Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

negro spiritual (suite)

De l’amour de Dieu à l’amour profane

Innombrables sont les groupes et les solistes qui s’expriment dans l’idiome du gospel song puisque chaque église, chaque communauté noire possède ses hérauts. Deux noms dominent néanmoins : celui des Staple Singers pour les groupes et celui de Mahalia Jackson pour les solistes. Parmi les autres, citons pour les groupes : Angelic Gospel Singers, Bells of Joy, Caravans, Clouds of Joy, Davis Sisters, Dixie Humming Birds (soliste Ira Tucker), Drinkard Singers, Edwin Hawkins Singers, Five Blind Boys (soliste Archie Brownlee), Golden Gate Quartet, Jordanaires, Pilgrim Travellers, Robert Patterson Singers, Sensational Nightingales, Soul Stirrers (solistes Sam Cooke, puis Robert Harris), Spirit of Memphis, Stars of Faith, Swan Silverstones, Clara Ward Singers ; pour les solistes : Inez Andrew, Katie Bell Nubin, Shirley Caesar, Evelyn Freeman, Bessie Griffin, Marie Knight, Dorothy Love Coates, Sallie Martin, Georgia Peach, Rosetta Tharpe, Marion Williams (pour les femmes), Alex Bradford, Julius Cheeks, James Cleveland, J. H. Gates, Claude Jeters, Samuel Kelsey, Cleophus Robinson (pour les hommes).

Contrairement au jazz ou à la chanson populaire, l’art du gospel song n’a guère évolué depuis Thomas A. Dorsey, à part un certain rajeunissement instrumental (électrification de l’orgue et de la guitare). En revanche, jazzmen et chanteurs « pop » ont souvent puisé dans ce réservoir des thèmes et des procédés expressifs pour créer des formules neuves. Il en fut ainsi durant les années 60 avec le style de jazz gospélisant de Ray Charles, Horace Silver, Les McCann et Ray Bryant et plus encore dans la pop music sous l’influence d’anciens solistes d’église tels que Dinah Washington, Sam Cooke, Wilson Pickett, Little Richard, Aretha Franklin..., devenus vedettes de la chanson profane et même « sexuelle », le sacré et le profane se rejoignant dans la recherche d’une transe révélée dans la communion musicale et surtout le paroxysme rythmique.

F. T.

 T. Heilbut, The Gospel Sound : Good News and Bad Times (New York, 1971).


Mahalia Jackson et les Staple Singers


Mahalia Jackson

(La Nouvelle-Orléans 1911 - Chicago 1972). De religion baptiste et née dans une famille pauvre, influencée par Bessie Smith, elle chante dans les églises de Chicago en 1927, puis gagne sa vie comme domestique. Les premiers disques (1937) ne se vendent pas. En 1946, elle signe un contrat avec Apollo Records et Move on up a little higher devient un best-seller. C’est le départ d’une carrière brillante où la pureté originelle est parfois « commercialisée », mais qui rend justice à des dons exceptionnels, à un timbre d’une richesse étonnante et à une émotion mystique non feinte.

Des tournées en Europe (1952 et 1961) et sa participation au festival de Newport (1958) la consacrent comme la plus grande chanteuse de gospel et l’une des grandes voix de ce siècle.

Enregistrements : In the upper Room (1952), Didn’t it rain (1958), Black, brown and beige (avec Duke Ellington, 1958), Elijah rock (1961).

Autobiographie : Movin’ on up (New York, 1966).


Staple Singers,

groupe familial qui devint professionnel durant les années 50. Son originalité réside dans l’accompagnement de Roebuck Staple (le directeur-fondateur), qui joue de la guitare dans la tradition du blues du Mississippi, mêlée à des harmonies « hillbilly ». Le quartette est constitué par ses filles Cleotha et Mavis et son fils Pervis (Yvonne et Cinthia, autres filles, y ont également participé).

Enregistrements : Uncloudy Day (1956), Freedom Highway (1965).

Nehru (Jawaharlāl)

Homme d’État indien (Allāhābād 1889 - New Delhi 1964).



La jeunesse et la formation intellectuelle

Nehru est issu d’une famille de riches brahmanes kāśmīrī ; son père, Motilal Nehru, avait été, avant de devenir un nationaliste écouté, un avocat on ne peut plus prospère. Le jeune Jawaharlāl vit donc ses premières années dans un milieu très aisé : son père sera le premier Indien à posséder une automobile. Certes, le train de vie de la famille Nehru diminuera sensiblement quand le père, obéissant au mot d’ordre du Mahātmā Gāndhī, cessera d’exercer sa profession d’avocat, mais, dans son enfance, Nehru n’est, selon ses propres termes, qu’un « fils à papa ». À quinze ans, il part pour la Grande-Bretagne, d’abord au collège de Harrow, puis à Cambridge, où il fait des études scientifiques (chimie, géologie, botanique). Après Cambridge, ce sera Londres et les études de droit qui lui permettront de regagner l’Inde en 1912 nanti d’un diplôme d’avocat. Pendant huit ans, il va exercer cette profession sans jamais vraiment s’y intéresser. Plusieurs événements le font basculer irrévocablement dans le camp des nationalistes : le massacre délibéré de Jaliyānvālabāgh le 13 avril 1919 ; une tournée en Uttar Pradesh qui le met en contact direct et brutal avec la misère des masses rurales indiennes ; la campagne de désobéissance civile lancée par Gāndhī* en 1920.


Le leader nationaliste (1920-1947)

Cette activité politique lui vaudra d’ailleurs neuf arrestations qui se solderont par neuf ans de prison. Dans ce domaine, on schématise trop souvent en faisant de Nehru, dès 1920, le second de Gāndhī. C’est la date de 1929 qui constitue la coupure décisive.

Jusqu’en 1929, J. Nehru n’est que l’un des leaders du Congrès, dont il représente l’aile gauche progressiste. Il parfait alors sa formation politique. Il multiplie les voyages à l’étranger, assistant à Bruxelles à une conférence des nations opprimées, se rendant ensuite à Moscou, où certains aspects du socialisme soviétique de l’époque stalinienne le rebuteront. Il va bientôt représenter dans le nationalisme indien un courant moderniste prolongeant celui qui avait été inauguré par Rām Mohan Roy (1772-1833). Comme lui, il pense que l’Inde peut et doit assimiler certains aspects de la civilisation occidentale sans pour autant rompre avec sa civilisation traditionnelle. Farouche adversaire du colonialisme, il n’en éprouve pas pour autant de l’hostilité vis-à-vis des Britanniques. En cela, il se rapproche de Gāndhī. Il s’en éloigne pourtant sur deux points importants : il ne considère la non-violence que comme un moyen d’action politique et non comme une base morale essentielle ; sa conception économique (priorité à l’industrialisation, nécessité d’instaurer en Inde un certain socialisme) se trouve souvent aux antipodes de celle du Mahātmā, hostile au socialisme, à la grande industrie moderne et par contre favorable au développement de l’artisanat.