Néolithique (suite)
Les recherches ethnobotaniques dans les régions tropicales humides ont permis de corriger ces idées trop sommaires. Karl J. Narr, en 1957, propose le schéma évolutif suivant :
1o la subsistance est assurée par la cueillette, la chasse et la pêche ;
2o l’agriculture et l’élevage apparaissent : dans un premier stade, les plantes et animaux utilisés par l’homme demeurent dans l’habitat naturel des parents sauvages ; au second stade, plantes et animaux sont transportés par l’homme dans un milieu qu’il a préparé artificiellement ou dans un nouveau milieu où ils sont acclimatés. Il apparaît qu’un tel transfert, qui permet un contrôle accru de l’homme sur le végétal et des variations génétiques utilisables, est souvent requis pour qu’il y ait véritable domestication.
En fait, il faut peut-être distinguer en ce qui concerne l’origine des plantes cultivées :
— un ou des centres d’origine botanique où se trouvaient le ou les ancêtres sauvages ;
— un ou des centres de domestication et de diversification de la plante, qui sont, en général, différents, voire éloignés des précédents.
Cette idée émise par Barrau a été reprise par Jack Harlan (« l’Origine de l’agriculture » dans la Recherche, déc. 1972) sous une autre forme en distinguant les « centres » et ce qu’il appelle les « non-centres ». Il a différencié ainsi :
A1, centre du Proche-Orient (orge, engrain, amidonnier, lentille, pois chiche, etc.) ;
A2, non-centre de l’Afrique (sorgho, petit mil, riz africain, etc.) ;
B1, centre de Chine (millet, soja, etc.) ;
B2, non-centre d’Asie du Sud-Est (riz, tarot, igname, banane, etc.) ;
C1, centre mésoaméricain (maïs, haricot, courge, patate douce, cacao, etc.) ;
C2, non-centre d’Amérique du Sud (manioc, arachide, patate, etc.).
Tenant compte, enfin, des conditions vivrières dans le domaine malayo-océanien, Jacques Barrau a modifié le schéma d’évolution culturale proposé par Robert Braidwood et Erik Reed en 1957 (cf. J. Barrau, « la Région indo-pacifique comme centre de mise en culture et de domestication de végétaux », dans Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, déc. 1970). Ce schéma montre la coexistence possible de certains modes d’exploitation des ressources végétales :
Il apparaît finalement bien difficile de faire le point des connaissances, tant les théories divergent. Les recherches actuelles concernant la révolution agricole, quand elles ne se perdent pas en vaines polémiques, constituent l’un des chapitres les plus passionnants de la préhistoire. Elles dépassent même ce cadre pour développer une véritable réflexion sur l’homme, aux confins de l’histoire et des sciences naturelles.
R. V.
➙ Bronze (âge du) / Paléolithique / Préhistoire.
G. Childe, Prehistoric Migrations in Europe (New York, 1950, nouv. éd., 1969) ; The Prehistory of European Society (Harmondsworth, 1958 ; trad. fr. l’Europe préhistorique, Payot, 1962). / D. de Sonneville-Bordes, l’Âge de la pierre (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 3e éd., 1970). / R. J. Braidwood et G. B. Willey, Courses toward Urban Life. Archaeological Considerations of Some Cultural Alternates (Chicago, 1962). / Kwang Chih Chang, The Archaeology of Ancient China (New Haven, Conn., 1963 ; nouv. éd., 1968). / G. Bailloud, « le Néolithique » (dans la Préhistoire par A. Leroi-Gourhan et autres, 1965). / J. Mellaart : Çatal Hüyük. A Neolithic Town in Anatolia (Londres, 1967). / S. Struever (sous la dir. de), Prehistoric Agriculture (Garden City, N. Y., 1971).