Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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• Un contrat d’affrètement est conclu entre un armateur qui exploite un tramp et un chargeur qui veut acheminer une cargaison importante, occupant la totalité ou la quasi-totalité du navire affrété (10 000 tonnes de blé par exemple). Le régime juridique de ces deux types de contrat est très différent, le premier étant strictement réglementé, le second soumis à un régime beaucoup plus souple.


Le contrat de transport de marchandises

Le contrat de transport de marchandises est régi soit par la convention du 25 août 1924 pour les transports internationaux, soit, pour les transports internes, par les lois nationales, qui s’inspirent étroitement de la convention, telle la loi française du 18 juin 1966. La convention de 1924 est née d’une réaction devant les excès auxquels on était arrivé à la fin du xixe s., les transporteurs faisant figurer dans leurs contrats des clauses les exonérant pratiquement de toute responsabilité. Les Américains furent les premiers à réagir par le vote, en 1893, du Harter Act, qui allait largement inspirer la convention de 1924. Ce dernier texte réalise un compromis entre les intérêts des chargeurs et ceux des transporteurs. Le transporteur demeure, en principe, responsable du dommage causé à la marchandise, comme il est de règle pour tout transporteur. Mais il peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que le dommage a été la conséquence d’un des « cas exceptés » énumérés par la convention. (Parmi ces cas exceptés figurent le péril de la mer, les faits de force majeure, la grève, l’insuffisance d’emballage, le vice de la marchandise, le vice caché du navire échappant à la diligence du transporteur, l’incendie, enfin la faute du capitaine dans la navigation ou l’administration du navire — la loi française ayant repris la liste de la convention avec quelques allégements de style.) Enfin, lorsqu’il est déclaré responsable du dommage causé à la marchandise, le transporteur voit sa responsabilité limitée à une somme de 100 livres-or par colis (environ 4 500 francs, somme ramenée pour les transports internes à 2 000 francs par la loi française) ou, s’il s’agit de marchandises en vrac, par unité de fret.

La conclusion du contrat de transport de marchandises est, en règle générale, couverte par un document spécial, le connaissement. La convention de 1924 précise, encore que de manière incomplète, les mentions qui doivent figurer sur le connaissement. Et, surtout, elle déclare que le transporteur ne peut contester les mentions portées sur le connaissement quant à la quantité de marchandises chargées et à son état apparent, sauf à l’égard du chargeur. Il y a là une règle sévère pour le transporteur, qui a été inscrite dans la convention principalement à la demande des banquiers. Le connaissement est en effet un document important du commerce international, servant de base aux opérations de crédit* documentaire. Le vendeur qui expédie des marchandises à l’étranger est souvent payé par le correspondant de son acquéreur contre remise par lui du connaissement, prouvant l’expédition de la marchandise. En faisant du transporteur le garant de l’exactitude des mentions du connaissement à l’égard de l’acheteur et de son banquier, alors même qu’une erreur de comptage a pu être commise, on a ainsi déplacé sur le transporteur maritime une partie des risques du commerce international. Aussi, le transporteur a-t-il le plus grand intérêt, s’il a des soupçons sur la quantité ou l’état des marchandises chargées, à insérer des réserves sur le connaissement. Celles-ci le protégeront contre une réclamation ultérieure du destinataire, à la condition, toutefois, qu’elles soient fondées et suffisamment précises.

Dans l’ensemble, la jurisprudence qui s’est constituée sur la convention de 1924 a préservé l’équilibre voulu par les auteurs de ce texte. Les tribunaux, français ou étrangers, ont adopté une conception ouverte de la notion de péril de la mer, exonérant le transporteur de sa responsabilité alors même que son navire a rencontré une tempête violente, mais qui n’aurait pas été, en droit terrestre, considérée comme un cas de force majeure, n’apparaissant ni comme imprévisible, ni comme insurmontable. En revanche, ils se sont montrés sévères pour le transporteur invoquant le vice caché du navire, se refusant, par exemple, à admettre que le défaut d’entretien d’un clapet de sabord d’évacuation était tel qu’il pouvait échapper à la diligence du transporteur, alors que, cependant, celui-ci avait récemment fait contrôler son navire par une société spécialisée de la meilleure réputation.

Malgré un ensemble de solutions assez satisfaisantes, malgré les améliorations de détail que devrait apporter à la convention la prochaine mise en application du protocole de 1968 (notamment, en matière de base de calcul de la limitation de responsabilité), le régime actuel des transports maritimes est critiqué. On lui reproche d’être source d’incertitude, en particulier quant à la notion de faute dans l’administration du navire, et surtout d’être trop libéral pour le transporteur. Aussi, les projets en cours d’étude à la C. N. U. D. C. I. envisagent-ils des réformes fondamentales, et en particulier la disparition de la faute du capitaine de la liste des cas exceptés, ce qui marquerait l’abandon d’une règle presque millénaire. Un second projet est à l’étude : c’est le projet de convention sur les transports combinés (dit « projet T. C. M. »). Suscité par le développement considérable des transports par containers « de bout en bout », c’est-à-dire des transports sans rupture de charge de l’usine du fabricant au dépôt de l’acheteur, ce projet vise à substituer au régime actuel, qui applique de façon distributive les règles terrestres et maritimes aux phases successives du transport, un régime unique, couvrant la totalité des opérations.

Du contrat de transport de marchandises, on rapprochera le contrat de transport de passagers, pour observer que, si le transporteur y assume une responsabilité de principe plus lourde, notamment comme on l’a vu en cas de sinistre majeur, il bénéficie d’une limitation de responsabilité : les indemnités qu’il a à verser en cas de blessure ou de décès d’un passager sont plafonnées à 85 000 francs. Ce plafond est cependant écarté en cas de faute inexcusable du transporteur — faute très grave impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire.