Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nicola et Giovanni Pisano (suite)

Nicola Pisano rénove ensuite l’autel de San Iacopo dans la cathédrale de Pistoia, puis participe à la Fonte Maggiore de Pérouse, avec Giovanni, en 1277-78. S’il n’est pas complètement l’auteur de cet étonnant monument, sa dernière œuvre connue, le parti général lui revient : division en trois plans, forme polygonale des deux principales vasques, emploi de statues-colonnes qui marquent le rapport sculpture-architecture. Au bassin inférieur, l’artiste a représenté les mois avec les travaux qui s’y rapportent, les signes du zodiaque qui y président et les arts libéraux. On peut lire les suggestions de l’art français (celui des ivoires en particulier) dans les attitudes simplifiées et pleines d’énergie des personnages. Giotto* saura développer ce nouveau rapport de la figure avec l’espace.


Giovanni Pisano

(? v. 1248 - enterré à Sienne apr. 1314).

Formé auprès de son père Nicola, il est d’un tempérament différent : son œuvre dément et continue à la fois la leçon des grandes découvertes paternelles. Après sa collaboration à la Fonte Maggiore de Pérouse, il participe à la décoration extérieure du baptistère de Pise. Suit un long séjour à Sienne, dont il devient citoyen en 1285 ; sa présence en tant que capomaestro de la façade de la cathédrale est documentée jusqu’en 1296.

S’il est difficile de trancher entre les premières œuvres de Giovanni et celles de son père, la série de figures qui couvrent la façade de Sienne révèle son sentiment nouveau de la ligne. Deux personnages féminins, une sibylle et Marie, sœur de Moïse, adhèrent à l’expression gothique par la liberté de leurs mouvements, leurs visages qui se tournent. Après l’abandon subit du chantier de Sienne, Giovanni devient capomaestro à Pise.

Trois commandes importantes, à côté de statues diverses, marquent ensuite son parcours. Dans la chaire de l’église Sant’Andrea de Pistoia (1297-1301), il reprend le modèle donné à Pise par son père. Mais le programme iconographique du Massacre des Innocents, par exemple, est interprété avec une charge dramatique qu’exaltent les postures et le contraste des ombres et des lumières. Giovanni met aussi l’accent sur la réalité physiologique des sentiments. De 1302 à 1310, il sculpte la chaire de la cathédrale de Pise, et en 1312-13, à Gênes, le tombeau de Marguerite de Brabant (fragments au Palazzo Bianco). Dans une invention iconographique personnelle, il fait émerger la défunte d’un sarcophage. L’œuvre est traitée, cette fois, dans une tradition classique qui rejoint l’art de Nicola.

N. B.

 G. Nicco Fasola, Nicola Pisano (Rome, 1941). / M. Ayrton, Giovanni Pisano (Braun, 1974).

Nicolas Ier

En russe Nikolaï Ier Pavlovitch (Tsarskoïe Selo, près de Saint-Pétersbourg, 1796 - Saint-Pétersbourg 1855), empereur de Russie de 1825 à 1855.


Huitième enfant et troisième fils du tsar Paul Ier, il a cinq ans quand l’assassinat de son père fait de son frère Alexandre Ier* l’empereur de toutes les Russies. Son éducation, très militaire, est menée à l’allemande par le comte M. I. von Lambsdorff. En 1814, puis en 1815, le grand-duc Nicolas est au quartier général allié à Paris. Il voyage ensuite à travers l’Europe avant d’épouser, en 1817, Charlotte de Prusse (Aleksandra Fedorovna, 1798-1850) : ce mariage se situe dans la ligne de l’admiration que Nicolas manifestera constamment à l’égard du militarisme prussien. Menant au sein de sa famille (le futur Alexandre II* naît dès 1818) une existence paisible, Nicolas est peu mêlé aux affaires publiques ; mais il s’intéresse de près aux établissements d’éducation militaire.

Alexandre Ier étant sans enfants, l’héritier du trône est son frère puîné, Constantin (1779-1831). Mais, quand meurt le tsar, le 1er décembre 1825, et alors que Nicolas proclame tsar Constantin, on apprend que celui-ci a renoncé secrètement au trône dès 1822. Informé tardivement, Nicolas, dont l’autoritarisme est peu goûté par les jeunes officiers russes, hésite à assumer le pouvoir tant que son frère n’a pas fait acte public de renonciation. Un curieux interrègne de trois semaines s’ensuit, qui favorise (déc. 1825) un soulèvement militaire (dit « des décabristes » [du russe dekabr, « décembre »]) influencé par les idées libérales venues de France et qui soutient la candidature de Constantin, réputé favorable à une constitution. Nicolas, le 26 décembre, doit faire face, à Saint-Pétersbourg, à tout un régiment mutiné ; il a finalement raison des mutins, qui sont durement traités.

Couronné à Moscou le 3 septembre 1826, puis (comme roi de Pologne) à Varsovie le 24 mai 1829, Nicolas Ier, qui se rend compte de l’impopularité du régime tsariste et des abus administratifs et sociaux inhérents à ce régime, fait procéder, dès le début de son règne, à une vaste enquête sur l’état de l’Empire. Mais les mouvements révolutionnaires de 1830 en Europe étouffent dans l’œuf toute velléité de réformes.

Si bien que les trente années du règne de Nicolas Ier sont marquées par tous les excès de l’autoritarisme tsariste, excès que les trois derniers tsars paieront cher. Partout est renforcée la contrainte bureaucratique et policière : la chancellerie intime double en fait les ministères responsables, les universités sont surveillées, les révoltes des serfs impitoyablement écrasées, l’élection des administrations locales est réservée à la noblesse, les frontières s’ouvrent peu aux amateurs de voyages, les minorités religieuses (uniates, catholiques) sont brutalement pressées de rejoindre l’Église orthodoxe. Quant aux allogènes de l’Empire, ils subissent les conséquences d’une lourde politique de russification et de centralisation ; c’est vrai en particulier pour la Pologne, qui, soulevée en 1830, finit par succomber (sept. 1831) et est réduite — elle à qui Alexandre Ier a donné une certaine autonomie — au rang de province russe.