Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nagoya (suite)

Le port de Nagoya, comme ceux de Tōkyō et d’Ōsaka, s’est déployé sur une baie peu profonde et a nécessité des exondages considérables. Ne bénéficiant pas, comme ses deux rivaux, d’un organisme en eau profonde à proximité (Yokohama et Kōbe), il est entièrement artificiel et tend à gagner tous les rivages de la baie d’Ise à la rencontre de Yokkaichi. Il se compose d’un port intérieur, aux fonds de 10 m, et d’un port extérieur, où ceux-ci atteignent 19 m, ouvert ainsi aux cargos, aux tankers et aux minéraliers. Le trafic demeure, toutefois, supérieur à ses capacités, une bonne part des déchargements s’opérant au large. Il a été de 72 Mt en 1971 ; 9,5 p. 100 des exportations japonaises se font par Nagoya (automobiles, céramique, produits textiles, machines) ce qui met la ville au troisième rang, après Kōbe et Yokohama, mais 6,4 p. 100 seulement des importations (coton, fer, ferrailles, houille et coke), rapport qui traduit le caractère manufacturier de l’agglomération.

L’activité de celle-ci se développe rapidement sur les nouveaux terrains industriels conquis sur la baie, d’une part, et dans l’arrière-pays, d’autre part, autour d’Ichinomiya et de Toyota (siège des usines automobiles de ce nom). La sidérurgie et la pétrochimie couvrent les premiers, tandis que les seconds reçoivent des activités plus différenciées. De 1955 à 1971, la part de la métallurgie a crû ainsi de 11,6 à 24 p. 100, et celle des constructions mécaniques de 22,7 à 34 p. 100. Métallurgie et chimie lourdes assurent 65 p. 100 de la production industrielle en valeur. Par contre, les textiles ont baissé de 17 à 6,5 p. 100 (l’ensemble des industries légères de 48 à 28 p. 100 environ).

De même que Tōkyō et Ōsaka, Nagoya est surtout le noyau d’une conurbation qui tend à s’annexer toute la plaine de son arrière-pays ainsi que ses rivages. L’alimentation en eau potable à partir des montagnes du Chūbu a nécessité d’énormes travaux, et, sur la baie, de grands brise-lames, édifiés entre 1962 et 1964, ont mis l’agglomération à l’abri des typhons. Des plans de rénovation de quartiers anciens, à demi-urbanisés, ou de construction de grands ensembles entre les anciens noyaux urbains (Gifu, Ichinomiya, Ōgaki) se sont succédé, depuis 1960 surtout, fondés sur une législation énergique et une saine gestion des finances municipales, que la prospérité de Nagoya alimente généreusement. De nouveaux lotissements comblent peu à peu l’intervalle des faubourgs et rongent le paysage rural : Chigusadai au nord, Hirata au nord-ouest, Kōzōji surtout, à 40 km du centre, qui formera une véritable cité satellite. Un réseau serré de voies ferrées de banlieue et de routes couvre la plaine, alimentant une intense circulation quotidienne. Un métro, enfin, de type rayonnant, relie entre eux les quartiers centraux et s’étend vers la banlieue. Cet essor tend à effacer de plus en plus les anciennes divisions administratives. Le vaste projet de la baie d’Ise prévoit ainsi l’aménagement d’ensemble de 290 km de rivages, sur lesquels vingt-trois organismes portuaires seront bientôt coalescents, tandis qu’une autoroute de 174 km reliant la ville à la mer du Japon (Toyama) prolongera son rayonnement sur toute la largeur de Honshū.

J. P.-M.

➙ Honshū.

naïf (art)

Art pratiqué de nos jours par des autodidactes ne prétendant pas à l’imitation de l’art « savant » (académique ou « d’avant-garde ») qui leur est contemporain.


Un premier Salon libre, sans jury d’admission, eut lieu à Paris en 1848. Des peintres et des sculpteurs d’origine populaire y prirent vraisemblablement part. On n’en saurait pourtant citer aucun dont le nom ait été retenu. En revanche, sous l’influence du romantisme comme en raison de l’évolution sociale et de l’essor des études sur le folklore*, on s’intéressa de plus en plus en Occident, au cours de la seconde moitié du xixe s., à l’architecture rurale, aux productions artisanales, au costume villageois, à l’ensemble des conditions, tant matérielles que psychologiques, de la vie du peuple. On en vint bientôt à reconnaître une certaine valeur d’art au coq de clocher, à l’épi de faîtage, à la maie, à la table, à l’armoire, aux peintures d’ex-voto, d’enseignes, aux images de compagnonnage, aux portraits, non signés, de bourgeois ou de paysans, à toutes sortes d’objets alliant au prosaïsme utilitaire une mystérieuse poésie plastique. Ce fut ainsi que naquit et se répandit l’idée d’une création continue, spontanée, dans et par les masses, d’ouvrages dignes, parfois, d’être admirés autant que ceux des artistes « savants » (v. populaire [art]).

Il arriva, dans le même temps, que l’expansion du machinisme industriel précipita la ruine des ateliers artisanaux, dans lesquels s’élaboraient tant de pièces qui allaient être recueillies pour entrer plus tard dans les collections des musées d’art populaire. Mais l’instinct esthétique subsistait, qui poussait par exemple le facteur Ferdinand Cheval (1836-1924) à l’édification, hors de toutes normes académiques, de son Palais idéal de Hauterives (Drôme, 1879-1912). Cet instinct favorisait de même la production de peintures et de sculptures non plus anonymes, mais signées, que leurs auteurs, en France, prirent l’habitude d’exposer chaque année au Salon des artistes indépendants (sans jury de sélection ni récompenses), à partir de sa fondation en 1884. Dès 1896, Gustave Geffroy, dans son compte rendu de ce Salon, constatait « une poussée de forces nouvellement écloses et mises au jour, vers les domaines de littérature et d’art qui semblaient ne devoir appartenir qu’à quelques privilégiés possédant du loisir et du savoir supérieur. Beaucoup, très rapidement, ont voulu non plus lire, mais écrire, non plus regarder des tableaux et des statues, mais en faire […]. Peu y réussissent, cela est certain, et peu donnent l’idée qu’ils y réussiront ; mais la proportion n’est-elle pas la même partout, et ne peut-on pas prévoir, sans jouer à la prophétie, qu’un artiste et une œuvre pourront naître de ces efforts tâtonnants, de ce milieu obscur ? » Geffroy, d’ailleurs, poursuivait en concentrant son attention sur l’œuvre d’Henri Rousseau* et concluait : « C’est ainsi que, même aux Indépendants, chez le plus barbare en apparence, la tradition prouve sa force et reprend ses droits. »