Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nabis (suite)

Bientôt, cependant, les paysages italiens et la culture gréco-latine le conquièrent. Catholique fervent, il couvre les murs des églises de grandes compositions religieuses. Quant aux sujets mythologiques, il les réserve à la décoration de nombreux appartements bourgeois et aristocratiques, voire de bâtiments publics (Théâtre des Champs-Élysées à Paris, palais de la Société des Nations à Genève). Ce qui caractérise peut-être le mieux son style, c’est la recherche constante de l’harmonie, la spiritualité et la sensualité mêlées. Il a notamment publié un recueil de Théories (1912).


Henri Gabriel Ibels

(Paris 1867 - id. 1936). Dessinateur, lithographe et peintre, c’est l’un des premiers nabis. Son œuvre est presque entièrement consacrée au monde du théâtre, dans un style de caricaturiste qui l’a fait collaborer à la plupart des journaux illustrés du temps.


Georges Lacombe

(Versailles 1868 - Alençon 1916). Peintre et surtout sculpteur, très inspiré par Gauguin, il appartenait à une famille riche et ne chercha pas la notoriété publique. Il est notamment l’auteur d’intéressants bois de lit à bas-reliefs symboliques (musée national d’Art moderne) et d’une Marie-Madeleine, bois sculpté de 1897 conservé au musée de Lille.


Paul Ranson

(Limoges 1864 - Paris 1909). Il est peintre, auteur de cartons de tapisseries et montreur de marionnettes. Parmi tous les nabis, c’est probablement celui qui a le plus employé l’arabesque dans son œuvre : Femmes en blanc (v. 1890, coll. priv., Paris) et le Tigre (1898, coll. priv., Paris), cartons de tapisserie ; la Mansarde (1897, coll. priv., New York) ; Femme à l’éventail (1900, coll. priv., Paris)… Recevant ses camarades tous les samedis soir en compagnie de sa femme, surnommée « la Lumière du Temple », il fondera, en 1908 une académie où professeront, outre lui-même, Denis, Sérusier, Vuillard, Bonnard.


Ker Xavier Roussel

(Lorry-lès-Metz 1867 - L’Étang-la-Ville 1944). Élève du lycée Condorcet, il y a pour camarades Denis, Sérusier et Vuillard, dont il épouse la sœur en 1893. Son œuvre est fondée sur des thèmes mythologiques et ruraux aux réminiscences virgiliennes. Il a exécuté de nombreuses décorations d’appartements, mais il ne prend pas l’intimité des salons ou des ateliers comme sujet. La joie de vivre, la sensualité, la grâce, une certaine perversité aussi baignent ses tableaux, peuplés de Silènes et de nymphes. Il adopte ce style pour le restant de sa vie à partir de 1900. Les Saisons de la vie (coll. priv., Paris), ensemble de quatre panneaux décoratifs exécutés vers 1892, sont une de ses œuvres qui se rapprochent le plus des travaux de Bonnard et de Vuillard à la même époque.


Paul Sérusier

(Paris 1863 - Morlaix 1927). Camarade de Denis, de Roussel et de Vuillard au lycée Condorcet, il étudie avec eux à l’académie Julian, dans l’atelier Gustave Moreau, dont il est le massier. Créateur et animateur du groupe des nabis, il est le trait d’union avec Gauguin et l’école de Pont-Aven. La Bretagne est la terre d’élection et la principale source d’inspiration de ce grand voyageur, dans une manière qui rappelle beaucoup celle de Gauguin et d’Émile Bernard (1868-1941) : l’Incantation (1890) et l’Averse (v. 1895) [toutes deux coll. priv., Paris] ; Ferme au Pouldu (1890, coll. priv., New York). Son style comme sa pensée, cohérents et solides, sont fondés sur les « saintes mesures » et le nombre d’or. Ses couleurs sont mélangées avec beaucoup de soin, dans une dominante grise.


Félix Vallotton

(Lausanne 1865 - Paris 1925). D’origine suisse, cet artiste représente l’élément froid et acide, voire féroce dans la critique sociale (anti-bourgeoise), du mouvement nabi. Habitué de la Revue blanche et de journaux comme le Rire, il exécute des gravures sur bois d’une facture large, aux noirs et blancs vigoureusement tranchés. Les nabis influencent sa peinture, surtout de 1892 à 1898. Par la suite, il revient au réalisme minutieux de ses débuts, poussé jusqu’au trompe-l’œil et en même temps stylisé. Citons : le discordant et savoureux Bain au soir d’été (1892, musée des Beaux-Arts, Zurich) ; la Source, un de ses premiers nus (1897, Modern Art Foundation Oscar Ghez, Genève) ; le Bon Marché, triptyque (1898, coll. priv., Suisse) ; le Dîner, effet de lampe (1899, musée national d’Art moderne).


Édouard Vuillard

(Cuiseaux, Saône-et-Loire, 1868 - La Baule 1940). Nul autre nabi n’a été plus intimiste que lui. Le paysage, à part quelques rares essais, l’a peu attiré, les nus pas davantage. Vuillard emploie pour ses nombreuses décorations d’appartements bourgeois un procédé de décorateur de théâtre, la peinture à la colle, qui donne un aspect satiné à la surface de ses œuvres : panneaux pour l’appartement de Paul Desmarais (1892, coll. priv., Paris) ; salle à manger d’Alexandre Natanson (Jardins publics, 1894, musée national d’Art moderne et musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles) ; appartement de Claude Anet (1898, coll. priv., Londres)… Dans ses premières œuvres de nabi, qui le rapprochent le plus de Bonnard, vers 1890-1892, son style s’apparente à celui des estampes japonaises : la Ravaudeuse (1891, musée national d’Art moderne). Ses tons préférés sont pendant toute sa vie les gris, les verts rompus, les blancs très discrets.

B. C.

➙ Gauguin / Symbolisme.

 M. Denis, « Étude sur Sérusier » in P. Sérusier, A. B. C. de la peinture (Floury, 1943). / S. Barazzetti-Demoulin, Maurice Denis (Grasset, 1945). / T. Natanson, Peints à leur tour (A. Michel, 1948). / F. Jourdain, Félix Vallotton (Cailler, Genève, 1953). / A. Humbert et J. Cassou, les Nabis et leur époque, 1888-1900 (Cailler, Genève, 1954). / P. Mornand, Émile Bernard et ses amis (Cailler, Genève, 1958). / C. Chassé, les Nabis et leur temps (Bibl. des arts, 1960). / J. Salomon, K. X. Roussel (Bibl. des arts, 1967) ; Vuillard (Gallimard, 1968). / M. Vallotton et C. Goerg, F. Vallotton, catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographie (Bonvent, Genève, 1972).