Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arabes (suite)

Perspectives du Réveil

Pendant trois générations, le Réveil est, en littérature, demeuré docile à des influences françaises, anglo-saxonnes et russes. La fin de la Seconde Guerre mondiale, au contraire, a été tout de suite caractérisée par une volonté constante de se libérer et ainsi de créer ses propres techniques d’expression et certains modes de penser. Les réussites ont été inégales, et c’est assurément surtout dans le genre romanesque que sont apparues les œuvres les plus typiquement marquées par l’affirmation de cette tendance. Dans la crise aiguë que traverse à l’heure présente le Proche-Orient — sans doute une des plus graves depuis les Croisades et le péril mongol —, la place du poète, de l’écrivain, de l’essayiste peut sembler en retrait. C’est un fait commun à toutes les périodes de tension historique. Mais cette partie du monde est la terre des longues attentes et des triomphants réveils. Déjà sous nos yeux se dessinent les voies où s’engagera cette littérature dès que l’esprit imposera de nouveau sa primauté. Vouloir aller plus loin procède de la divination.

R. B.

➙ Abū Nuwās / Bachchār / Birūnī (al-) / Chawqī / Coran (le) / Djāḥiẓ / Farazdaq (al-) / Hakīm (Tawfīq al-) / Ibn al-Muqaffa’ / Ibn Khaldūn / Ma’arrī (al-) / Maghreb (littérature arabe du) / Masūdī (al-) / Mutanabbī (al-).

 C. Brockelmann, Geschichte der arabischen Literatur (Weimar-Berlin, 1892-1902 ; 2e éd., Leyde, 1943-1949 ; 2 vol. ; Supplément, Leyde, 1937-1942 ; 3 vol.). / Z. Mubārak, la Prose arabe au ive siècle de l’hégire (G. P. Maisonneuve, 1931). / J. Sauvaget, Historiens arabes (A. Maisonneuve, 1946). / A. J. Arberry, Modern Arabic Poetry (Londres, 1950). / N. Elisseeff, Thèmes et motifs des « Mille et Une Nuits » (A. Maisonneuve, 1951). / D. Rikabi, la Poésie profane sous les Ayyūbides et ses principaux représentants (G. P. Maisonneuve, 1951). / R. Blachère, Histoire de la littérature arabe des origines à la fin du xve siècle (A. Maisonneuve, 1952 et suiv. ; 3 vol. parus) ; Introduction au Coran (Besson et Chantemerle, 1960). / C. Pellat, Langue et littérature arabes (A. Colin, 1952 ; nouv. éd., coll. « U2 », 1970) ; le Milieu baṣrien et la formation de Djāḥiẓ (A. Maisonneuve, 1953). / Encyclopédie de l’islām (Leyde et G. P. Maisonneuve, 1954 et suiv. ; 3 vol. parus). / A. Trabulsi, la Critique poétique des Arabes jusqu’au iie siècle de l’hégire (A. Maisonneuve, 1957). / J. M. Landau, Studies in the Arab Theater and Cinema (Philadelphie, 1958 ; trad. fr. Études sur le théâtre et le cinéma arabes, G. P. Maisonneuve, 1965). / R. et L. Makarius, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, t. I : le Roman et la nouvelle (Éd. du Seuil, 1964). / A. Abdel-Malek, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, t. II : les Essais (Éd. du Seuil, 1965). / G. Wiet, Introduction à la littérature arabe (G. P. Maisonneuve, 1966). / A. Miquel, la Géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du xie siècle (Mouton, 1967) ; l’Islām et sa civilisation (viie-xxe siècle) [A. Colin, 1968] ; la Littérature arabe (P. U. F., coll. « Que sais je ? », 1969). / L. Norin et E. Tarabay, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, t. III : la Poésie (Éd. du Seuil, 1967). / J. Vadet, l’Esprit courtois en Orient, dans les cinq premiers siècles de l’hégire (G. P. Maisonneuve, 1969). / S. Jargy, la Poésie populaire traditionnelle chantée au Proche-Orient arabe (Mouton, 1971). / J.-E. Bencheikh, Poétique arabe (Anthropos, 1976).


La philosophie arabe et iranienne

On se limitera ici à aborder les œuvres purement philosophiques, et à ne considérer que ce que les Arabes du Moyen Âge appelaient falsafa (l’équivalent de la philosophia grecque), par opposition à la théologie, à la dogmatique, à la mystique et aux différentes sciences ou pseudosciences.


Les origines de la réflexion philosophique chez les Arabes


La théologie, ou kalām

Par ce vocable, on entend l’ensemble des problèmes spirituels et sociaux qui se sont posés à la communauté islamique après la mort du prophète Mahomet, et auxquels les deux sources fondamentales de la religion musulmane — le Coran et la Tradition (sunna) — devaient apporter une solution satisfaisante. C’est l’interprétation de ces deux sources qui est à l’origine de toutes les « sciences islamiques » (c’est-à-dire de celles qui sont nées du propre développement interne de la société arabe au ier s. de l’hégire). Beaucoup d’orientalistes (E. Renan, H. Ritter par exemple) pensent que la philosophie purement arabe doit être limitée à la théologie spéculative des docteurs musulmans, connue sous le nom de kalām. Ce mot signifie à la fois le « Logos divin » (kalām Allāh) et la méthode scolastique de discussion qui avait cours entre les différents théologiens ; plus généralement, il a fini par signifier le domaine des concepts théologiques, par opposition à la philosophie. Or, depuis le règne des Omeyyades, sur la base des divergences d’ordre politico-religieux, se sont constituées des sectes rivales, souvent ennemies, telles que les chī‘tes, les khāridjites et les qadarites (ou partisans du libre arbitre). C’est de cette dernière formation que naîtra la première école rationaliste en islām, celle des mu‘tazilites, qui domina durant plusieurs règnes, à Bagdad, à la fin du viiie s. et au début du ixe s. Devenu, pour quelques décennies, la doctrine officielle de l’islām orthodoxe, le mu‘tazilisme était fondé sur les cinq thèses fondamentales suivantes, universellement acceptées par ses adeptes, quelles que soient leurs divergences :
1o l’unité divine (tawḥīd), et donc la négation des attributs divins ; 2o la justice (‘adl) de Dieu, qui implique le principe de la liberté et de la responsabilité de l’homme ; 3o les promesses dans l’au-delà (wa‘d et wa‘īd), ou réalité des récompenses et des châtiments divins après la résurrection ; 4o la situation intermédiaire (al-manzila bayn al-manzilatayn), qui définit le péché comme étant entre la foi (īmān) et l’infidélité (kufr) ; 5o l’impératif moral (amr bil ma‘rūf), qui intègre les principes de justice et de liberté au niveau de la vie communautaire.