Nordeste (suite)
Une part importante de la population rurale de plus de six ans est analphabète, et le taux de mortalité infantile demeure élevé. La misère est d’abord le résultat de la structure traditionnelle de la production ; il ne s’y ajoute qu’un facteur supplémentaire et épisodique dans l’intérieur, quand une sécheresse particulièrement accentuée provoque l’émigration du prolétariat rural déjà très misérable.
Les villes
Les trois grandes villes sont des ports créés initialement pour servir de lien entre la colonie et la métropole portugaise : Salvador et Recife dépassent maintenant le million d’habitants, seuil dont Fortaleza approche. Elles concentrent l’essentiel des activités du tertiaire supérieur, maisons de commerce, banques, services de santé, universités. Grâce à un effort récent du gouvernement, elles connaissent actuellement un certain développement industriel, qui tente de résoudre le problème du sous-emploi. Pourtant, leur potentiel de production, non négligeable, semble presque dérisoire au regard de l’ensemble de l’économie et de la population de la région. En effet, la misère et la pression démographique de l’intérieur provoquent de grandes migrations vers ces villes, et une accumulation de gens pauvres qui dépasse de beaucoup les possibilités d’emplois du milieu urbain. Aussi les « bidonvilles » se multiplient-ils et portent-ils des noms significatifs : « invasões » à Salvador, « mocambos » à Recife. Dans cette dernière ville, approximativement le tiers de la population active n’a pas d’emploi permanent. En dehors de ces trois cités, le Nordeste compte un certain nombre de villes moyennes. Ce sont parfois d’anciens ports qui exercent toujours une fonction de capitale administrative, mais se sont trouvés en dehors des grands foyers de concentration de la vie économique moderne : tel est le cas de la ville d’Aracaju, capitale de l’État de Sergipe, ou celui de Maceió, capitale de celui d’Alagoas. Ce sont encore des villes de l’intérieur qui constituent des relais des grandes cités portuaires. C’est le cas en particulier des villes de foire, où le bétail est concentré avant son acheminement vers les zones de consommation des plaines littorales, les plus célèbres étant Feira de Santana à 120 km à l’intérieur de l’État de Bahia, au nord-ouest de Salvador, et Caruaru dans l’État de Pernambouc, à l’ouest de Recife. Éparses sur l’ensemble du Nordeste, de nombreuses petites villes constituent enfin des centres locaux dont les quelques magasins et bazars témoignent, par leur aspect et la nature des produits qu’ils offrent, de la pauvreté générale des habitants de leur zone d’influence. Assez semblables dans leur paysage, elles ne diffèrent que par leur nombre relatif dans l’espace, selon les densités humaines. Plus nombreuses dans la zona da mata, où les densités atteignent 50 habitants au kilomètre carré, elles se raréfient dans l’intérieur, où les densités tombent à moins de 10 habitants au kilomètre carré.
Le Nordeste pose de très graves problèmes à la nation. Cette grande région de la misère envoie de trop nombreux migrants vers les foyers industriels du Sud-Est, sans pouvoir, pour autant, nourrir convenablement ceux qui restent. Les tentatives d’industrialisation sont hors de rapport avec l’ampleur des besoins. Seule une profonde modification des conditions de travail imposées par la structure actuelle de l’économie agricole pourrait peut-être briser cet étau de la pauvreté auquel se heurtent jusqu’à maintenant les plans de la SUDENE, service fédéral chargé de l’aménagement du Nordeste.
M. R.
➙ Bahia / Brésil / Recife / Salvador.
J. de Castro, Geografia da fome (São Paulo, 1946, nouv. éd., 1961 ; trad. fr. Géographie de la faim, Éd. ouvrières, 1949, nouv. éd., Éd. du Seuil, 1964). / M. Correia de Andrade, A terra e o homen do Nordeste (São Paulo, 1963).