Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Niger (suite)

Une république continentale

Son enclavement confère au Niger un indéniable handicap de situation. Sa création résulte du désir des Français de relier leurs possessions par le lac Tchad et de la volonté britannique de ne « laisser au coq gaulois que le sable à gratter ». Ce sont les accords franco-britanniques des années 1904-1906 qui ont donné au Niger sa configuration définitive entre des frontières rectilignes, donc artificielles, puisque certains groupes ethniques, tels les Haoussas, ont été arbitrairement tronçonnés. Le choix de Niamey pour capitale, en 1926, est symptomatique de cet enclavement : en dépit de l’excentricité de sa position, Niamey offre en effet l’avantage d’être située au débouché du Niger utile vers le reste de l’ancienne A.-O. F.

Le caractère tardif de la présence française s’explique essentiellement par l’éloignement, car le Niger est à l’écart des grands courants commerciaux. Ce pays est tributaire des États côtiers, auxquels il emprunte leur système de relations. Deux voies principales lui permettent de communiquer, par le sud, avec le monde extérieur : la voie nigériane (route de Maradi ou Zinder à Kano, tête de ligne des Nigerian Railways, 1 410 km) ; la voie dahoméenne (Niamey à Cotonou, 1 060 km dont 438 de rail).

La voie dahoméenne a connu un remarquable essor à partir de 1954, à la suite de la réduction des possibilités de transit à travers le Nigeria. Elle assure aujourd’hui la quasi-totalité du commerce extérieur du Niger, et le réseau ferré du Dahomey est la propriété de l’Organisation commune Dahomey-Niger. L’éloignement des ports les plus proches et les ruptures de charges affectant l’acheminement grèvent lourdement les prix. La continentalité du Niger l’enchaîne aux pays qui le bordent, notamment à son puissant voisin nigérian, avec lequel ont été conclus des accords de coopération bilatéraux.

L’éloignement explique que le Niger ait connu une mise en valeur plus réduite que les États côtiers, une sous-colonisation relative. Le Niger était le pays le plus défavorisé de l’A.-O. F., à l’aube de l’indépendance ; ses rares exportations n’ont longtemps porté que sur des hommes, et il contribuait ainsi au développement des économies côtières. Une émigration saisonnière se poursuit vers le Ghāna, la Côte-d’Ivoire et le Nigeria (plantations de café, de cacao ou mines). Le Niger n’a retiré qu’un héritage limité de la période coloniale en raison de l’insuffisante rentabilité de l’exploitation des produits agricoles ou miniers au regard des frais de transport. « La seule richesse dont les hasards de la colonisation ont doté en surabondance la République est l’étendue. » Face à ce problème des distances, l’insuffisance de l’infrastructure des communications est évidente et contribue à grever davantage les produits importés : en 1960, une tonne de ciment était vendue 6 000 francs CFA à Dakar, 14 000 à Niamey, 24 000 à Agadès et 64 000 à Bilma. Le Niger n’a ni voies ferrées ni voies fluviales, et c’est le pays d’une seule route, l’axe Tillabéri-Zinder, ou « route de l’arachide », qui irrigue le Niger utile, le reste du pays étant desservi dans des conditions précaires. Par-delà les handicaps inhérents à cette sous-colonisation, l’héritage est moins contraignant que dans les pays côtiers, et les choix économiques apparaissent dès lors moins prédéterminés.


Une économie en gestation

Le Niger réunit contre lui une telle somme d’adversités qu’il est permis de s’interroger sur ses chances réelles de développement. Mais les progrès réalisés depuis l’indépendance ne sauraient être sous-estimés.

Dans ce pays à vocation fondamentalement agro-pastorale, l’agriculture reste la base principale de l’économie. Sur les 3,6 p. 100 cultivés du territoire, plus de la moitié revient au mil et au sorgho, bases de l’alimentation. Leur production est très fluctuante, et la disette peut temporairement survenir en cas de sécheresse prononcée. Le développement des cultures irriguées, moins sensibles aux aléas climatiques, est vivement encouragé : ceintures maraîchères de Niamey et Zinder et, surtout, culture du riz, dont la production a décuplé en dix ans autour de Tillabéri. L’amélioration des rendements est également recherchée, afin de libérer des superficies pour les cultures de rapport. Parmi celles-ci, l’arachide est la principale source de revenus. Cultivée dans le sud-est du pays, elle est commercialisée par la Sonara, société d’économie mixte, sur la base d’un prix d’achat fixé en début de campagne et garanti par une caisse de stabilisation. Devant la dégradation des cours mondiaux, le Niger recherche, avec les autres producteurs groupés au sein du Conseil africain de l’arachide, les grandes lignes d’une politique commune, et il encourage l’essor d’autres cultures de rapport : oignon, tomate, tabac et surtout coton. Implanté par la C. F. D. T. (Compagnie française pour le développement des fibres textiles) en 1956, celui-ci a connu depuis un remarquable développement.

Le Nord offre de vastes terrains de parcours au cheptel : plus de 14 millions de têtes, essentiellement des bovins (5 millions, soit deux fois plus qu’en 1960) et des caprins (6 millions). D’amples perspectives pourraient s’ouvrir avec le développement de l’exportation de viande, surtout vers l’Europe. Le troupeau est également exploité pour la production de cuirs et peaux (chèvre de Maradi). Une série de mesures vise à l’amélioration du secteur agricole dans son ensemble : recherches dans le domaine hydraulique, mise en place d’un système coopératif et d’un service d’animation pour la vulgarisation des techniques modernes.

Mais l’avenir de l’agriculture passe nécessairement par la valorisation de ses produits et se trouve donc lié à l’industrialisation. La sous-colonisation était manifeste dans le domaine industriel à l’aube de l’indépendance. L’effort de l’État (l’industrie fournit aujourd’hui 7 p. 100 du P.N.B.), dans le cadre de sociétés d’économie mixte, a porté en priorité sur les industries en aval des activités agricoles et sur les branches permettant de réduire la part des importations. Le Niger possède ainsi trois ateliers de décorticage, deux huileries, une rizerie et des abattoirs. Le coton est égrené dans trois usines, dont la capacité de traitement couvre largement les besoins de l’usine de Niamey, la Nitex, intégrée du stade de la filature à celui de la finition. La part des textiles dans les importations (23 p. 100 avant la création de la Nitex en 1969) se trouve ainsi réduite. Cette volonté d’autonomie se retrouve dans l’installation en 1967 d’une cimenterie à Malbaza, justifiée en apparence par la présence de matières premières locales, mais d’une rentabilité douteuse, car elle se trouve à 460 km de Niamey. Malgré ces progrès, l’industrialisation reste confrontée à un certain nombre de difficultés : coût des transports, exiguïté du marché national, faiblesse du potentiel énergétique, et surtout problème financier, que le gouvernement espère résoudre grâce aux revenus de l’exploitation du sous-sol.