Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

music-hall (suite)

Ces récitals et ces tournées utilisent les salles de spectacle les plus diverses, promues « music-halls » pour un soir : des théâtres (ainsi Guy Béart à la Comédie des Champs-Élysées, Jacques Douai au Vieux-Colombier, Félix Leclerc au Théâtre de la Ville, les Frères Jacques au Théâtre Saint-Georges, Catherine Sauvage à la Gaîté-Montparnasse), des salles prévues pour des rassemblements politiques (Léo Ferré à la Mutualité), voire pour des manifestations sportives (Jean Ferrat au Palais des sports), et, partout en province, la plus grande salle disponible, palais des congrès ici, salle omnisport là, théâtre municipal ou casino ailleurs. Certains artistes ont même suivi des chapiteaux ambulants conçus selon la formule du cirque de jadis : ainsi, Georges Brassens a effectué une longue tournée dans la banlieue parisienne avec les Tréteaux de France de Jean Danet. On réinvente ainsi un music-hall uniquement consacré à la chanson. C’est une mutation qui n’est pas terminée.

J. C.

➙ Café-concert / Chanson.

 P. Derval, Folies-Bergère (Éd. de Paris, 1954). / Jacques-Charles, Cent Ans de music-hall (Jeheber, 1956) ; la Revue de ma vie (Fayard, 1958). / J. Damase, les Folies du music-hall (Éd. Spectacles, 1960). / P. Barbier et F. Vernillat, Histoire de France par les chansons, t. VIII : la Troisième République de 1871 à 1918 (Gallimard, 1961). / J.-P. Moulin, J’aime le music-hall (Denoël, 1962). / J. Feschotte, Histoire du music-hall (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965). / G. Erismann, Histoire de la chanson (Waleffe, 1967). / F. Vernillat et J. Charpentreau, Dictionnaire de la chanson française (Larousse, 1968) ; la Chanson française (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971). / N. Moreno, De Paulus à Antoine (Nouv. Éd. Debresse, 1973).

musicographie

Terme qui s’applique, par opposition à celui de musicologie*, à tout ce qui concerne le fait d’écrire au sujet de la musique : la musicographie inclut donc la musicologie, du moins en tant qu’expression écrite et non en tant que recherche, mais non l’inverse.


Dès qu’apparaît une civilisation d’écriture, les allusions à la musicographie prennent, en littérature comme en histoire, une place non négligeable. On doit se souvenir que la littérature primitive est en grande partie chantée et que la musique joue dans les sociétés anciennes un rôle important dans tous les actes de la vie sociale, guerre incluse (ce qui lui assure sa place dans les chroniques adverses), mais les écrits spécialisés y sont relativement rares et tardifs. La musique y est plus souvent évoquée sous un aspect mythique et symbolique que présentée de manière spécifique. Les plus anciens musicographes connus ayant abordé la technique sont sans doute les Grecs, chez qui dès le ive s. av. J.-C. s’affrontent deux écoles : les pythagoriciens, pour qui la musique est une imago mundi à base numérique, et les aristoxéniens, pour qui elle est avant tout un donné sensible justiciable d’une perception sui generis. Les philosophes, notamment Platon et Aristote, ont fait une grande place aux spéculations musicales, et sous le nom probablement abusif de Plutarque nous est parvenu un dialogue sur la musique riche en relations de traditions historiques plus ou moins contrôlables ; Denys d’Halicarnasse le Jeune (iie s.) aurait écrit, paraît-il, une histoire de la musique en cinquante-six livres, dont le dialogue de Plutarque pourrait être un extrait condensé. À l’époque alexandrine, c’est-à-dire aux alentours du changement d’ère, fleurirent de précieux traités destinés aux écoles, en général d’obédience pythagoricienne. Si l’on excepte des extraits disséminés à travers les œuvres des Pères de l’Église, les premiers écrits de musique chrétienne remontent au ixe s. et sont en général des traités de caractère empirique, orientés vers la pratique du chant liturgique. C’est à la fin du xiie s. qu’ils s’ouvrent, encore discrètement, à une musique moins spécialisée, et notamment à la polyphonie. Des théoriciens arabes apparaissent au xie s., et les témoignages de musique orientale se font jour parallèlement sans pénétrer pour autant dans la connaissance occidentale. Les théoriciens (scriptores de musica) se multiplient à partir du xiiie s., et Johannes Tinctoris (v. 1435-1511) rédige vers 1475 le premier « dictionnaire » de musique.

Les chroniqueurs n’ont jamais négligé de décrire les fêtes musicales, mais souvent en fonction du spectacle plus que de la musique, de l’anecdote mondaine plus que du contenu musical : c’est dans cet esprit que naquit la chronique musicale qui fut pratiquée tout au long du xviiie s. : on peut considérer Schumann* comme le créateur de la véritable critique musicale, confiée à des revues spécialisées, et Berlioz* comme celui de la critique de grande presse. De la philosophie appliquée à la musique naquit une branche spéciale de la musicographie, l’esthétique musicale, dont le principal créateur fut un juriste de Prague et Vienne, Eduard Hanslick (1825-1904), l’un des plus aveugles contempteurs de Wagner ; l’ambition de l’esthétique semble être aujourd’hui de faire oublier son subjectivisme foncier, en vue de se classer au rang des « sciences » et de se présenter comme l’une des branches de la musicologie, dont elle est loin de toujours posséder les critères.

À l’heure actuelle, la diffusion considérable, mais parfois superficielle, que connaît la musique grâce aux moyens de reproduction électroacoustiques produit un grand développement de la musicographie, à laquelle les « pochettes » de disque ont ouvert un champ nouveau. Il est à souhaiter que cette prolifération ne s’opère pas au seul bénéfice de la vulgarisation, et que la « musicographie » n’en vienne pas à étouffer la « musicologie », sans laquelle elle ne pourrait vivre.

J. C.

musicologie

Ce terme, introduit en France peu avant 1914, correspond à peu près au mot allemand « Musikwissenschaft », inventé par Friedrich Chrysander en 1863, mais y introduit une nuance importante : « Musikwissenschaft » insiste en effet sur l’idée de « connaissance » (wissen, savoir), tandis que « musicologie » y substitue la notion de réflexion et d’analyse (logos ne signifie pas seulement en grec « parole », ce qui nous mènerait vite à l’apologie du bavardage, mais aussi « raison, intelligence » et même « fondement » ou « structure »).


La musicologie embrasse donc tout ce qui concerne la recherche et la réflexion à propos de la musique, à condition que l’une et l’autre s’appuient sur des documents de première main traités selon des méthodes scientifiques rigoureuses. Elle se distingue ainsi de la musicographie*, qui englobe tout ce que l’on veut bien écrire sur la musique.