Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mystère (suite)

Plus accessibles à la foule des croyants que les hautes doctrines de l’orphisme et du pythagorisme, les mystères orgiaques du culte de Bacchus se célébraient la nuit ; le premier acte évoquait la descente aux Enfers et le rapt de Coré. Le dieu sauvage de la Thrace entraînait ses fidèles en des courses folles à travers la ville et les champs. Des beuveries, des chants, des danses, des actes luxurieux précédaient l’extase « enthousiaste », qui manifestait la force de Bacchus.

Les mystères isiaques, dont le culte devait connaître une vaste extension dans tout l’Empire, pénétrèrent dans Rome par le port commerçant de Pouzzoles, probablement sous l’influence des navigateurs égyptiens, qui propagèrent dans toute la Méditerranée le mythe d’Isis et d’Osiris.

La synthèse religieuse qui accompagna la fin de l’Empire romain est, dans les mystères de Mithra, étroitement unie avec la science astronomico-astrologique de cette époque. Pour Franz Cumont (1868-1947), elle représente « la forme religieuse de la cosmologie de ce temps, et, c’est à la fois sa force et sa faiblesse, les principes rigoureux de l’astrologie déterminent la conception qu’elle se fait du ciel et de la terre [...] elle tend nettement au monothéisme [...] le paganisme est devenu une école de moralité, le prêtre, un docteur et un directeur de conscience ».

R. A.

➙ Ésotérisme / Initiation / Magie / Mithra / Occultisme.

 P. Foucart, les Mystères d’Éleusis (A. Picard, 1914). / E. Dhorme et R. Dussaud, les Religions de Babylonie et d’Assyrie. Les religions des Hittites et des Hourrites, des Phéniciens et des Syriens (P. U. F., 1945 ; nouv. éd., 1950). / C. Picard, les Religions préhelléniques (P. U. F., 1948). / Les Sociétés secrètes (Libr. gén. fr., 1970).

mystères (les) et le théâtre médiéval

Les mystères sont des pièces religieuses consacrées aux grands thèmes de l’Ancien et du Nouveau Testament ainsi qu’à la mort édifiante des saints chrétiens.



Généralités

Le terme de mystère (du latin ministerium, office) apparaît pour la première fois dans les lettres patentes par lesquelles le roi Charles VI accorde en 1402 le privilège exclusif à la Confrérie de la Passion de Paris de représenter dans cette ville « quelque mystère que ce soit, soit de la Passion et Résurrection, ou autre quelconque, tant de saints comme de saintes ». Généralement, les représentations de mystères se déroulaient au moment des grandes fêtes (Pâques, Pentecôte, Noël) pendant plusieurs journées, consécutives ou non, à raison de plusieurs heures par jour. Une représentation moyenne durait deux ou trois jours, mais certaines pouvaient se dérouler en vingt-cinq jours (Valenciennes, 1547) ou même quarante jours (Bourges, 1536). Chaque journée était consacrée à un épisode particulier du thème traité.

Les confréries chargées de ces jeux se constituent surtout pendant le dernier quart du xive s., mais l’organisation d’un spectacle peut aussi être prise en charge par une association éphémère, réunie le temps d’une représentation. Ainsi les bourgeois de Saint-Marcel organisent-ils en 1540 un Jeu de saint Christophe. Aux xve et xvie s., l’organisation d’une représentation est surtout l’affaire des bourgeois les plus fortunés de la cité. Ces jeux coûtent en effet fort cher, et, dans la plupart des cas, marchands, corporations de métiers, échevins et membres des corps communaux décident et financent les représentations.

Les exemples français montrent, au moins à partir du xvie s., une généralisation des places payantes pour les spectateurs et une diversification de ces places selon leur prix. Les organisateurs tentent ainsi de rentrer dans leurs fonds et de réaliser quelques bénéfices.

Les acteurs des mystères ne sont pas des professionnels. Ils font en général partie du même milieu que les organisateurs et les financiers du spectacle, et sont choisis en fonction de leur honorabilité et de leur physique. Les listes d’acteurs montrent la présence sur scène de marchands, de membres des corps de métiers, de juristes, parfois de prêtres. Les rôles féminins sont souvent tenus par des hommes. À Romans, en 1509, tous les rôles féminins du Mystère des Trois Doms sont interprétés par des femmes.

Des contrats sévères lient entre eux organisateurs et acteurs. Ils établissent aussi bien les horaires des répétitions que les modalités de partage des bénéfices. Le plus souvent, les costumes, fort somptueux, sont à la charge des acteurs. La préparation et l’organisation d’une représentation durent parfois plus d’une année et demandent le concours des métiers spécialisés de la cité : forgerons, charpentiers, tailleurs, etc. Des peintres en renom, Jean Fouquet*, Prévost, ont participé à la décoration des scènes.

Les documents qui permettraient d’établir une sociologie du public manquent. On peut, cependant, remarquer que l’introduction des places payantes écarte de ces spectacles — du moins en France — toute une partie de la population urbaine et qu’à l’intérieur même du public les couches sociales sont nettement séparées selon leur fortune et leur rang par la diversification des places (debout, parterre avec bancs, gradins ou bien loges closes).


Les textes

Les mystères se développeront du xive au xvie s. inclus. À partir des dramatisations liturgiques liées aux célébrations de Pâques et de Noël, les mystères de la Passion rassembleront les thèmes liés à l’Incarnation et à la Résurrection en une structure narrative unique, qui peut même englober toute l’histoire humaine depuis la chute d’Adam et d’Ève jusqu’à la dispersion des Apôtres. Les mystères ou miracles des saints ou de la Vierge traitent selon un schéma toujours identique la vie des martyrs ou les interventions de la mère du Christ dans la vie des hommes.

Les mystères sont avant tout des spectacles. La vie privée des personnages de l’histoire sainte, l’adjonction d’anecdotes savoureuses, la multiplication des épisodes scabreux, des diableries trouvent à s’alimenter à la fois dans les Évangiles apocryphes, dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, dans le pseudo-Bonaventure et dans la tradition populaire de la farce. Le but même de la représentation est de plaire à un public divers, composé à la fois de lettrés, de marchands, de compagnons et de maîtres de métiers.