Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nigeria (suite)

Les royaumes du Nord

Les royaumes du Nord se mettent en place à partir du xie s. et entrent dans la mouvance de l’islām avec la conversion d’Houmé (1085-1097), souverain du Kanem. Ce royaume, dont l’extension maximale au xive s. va du Kano à l’Ouadaï, s’affaiblira à la suite de troubles intérieurs, favorisant la croissance des royaumes haoussas* et notamment de ceux de Zaria et surtout de Kano, dont la dynastie embrasse à son tour l’islām au xive s. L’apogée se situe sous le règne de Mohammed Rimfa (1463-1499), notamment au point de vue intellectuel (influence de Tombouctou). Le Kano sera éclipsé au siècle suivant par la renaissance du Bornou*, où l’islamisation semble avoir connu des périodes de recul. Kano, Katsina et Zaria vont passer — pour peu de temps d’ailleurs — sous la suzeraineté de Gao, tandis que le Kebbi secoue le joug songhaï*. La défaite de la dynastie des Askia à Tondibi (1591) va laisser face à face Kano et Katsina, qui ne cessent de s’affronter pour le contrôle du commerce transsaharien. Le Kanem-Bornou, réorganisé par ‘Alī, puis par son fils Idrīs (1504-1526), connaîtra peu après le grand règne d’Idrīs Alaoma (1571-1603), et la vieille dynastie des Sef (ou Sayfīya) durera jusqu’en 1846. Si le Bornou semble bien avoir été depuis le xvie s. un centre de rayonnement ininterrompu de l’islām, celui-ci connaît une phase de régression au xviie s. dans les États haoussas, avec l’effacement de Katsina devant le Gober, où règne une dynastie à tendance animiste. C’est dans ce milieu, où les Peuls* musulmans constituent la classe des lettrés, que va naître le mouvement réformateur visant à une purification de l’islām, à un retour aux sources. Il en découle la révolte peule et la guerre sainte menée à partir de 1802 par le marabout Ousmane dan Fodio († 1817), puis par ses fils Mohammed Bello, pour l’Est, et Abdullahi, pour l’Ouest. Ainsi se constitue un État théocratique centralisé, avec Sokoto comme capitale, destiné à imposer partout l’islām, mais aussi un pouvoir peul (contrôle des marchés et des caravanes, notamment d’esclaves). Ousmane dan Fodio, qui a pris le titre de « Commandeur des croyants », attaque d’abord le Gober, puis Zaria. Les anciens sultanats haoussas de Kano et de Katsina tombent en 1807.

Vers 1830, l’Empire peul, organisé en provinces, couvre, sauf le Bornou, tout le nord du Nigeria actuel, y compris le Noupé (ou Nupe), jusque vers Ilorin au sud-ouest et l’Adamaoua au sud-est. Remarquablement administré par Mohammed Bello (1817-1857), par ailleurs fin lettré et théologien, il voit naître, à la mort de ce dernier, des oppositions à l’autorité de Sokoto. Cependant, le cheikh Mohammed al-Kanemi (Muḥammad al-Amin al-Kānāmī) maintiendra la vieille puissance bornouane face aux Peuls et, en 1846, à la suite d’une tentative du dernier représentant des Sef pour l’évincer, montera sur le trône. Sa propre dynastie sera renversée en 1893, et le Bornou occupé par Rabah.


Les royaumes du Sud

Les débuts de l’histoire du Sud sont très flous. Des légendes des Yoroubas* relatent des migrations en provenance du nord et du nord-est, qui, pour effectives qu’elles semblent avoir été, n’en sont pas moins difficiles à préciser. Les royaumes d’Oyo et de Bénin*, dont le centre religieux et culturel commun était Ife*, apparaissent vers le xiie s. ; on date volontiers l’apogée de la sculpture d’Ife et l’introduction de la technique du bronze au Bénin des xiiie et xive s., mais les interprétations varient. Le xve s. voit l’expansion territoriale des deux royaumes surtout celui d’Oyo, notamment chez les Ibos* à l’ouest du Niger. L’alafin d’Ife imposait sa domination, à travers une organisation politique complexe, mais centralisée, à tout le pays aujourd’hui peuplé de Yoroubas par l’intermédiaire d’une série de rois eux-mêmes contrôlés par des fonctionnaires royaux. Au xvie s., le royaume de Bénin s’étendait de Lagos à Bonny, et une armée très structurée lui donnait le contrôle de la majeure partie de la côte. À la tête du royaume se trouvait l’oba, qui détenait pouvoir politique et pouvoir religieux. Il était relayé par des uzamas héréditaires et les chefs de ville, et les rapports n’étaient pas toujours faciles. Comme dans le pays d’Oyo, la civilisation urbaine s’établissait, et la hiérarchie des villes reflétait celle de l’organisation politique.

Les Portugais parvinrent aux côtes du Bénin en 1472, et la ville de Bénin fut visitée pour la première fois en 1486 sous le règne de l’oba Ewuare. Des relations politiques et surtout commerciales s’établirent immédiatement, notamment à partir de São Tomé, portant essentiellement sur la traite des esclaves et accessoirement sur le poivre, l’ivoire, etc. Les Portugais prirent aussi contact avec les peuples du delta du Niger, Ijos, Ibibios et Ibos, qui vivaient en petits villages de 500 à 1 000 habitants, même moins, parfois regroupés en fédérations. Le développement de la traite entraîna l’organisation de ces peuples en communautés marchandes. La culture portugaise et les missionnaires catholiques pénétraient dans tout le sud du Nigeria.

Cependant, le royaume d’Oyo continuait à s’étendre à l’ouest jusqu’au Togo, le Dahomey ayant fini, à la suite de plusieurs campagnes, par lui payer tribut, et le Bénin poursuivait son existence tout au long du xviie s., malgré des secousses internes périodiques. Plus tard, le royaume d’Oyo, à la suite de l’affaiblissement du pouvoir royal, fut déchiré par les guerres civiles, et les provinces éloignées devinrent autonomes les unes après les autres. Les petits royaumes du delta, entièrement dépendants du commerce européen, passèrent sous le contrôle de plus en plus centralisé de la société des Egbas. L’installation des Peuls à Ilorin, tout près d’Oyo et dans la zone d’où les alafins tiraient leurs chevaux pour la guerre, prit un tour menaçant ; la vieille capitale fut occupée, et l’alafin tué en 1835. Dès lors, le royaume se démantela en une série d’États : Ibadan, l’État egba avec Abeokuta, Ijaye, Ijebu... Par ailleurs, la poussée des Peuls s’exerçant de façon constante, ces pays yoroubas s’orientèrent davantage vers la côte et intensifièrent leurs relations avec les Européens.