Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

New York (suite)

Les New-Yorkais n’ont été que modérément partisans de la rupture avec la Grande-Bretagne, par loyalisme et par intérêt. Mais l’indépendance, qui fait de la ville la capitale provisoire des jeunes États-Unis, marque le début de leur fortune, et celle-ci ne cesse de s’accroître grâce aux activités du port. Les commerçants de New York achètent les produits textiles anglais et transportent en Europe le coton du Sud. Des lignes régulières (les packets) assurent ce trafic sans interruption et ajoutent à leurs activités commerciales le transport des assagers.

En 1825, l’ouverture du canal de l’Érié, exploitant la Water Level Route de l’Hudson-Mohawk, fait de New York le centre d’exportation des blés du Middle West. Les relations du port avec le reste du pays se développent : des caboteurs distribuent dans le Sud les produits manufacturés venus d’Europe et reviennent chargés de coton ; des péniches assurent la liaison avec les Grands Lacs et le bassin du Mississippi. À partir de 1850, les chemins de fer confèrent à New York un atout de plus. Les capitaux qui proviennent du commerce extérieur sont investis dans le commerce de gros et de détail, dans les assurances, dans l’industrie (confection, fonderie, métallurgie, chaussures, ameublement, raffinage du sucre, brasseries). Les banques de Wall Street l’emportent bientôt sur celles de Philadelphie. En 1817, le Stock Exchange s’ouvre ; en l’espace d’une vingtaine d’années, il accapare la plus grande partie du marché national des titres. Les voiliers rapides qui battent les records de vitesse sur l’Atlantique franchissent aussi le cap Horn pour atteindre la Californie et l’Extrême-Orient.

En 1860, les constructions s’étendent dans Manhattan jusqu’à la limite sud de Central Park. La population continue d’être cosmopolite ; des immigrants de toutes origines, en particulier des Allemands et des Irlandais, transitent par la ville ou s’y installent dans les quartiers nationaux, où ils ont leurs écoles, leurs magasins, leurs églises, leurs organisations politiques. Plus de 33 000 personnes vivent dans l’île en 1790, 515 394 en 1850, 830 000 en 1860, et l’agglomération passe de 336 000 habitants en 1820 à 1 627 000 en 1860. De l’autre côté de l’East River, Brooklyn forme une commune indépendante qui compte près de 300 000 habitants à la veille de la guerre civile. Dans l’ensemble de l’agglomération, les Noirs constituent une très petite minorité, à peine 2 p. 100 du total.

De 1860 à la fin du siècle, une croissance extraordinaire se manifeste dans tous les domaines. Des industries apparaissent ou se développent. C’est le cas de la confection (organisée vers le milieu du siècle, mais appelée à devenir la principale industrie new-yorkaise avec l’arrivée massive des Juifs, surtout à partir de 1880) et celui des industries de biens de consommation comme l’ameublement et la fabrication d’articles en cuir (chaussures entre autres). La métallurgie secondaire et la construction mécanique prennent une grande importance (tréfilerie, quincaillerie, machines à vapeur, machines pour l’industrie de la confection et de la chaussure, ces dernières concurrençant celles de Nouvelle-Angleterre). Le trafic du port est en progrès constants ; New York importe des vivres et des matières premières ; les exportations, limitées à cette époque par la demande intérieure, comprennent quelques articles manufacturés et les denrées agricoles d’un arrière-pays étendu à la région des Grands Lacs. La place manquant à Manhattan pour la manutention des marchandises, les aménagements portuaires gagnent Brooklyn et la rive new-jersaise de l’Hudson, reliée par « ferries » à Manhattan. L’extension du réseau ferroviaire, surtout à partir des années 60, a pour effet de concentrer de plus en plus le commerce à New York ; terminaux ferroviaires ou gares de triage sont construits à Manhattan et principalement sur la rive du New Jersey.

Durant la même période, la population s’accroît à un rythme très rapide, New York retenant une grande partie des immigrants qui passent par son port (presque unique point d’entrée pour eux), notamment à partir de 1890. En effet, Irlandais exceptés, une fraction seulement des immigrants d’avant 1890, en majorité allemands, scandinaves et anglo-écossais, restait à New York, les autres gagnant les campagnes et les villes du Midwest, tandis qu’après cette date le courant d’immigration comprend de plus en plus de Méditerranéens et de Slaves, qui, faute de moyens pour aller plus loin, se fixent à New York (et dans les grandes villes de l’Est). L’agglomération, qui rassemblait 2 800 000 habitants en 1880, en a 5 050 000 en 1900 (dont 3 440 000 à New York).

L’aire urbanisée s’est étendue en conséquence. À partir de 1870, à la suite de la construction de lignes de tramways surélevées (Elevated) sur les avenues de Manhattan, l’espace bâti, qui atteignait alors la 59e rue, progresse rapidement de part et d’autre de Central Park jusqu’à la plaine de Harlem. Les immigrants de la première génération s’établissent par quartiers ethniques à Manhattan, tandis que les Américains de plus vieille date préfèrent les quartiers résidentiels de Brooklyn (relié à Manhattan par le « pont de Brooklyn » depuis 1883) et de Queens, ainsi que la rive new-jersaise (Jersey City, Hoboken).

L’avènement du métro souterrain en 1904 et 1905, qui complète et remplace partiellement l’Elevated, marque le début d’une ère nouvelle. L’IRT (Interborough Rapid Transit) et le BMT (Brooklyn Manhattan Transit) ouvrent des lignes qui réunissent le Bronx à Queens et Brooklyn en passant par Manhattan. L’une d’elles, la Seventh Avenue Broadway Line, mesure 36 km de longueur, de South Brooklyn au parc Van Cortlandt (Bronx). Grâce au métro, l’aire urbaine s’étend ainsi dans le Bronx et dans l’est de Queens et Brooklyn, que trois nouveaux ponts jetés sur l’East River entre 1900 et 1914 contribuent à mieux souder à Manhattan.