Nezval (Vítězslav) (suite)
Plusieurs recueils des années 20 sont de la première veine, surtout le Pont (Most, 1922), Pantomima (1924), où nous assistons aux métamorphoses du poète, successivement cocher, garçon de café, marin..., la Petite Roseraie (Menší růžová zahrada, 1926), où transparaît aussi la mystique de la transformation du monde par la science, les Jumeaux (Blíženci, 1927).
Le poème scientiste à la gloire d’Edison (1928), souvent présenté comme le chef-d’œuvre de Nezval, Akrobat (1927), pièce typiquement surréaliste glorifiant le courage, l’aventure, l’esprit révolutionnaire, furent rattachés en 1930 au cycle des Poèmes nocturnes (Básně noci), qui se relient surtout aux deux dernières formes d’inspiration et furent écrits entre 1921 et 1929. Il convient d’y joindre le Manteau de verre (1931), qui contient notamment une complainte sur la mort d’Edison et diverses poésies sociales de facture très surréaliste. Nezval a affectionné les titres symboliques : dans le volume de ses œuvres complètes paru en 1951, il groupe des poèmes écrits entre 1927 et 1932 sous la rubrique Poèmes de la lumière diurne et de la lueur lunaire (Básně denního světa a měsíčního svitu). D’autres fois, l’esprit s’épuise à chercher le sens de certains titres, comme pour sa Prague aux doigts de pluie (Praha s prsty děstě, 1936). Certaines images reviennent fréquemment : le pantin, l’acrobate, le marin, la grande ville. La poésie de Nezval continue d’un côté le futurisme et le dadaïsme, pousse à l’extrême les principes impressionnistes et se meut volontiers dans le monde onirique du surréalisme. Son scientisme lui confère quelquefois un souffle épico-lyrique. Le ton élégiaque n’est pas absent de certaines pièces de la veine « nocturne ». Sa qualité dominante paraît bien être l’imagination.
La poésie tchèque contemporaine doit beaucoup au Nezval de l’entre-deux-guerres. Dans la mesure et dans les périodes où elle peut se livrer librement à ses recherches, c’est encore presque toujours aux procédés surréalistes si brillamment illustrés par Nezval qu’elle a recours.
Y. M.
A. Jelínek, Vitězslav Nezval (en tchèque, Prague, 1961).