Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arabie Saoudite (suite)

Le berceau de la puissance wahhābite n’était, avant les conquêtes de ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd, qu’une modeste cité comptant 20 000 à 30 000 habitants, enfermée dans ses murailles de pisé, au milieu d’une palmeraie irriguée par puits, dans la vallée du wādī Ḥanīfa. Entre les deux guerres mondiales, des faubourgs de Bédouins sédentarisés et quelques quartiers de villas hors des murs avaient commencé à se développer. Mais ce n’est qu’en 1938 que le roi déplaça lui-même son palais hors de l’enceinte, imité bientôt par les très nombreux princes de la famille royale. Les nouveaux quartiers construits à cette époque, et qui abritent à peu près le double de la population de la vieille ville, conservaient encore les traditions architecturales du Nadjd. Mais, après la Seconde Guerre mondiale, une impulsion décisive fut donnée à la modernisation par ibn Sa‘ūd.

L’arrivée du chemin de fer en 1951 fut le tournant essentiel de la transformation, dont le signal fut donné par la construction du palais-parc de Nasiriya, réservé d’abord au prince héritier et aux hôtes royaux, autour duquel s’est développé un réseau de voies au plan géométrique pour la liaison avec la vieille ville et avec le quartier de la gare. Parallèlement fut entamée la destruction systématique de la vieille ville, dont les murailles avaient déjà plus ou moins cédé, et il est symbolique que la Grande Mosquée, cœur de l’histoire wahhābite, ait été la première victime. Le centre fut rasé, et des rues convergeant vers une place centrale, où s’élevait la nouvelle mosquée, s’animèrent bientôt de boutiques nouvelles, constituant un centre commercial d’aspect moderne. Les maisons en dur remplacèrent les vieilles constructions de pisé. Un seul monument, le château de Mismak, construit il y a près d’un siècle, a survécu à ce zèle « iconoclaste ». Peu de cités musulmanes ont connu, en dehors de pays directement soumis à l’influence occidentale, des transformations aussi radicales. La ville s’est démesurément étendue le long des larges voies qui ont troué la palmeraie aujourd’hui à peu près totalement abattue. Elle couvre près de 100 km2 et compte environ 300 000 habitants. L’alimentation en eau a pu être assurée, grâce à des conduites venant au wādī Ḥanīfa, par les vieux puits maintenant mécanisés et par des puits artésiens de forte capacité.

Ces bouleversements extérieurs n’ont pas été sans s’accompagner d’une évolution de l’atmosphère urbaine. Le temps du rigorisme wahhābite, où toute la vie s’arrêtait à l’heure de la prière, tandis que les zélateurs parcouraient les rues pour presser les retardataires de gagner la mosquée, est révolu. Une mentalité assez indifférente, sinon tolérante, lui a succédé. Les autochtones ont gardé le plus souvent le costume traditionnel, mais les étrangers, vêtus à l’occidentale, sont de plus en plus nombreux. Cafés et restaurants sont apparus, et les femmes commencent à sortir. La vie n’est plus sensiblement différente de celle des autres capitales musulmanes du Moyen-Orient.

X. P.


L’économie

L’agriculture et l’exploitation pastorale demeurent à peu près exclusivement de type traditionnel, fondées sur les cultures céréalières (blé, orge et surtout sorgho) et le palmier-dattier dans les oasis, sur les dromadaires et le petit bétail chez les nomades. Les essais de modernisation (fermes modèles) sont encore très limités, n’ayant pas dépassé le stade des expériences locales.

Le pèlerinage vers les lieux saints de l’islām était naguère la principale source de revenus pour le pays, en même temps que l’occasion quasi unique de contacts avec le monde extérieur. Effectué par caravanes pendant plus d’un millénaire, puis surtout par mer au xixe s., le pèlerinage fut la raison majeure de la construction par le sultan Abdülhamid, dans le cadre de sa politique panislamique, du chemin de fer du Hedjaz, dont le fonctionnement fut interrompu par la Première Guerre mondiale et dont la remise en service a été récemment entreprise. La voie aérienne apparaît après la Seconde Guerre mondiale. Le nombre total de pèlerins peut atteindre 1 500 000 par an (dont une grande partie en provenance de l’Arabie Saoudite elle-même). Mais les taxes de pèlerinage proprement dites ont été supprimées en 1952, et, dès 1953, les ressources du pèlerinage ne constituaient plus que 7 p. 100 des recettes de l’État en devises. Elles sont devenues négligeables à côté de celles que procure le pétrole.

Les conséquences humaines du pèlerinage ont néanmoins été très importantes, en particulier sur la physionomie des villes du Hedjaz, qui sont d’aspect très cosmopolite et constituent le premier îlot de modernisation du pays. La Mecque et surtout Djedda ont un aspect très différent de celui des villes musulmanes traditionnelles, un plan géométrique avec de larges rues adaptées à la circulation facile des foules, qui s’oppose au dédale habituel des cités islamiques. D’autre part, elles sont bâties depuis longtemps de maisons en hauteur (généralement très rares dans l’islām), véritables immeubles locatifs par appartements, à baies largement ouvertes sur la mer à Djedda, destinées à loger les pèlerins. Leur conception ne différait déjà pas sensiblement de celle des immeubles modernes qui leur succèdent aujourd’hui.

Le pétrole est en fait la seule ressource importante du pays. Les gisements sont localisés dans la région nord-orientale, le Ḥasā, à proximité du golfe Persique, et dans l’arrière-pays immédiat, entre Qaṭar et Koweït. Ils ont été longtemps la propriété de l’ARAMCO (Arabian American Oil Company), qui a réuni, avec la Standard Oil of New Jersey (30 p. 100) et la Socony Vacuum (10 p. 100), la California Arabian Standard Oil Company (60 p. 100), elle-même résultat de l’association de la Texas Oil et de la Standard Oil of California. Un pipe-line (fermé en 1970) à travers le désert a évacué le pétrole vers le port de Ṣaydā, au Liban. La production a dépassé 410 Mt en 1974.