Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nigeria (suite)

L’implantation anglaise

En 1553, des vaisseaux britanniques avaient détruit les installations portugaises, et, dès lors, l’Angleterre avait peu à peu monopolisé sur les côtes du golfe du Biafra la traite des esclaves, jusqu’à ce que celle-ci fût entravée, puis supprimée à la suite du grand mouvement humanitaire qui traversa tout le xixe s. Les commerçants anglais, à partir de la côte, s’efforcèrent de pénétrer dans l’intérieur du Nigeria à la recherche de matières premières, et missionnaires et explorateurs se lancèrent aussi dans l’aventure. En 1849, John Beecroft fut nommé consul britannique à Fernando Poo pour surveiller les activités esclavagistes d’Ouidah, de Badagri, de Lagos et pour activer la pénétration dans la zone du delta (Oil Rivers).

Lagos était occupé en 1851, déclaré colonie en 1861 et ultérieurement agrandi d’annexions le long de la côte, par exemple de Badagri. Dans les Oil Rivers étaient jetées les bases des futurs protectorats, et des stations commerciales étaient installées sur le Niger. En 1879, sir George Goldie (1846-1925) organisait l’United African Company, qui, rapidement, supplantait les sociétés rivales, notamment françaises, et, nantie d’une charte royale (1886), devenait la Royal Niger Company. C’est elle qui allait administrer les pays érigés en protectorat de Lagos au Cameroun et amorcer la pénétration vers le nord en remontant le Niger. De 1897 date l’installation au Noupé, et de 1898 l’accord avec la France établissant des frontières. Après la disparition de la Royal Niger Company (c’est alors qu’apparaît pour la première fois le nom de Nigeria dans les débats parlementaires), ses territoires et ceux de l’ancien protectorat des Oil Rivers passaient en 1900 sous la juridiction du Colonial Office. En 1906, joints à la colonie de Lagos, ils devenaient colonie et protectorat du Nigeria du Sud, tandis qu’était créé un protectorat de la Région Nord, confié à un officier, Frederick Lugard (1858-1945). Les contours actuels étaient à peu près fixés. Mais une campagne de pacification s’avéra nécessaire : occupation de Kano et Sokoto en 1903, du Bornou en 1905 ; des taches d’insoumission demeurèrent jusqu’en 1920 sur le plateau de Jos et dans la vallée de la Bénoué.

Lugard allait appliquer à la zone ainsi soumise les principes de l’Indirect Rule, conservant les émirats musulmans et administrant à travers eux. En 1912, il obtint du Colonial Office la généralisation du système, et, en 1914, le Sud et le Nord fusionnèrent pour former la colonie et le protectorat du Nigeria, sous la direction d’un gouverneur général (Lugard occupa ce poste jusqu’en 1919). La capitale fut fixée à Lagos. Mais l’application de l’Indirect Rule, déjà difficile en pays yorouba, où la chefferie avait une signification essentiellement religieuse, se révéla impossible en pays ibo et ibibio. Un Conseil exécutif de hauts fonctionnaires et un Conseil législatif ouvert à des Africains nommés avaient été établis par Lugard auprès du gouverneur général ; à partir de 1923, certains membres du Conseil législatif furent élus.


L’essor

Dès 1910 se firent sentir les effets de mise en valeur du pays, notamment du développement agricole. L’huile de palme, les palmistes et le cacao assurent la prospérité du Sud, tandis que l’arachide et le coton assurent celle du Nord. Dès 1912, Kano était relié à Lagos par le chemin de fer, qui s’étoffa dans les années 30. L’expansion économique, stimulée notamment par les deux guerres et sans équivalent dans l’Afrique de l’Ouest, assura au Nigeria une grande stabilité politique et facilita l’accroissement démographique.

En juillet 1922, la Grande-Bretagne reçut de la Société des Nations mandat d’administrer les territoires camerounais conquis en 1916 sur l’Allemagne. Le Cameroun britannique fut administré à partir de 1924 comme partie intégrante du Nigeria. En 1947, un accord de tutelle entre la Grande-Bretagne et les Nations unies en confia l’administration à la Grande-Bretagne ; par un référendum en février 1961, le Cameroun britannique se partagea, le Nord demandant son rattachement au Nigeria et le Sud s’associant à l’ancien Cameroun français.

Le nationalisme nigérian, peu actif jusqu’à la Première Guerre mondiale, connut un important développement après 1945, grâce à l’action des partis politiques, des syndicats et de la presse, dirigés principalement par O. Awolowo (Yorouba), le docteur Azikiwe (Ibo) et, à partir de 1949, sir Ahmadu Bello (v. 1910-1966) pour le Nord, mais la conscience politique se développa surtout chez les Ibos, alors que les Yoroubas demeurèrent plus conservateurs et que le Nord envisagea de dominer le Sud dans un pays indépendant.

Les effets de la Constitution de 1945, qui entérina la division administrative du Nigeria en trois groupes de provinces (Nord, Ouest et Est) et consacra l’établissement d’une représentation parlementaire africaine, puis de celle de 1951 (Constitution Macpherson) qui mit sur pied un système de gouvernement représentatif à l’échelon régional et central, furent bloqués par les tensions tribales. La Constitution de 1954 (Constitution Lyttelton) organisa une fédération de trois Régions ayant leurs gouvernements, introduisit le suffrage universel pour l’élection de l’Assemblée fédérale et proposa l’autonomie complète aux Régions qui la demanderaient. Celle-ci fut proclamée pour l’Est et l’Ouest en août 1957, et pour le Nord seulement en mars 1959, l’indépendance de l’ensemble étant acquise le 1er octobre 1960.


L’indépendance

Aux élections de 1959 apparut fort bien la division tripartite du pays. Le chef du Northern People’s Congress, qui emportait le plus grand nombre de sièges, Abubakar Tafawa Balewa (v. 1911-1966), devenait Premier ministre fédéral, et le docteur Azikiwe (né en 1904) président du Sénat, puis, après l’indépendance, premier gouverneur général nigérian de la fédération. Le 1er octobre 1963, tout en restant dans le Commonwealth, le Nigeria devenait une république sous la présidence du docteur Azikiwe. La remarquable situation économique du pays, infiniment améliorée encore par la mise en exploitation, à partir de 1958, de considérables gisements de pétrole autour de Port Harcourt, et la formidable expansion démographique semblaient lui assurer le maximum de chances pour la réalisation harmonieuse de cette indépendance.