la race frisonne progresse aussi. Les éleveurs ont amélioré la qualité et l’utilisation de leurs prairies. Le maïs, l’ensilage complètent les apports fourragers. Une puissante industrie laitière s’est substituée aux modes artisanaux de ramassage et de transformation ; à côté de quelques grandes firmes privées, comme Préval, Nestlé, Gervais, Gloria, Claudel, se développent de très importantes coopératives, particulièrement Elle-et-Vire (Union laitière normande).

Traditionnellement, l’engraissement des bovins à viande se pratique à l’étable dans les fermes des plaines normandes ou sur les herbages d’embouche des meilleurs fonds du pays d’Auge, du Perche, du pays de Bray. Une importante mutation se produit ici aussi. La plaine de Caen, le pays de Caux, les plaines de l’Eure deviennent de véritables « usines à viande » grâce à des élevages industriels de jeunes bovins précoces.

L’engraissement des veaux est particulièrement important dans la Manche et dans la plaine de Caen, les élevages de chevaux de selle dans la Manche, les haras de pur-sang dans le pays d’Auge (plus de 50 p. 100 de l’élevage français), l’engraissement des porcs partout répandu, l’élevage industriel des volailles dans les plaines de l’Eure. Dans de grandes fermes mécanisées, les plaines de Haute-Normandie et de la Normandie centrale produisent aussi du blé, de la betterave sucrière, du lin, des pommes de terre.

Une telle richesse ne se traduit pas partout par de hauts revenus pour les agriculteurs. Les grandes fermes des plaines doivent compenser par la mécanisation la raréfaction de la main-d’œuvre. Les petites fermes d’élevage de l’ouest souffrent de l’isolement et du manque de surface ; les familles exploitantes, pour de maigres revenus, doivent consentir un travail de tous les jours. Les jeunes, refusant cette condition, quittent la terre. Entre 1962 et 1968, la population agricole a diminué de 20 p. 100 en Haute-Normandie et de 15 p. 100 en Basse-Normandie.

L’activité maritime complète, depuis longtemps, celle des paysans. La fortune de Rouen remonte au Moyen Âge, celle du Havre au xvie s. Entre Paris et la Manche (une des mers les plus fréquentées du monde), la Normandie maritime bénéficie d’une position privilégiée. La pêche n’atteint pas le volume des prises bretonnes. Cependant, Dieppe, Port-en-Bessin et Cherbourg se classent en bon rang parmi les ports français de marée fraîche, et Fécamp vient en tête des ports morutiers. Le Havre et Cherbourg ont reçu et reçoivent encore les grands paquebots transatlantiques assurant les relations avec l’Amérique du Nord. La concurrence de l’aviation réduit très sensiblement cette activité. Mais une nouvelle chance est donnée aux ports normands par le développement des passages quotidiens entre la France et la Grande-Bretagne. Surtout, le trafic des marchandises assure le succès de Rouen et du Havre, et, accessoirement de Dieppe et de Caen. Les ambitions de la Basse-Seine, trait d’union entre Paris et la mer, sont européennes. L’aménagement du fleuve fait de Rouen un port de mer accessible aux cargos de fort tonnage, tout en mettant ses quais en relation directe avec Paris par la navigation fluviale. Le Havre, en tête d’estuaire, développe un équipement d’accueil pour les minéraliers et les pétroliers géants de la fin du siècle. Le Havre se classe au deuxième rang des ports français, Rouen au quatrième.

La vieille province paysanne est devenue industrielle. En 1968, l’industrie occupait un peu plus de 420 000 personnes, 37 p. 100 de la population active, alors que l’agriculture ne retenait plus que 255 000 travailleurs, 22 p. 100.

Les industries métallurgiques et mécaniques regroupent environ le tiers des emplois industriels. La métallurgie lourde est anciennement représentée à Rouen et surtout à Caen. L’industrie automobile s’est implantée dans la Basse-Seine (Renault) et autour de Caen (Citroën, Saviem). S’ajoutent notamment les constructions électriques et électroniques des agglomérations de Rouen (Claret, Burroughs) et de Caen (Jaeger, Radiotechnique, Moulinex). Les industries du pétrole et la chimie emploient relativement peu de main-d’œuvre, mais par la valeur de leurs productions jouent un rôle de premier plan dans la Basse-Seine, qui peut être considérée comme un complexe pétrochimique de rang européen, le premier en France. Aux raffineries des grandes compagnies pétrolières implantées entre Rouen et Le Havre (Shell, Mobil Oil, Esso, C. F. R.-Total) s’ajoutent des usines pétrochimiques qui fabriquent des matières plastiques, du caoutchouc synthétique, des détergents et lubrifiants, etc. Au Havre et à Rouen, de puissantes usines fabriquent des engrais, de l’ammoniac, de l’acide sulfurique. Le textile, souvent archaïque dans ses techniques et ses structures, s’est rétracté au cours des vingt dernières années. Il survit actuellement dans quelques usines de moyenne importance autour de Rouen et de Flers et par l’implantation de nouvelles entreprises de confection, assez dispersées. La gamme des industries doit être complétée par les papeteries de la région rouennaise, par les industries du bois du Havre et du pays d’Auge, par les industries alimentaires associées aux activités agricoles.

La Normandie peut se présenter comme une grande région industrielle, mais non sans problème : malaises sociaux autour des mines de fer, des usines textiles, des chantiers de construction navale. D’autres branches ne sont pas à l’abri d’une évolution semblable. Les industries les plus modernes, automatisées, emploient beaucoup plus d’ouvriers spécialisés que de techniciens. Les entreprises échappent au capitalisme régional. Prolétarisée et dans une certaine mesure aliénée, comme d’autres régions, la Normandie devient un lieu de main-d’œuvre et de commodités techniques pour les grandes entreprises.