Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arabie (suite)

Ainsi s’explique l’apparition dans l’Arabie méridionale, par opposition au désert qui couvre la plus grande partie de la péninsule, d’un paysage végétal intertropical, lié à ces pluies estivales. Des arbres ou arbustes épineux des climats sahéliens et soudanais, les arbres à myrrhe et à encens, des arbres fruitiers tropicaux comme le caféier et le qat, dont les feuilles, mâchées, constituent au Yémen un excitant très utilisé, en sont les éléments principaux. Il y a encore des traces de véritables forêts, vers le nord, jusque dans l’‘Asīr.


Populations et genres de vie

Le nom même des populations « arabes », qui ont donné son nom à la péninsule, reste d’origine mystérieuse, mais il a pris de bonne heure une signification sociale et économique qui exprime la prédominance d’un genre de vie bien défini. « Arabe » s’applique en effet essentiellement aux populations de pasteurs bédouins, éleveurs de dromadaires et de petit bétail, qui nomadisent dans les régions désertiques.

Les tribus bédouines, apparues dans le nord du désert arabo-syrien, peut-être renforcées aux premiers siècles de notre ère par des populations refoulées dans le désert par la colonisation romaine, vont peu à peu occuper tous les déserts de la péninsule et y répandre les dialectes arabes, nés dans les parties septentrionales du désert, repoussant vers le sud des populations primitives qui y parlent encore aujourd’hui des langues sémitiques non arabes (en particulier les Qarā’ dans le Ẓufār, entre l’Hadramaout et l’Oman). À partir des premiers siècles de notre ère, on voit les tribus bédouines constituer un danger sérieux pour les États sédentaires — beaucoup plus anciennement florissants — de l’Arabie Heureuse, qui avaient fondé leur fortune en particulier sur le commerce de l’encens vers le monde gréco-romain. La destruction du barrage de Mā’rib, au Yémen, marqua au vie s. de notre ère cette extension ultime de la menace bédouine ; les régressions qu’elle provoqua ne trouvèrent alors leurs bornes que dans les reliefs montagneux du Sud et du Sud-Ouest, où les pluies et l’altitude permirent la résistance des sédentaires.

Deux types fondamentaux d’occupation humaine se partagent ainsi l’Arabie. La plus grande partie, au nord, au centre et au sud-est, a été dominée jusqu’à l’époque contemporaine par les Bédouins et par les pouvoirs politiques qui en sont issus. Le type principal de nomadisme est caractérisé par de grandes migrations nord-sud entre le Grand Nufūd, où se passe l’hiver, et les franges septentrionales du désert, où se passe l’été. Sur les marges orientales de la péninsule, les tribus oscillent entre les côtes du golfe Persique, en été, et les ergs intérieurs, où l’on passe l’hiver. Ce type se retrouve sur la côte occidentale, où les tribus oscillent entre la Tihāma et les massifs montagneux, et dans le sud-est de la péninsule (migrations des plateaux intérieurs vers le Rub‘al-Khālī). Les grandes confédérations bédouines du centre et du nord ont, jusqu’à l’époque actuelle, toujours plus ou moins contrôlé les oasis de l’Arabie intérieure, localisées notamment à la périphérie des ergs, et parfois les villes saintes du Hedjaz.

L’Arabie Heureuse, de l’Oman au Yémen et à l’‘Asīr, reste au contraire dominée par des civilisations sédentaires. Les Bédouins proprement dits y sont inconnus. Les pasteurs nomades ressortissent plutôt au type « pré-bédouin », à courtes migrations, avec prédominance du gros bétail dans leur cheptel, qui comporte relativement peu de dromadaires (par exemple chez les Qarā’ du Ẓufār). Une vie agricole intensive, fondée sur la culture en terrasses irriguée ou pluviale, sur l’arboriculture, s’y est enracinée. L’habitat rural, par ses maisons-tours et ses villages fortifiés, exprime encore souvent une atmosphère d’insécurité, mais une dispersion quasi totale règne dans certaines régions de l’‘Asīr, exprimant leur impénétrabilité absolue à l’égard des nomades.

X. P.


Histoire


L’Arabie ancienne

De cette zone de transit entre les pays riverains de la Méditerranée et l’Extrême-Orient, l’histoire est déterminée en grande partie par les vicissitudes du trafic est-ouest.

Toutefois, les peuples arabes ne constituent pas un bloc homogène, mais comportent deux branches principales, celle du nord et celle du sud. Les premiers occupent des territoires de steppes arides et de déserts avec quelques oasis, que traversent quelques routes de caravanes commerciales. Nomades, ils vivent de leurs troupeaux et du pillage de provinces agricoles voisines. Les seconds, groupés essentiellement dans le Sud-Ouest (le Yémen), occupent des territoires arrosés et s’adonnent surtout à l’agriculture. Sédentaires, ils sont mieux connus que les Arabes du Nord, et des civilisations florissantes se sont développées dans leur pays.


Le royaume de Saba

Le royaume de Saba, fondé dans l’Arabie du Sud-Ouest vers le xie s. av. J.-C., accomplit des réalisations qui manifestent un niveau technique et d’organisation très avancé. Le barrage de Mā’rib, la capitale du royaume, construit pour régler la vie agricole, en est le meilleur témoin. L’économie du pays semble très développée. Elle repose sur l’agriculture (céréales, myrrhe, encens et autres épices et aromates). Les épices confèrent une réputation de richesse et de prospérité à ce pays baptisé par le monde classique : l’Arabie Heureuse.

Les Sabéens paraissent même avoir étendu leur domination sur le royaume d’Éthiopie.


Les Ḥimyarites

À partir du ier s. apr. J.-C., les Sabéens et les Ḥimyarites, un autre peuple de l’Arabie méridionale, converti au judaïsme, se trouvent sous la souveraineté d’un roi commun. Le dernier des rois himyarites, Dhū Nuwās, sévit contre les colons chrétiens de son royaume, à titre de représailles pour la persécution byzantine des juifs. L’Éthiopie, alors État chrétien, saisit cette occasion pour venger, avec l’aide de Byzance, les chrétiens persécutés, et s’emparer par la même occasion du Yémen, clef du commerce de l’Inde (ive s.). En 575, les Perses chassent les Éthiopiens de l’Arabie méridionale et réduisent ce pays à l’état de satrapie. Leur domination ne dure pas longtemps, et, au moment de la conquête musulmane, il n’en reste plus que de rares vestiges.

L’histoire de l’Arabie centrale et septentrionale est moins connue, étant donné le peu de contact de ces régions désertiques avec le reste du monde. Cependant, quelques États se sont constitués durant la période classique dans les marches désertiques de Syrie et d’Arabie septentrionale : le plus important est celui des Nabatéens.