Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

multiplication végétative (suite)

La greffe peut aussi être considérée comme un procédé de multiplication végétative ; les parties aériennes d’une espèce appréciée sont ainsi multipliées et remplacent les parties aériennes d’une espèce sauvage robuste. On la pratique beaucoup sur arbres fruitiers, la Vigne, les Châtaigniers... Ces techniques — en fente en biseau, en écusson, par approche — sont variées ; la greffe est prise lorsque les connexions entre les vaisseaux du porte-greffe et du greffon sont rétablies et que les cambiums assurent une continuité de la croissance. Des connexions étroites s’établissent entre les deux individus, et, bien que chaque partie garde son intégrité génétique et ses caractères propres, des interactions apparaissent du fait que la sève passe du sujet vers le greffon ; certaines substances chimiques diffusent de l’un vers l’autre, mais certaines seulement : ainsi, des Poiriers greffés sur Pommier portent des poires dont le goût est modifié ; des Tomates greffées sur Tabac contiennent de la nicotine, tandis que l’hétéroside du Haricot de Java ne passe pas dans le Haricot commun. Pour qu’une greffe réussisse, il faut que les deux éléments soient en bonne santé et en vie active, qu’ils soient proches systématiquement : même espèce ou espèce très voisine, que le greffon porte un ou plusieurs yeux, que des infections ne viennent pas gâter la plaie et enfin qu’il n’y ait point de dessèchement.

J.-M. T. et F. T.

 A. Van den Heede et M. Lecourt, l’Art de bouturer et de multiplier les plantes horticoles (la Maison rustique, 1901 ; nouv. éd., 1964). / P. Chouard, la Multiplication végétative et le bourgeonnement chez les plantes vasculaires (Hermann, 1934). / N. J. Prockter, Simple Propagation (Londres, 1958 ; 2e éd., 1963). / C. C. Mathon, la Greffe végétale (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1959).

Munch (Edvard)

Peintre norvégien (Loten, Hedmark, 1863 - Ekely, près d’Oslo, 1944).


Il n’est pas seulement le plus grand artiste norvégien, mais l’un de ces géants qui marquèrent le tournant décisif de l’art moderne à la fin du xixe s. et au début du xxe. Il peut notamment être tenu pour le père de l’expressionnisme* germanique, mais le surréalisme également l’a revendiqué au nombre de ses précurseurs. Quant au mouvement Cobra*, par son fondateur Asger Jorn, il prend directement racine dans l’œuvre de Munch.


L’apprentissage de la douleur et de la peinture

Il a cinq ans lorsque sa mère meurt, treize ans lorsque meurt sa sœur aînée, âgée de quinze ans (elle inspirera à n’en pas douter l’Enfant malade de 1885-86, Galerie nationale, Oslo). Son père, médecin des pauvres, l’emmène parfois lorsqu’il visite ses malades. Cette expérience précoce de la douleur marquera profondément l’esprit de Munch, mais, bien entendu, elle ne suffit nullement à l’explication de son génie. Entré en 1878 à l’École des arts et métiers d’Oslo, à partir de 1881 il prend en outre pour professeur le peintre Christian Krohg (1852-1925), dont les scènes intimistes, assez froidement composées, s’éclairent cependant de la lumière impressionniste. C’est ce qui explique que les premiers travaux de Munch, intérieurs ou portraits, montrent, en dépit de leur réalisme, une sensibilité certaine à la couleur. Mais cette lumière de l’impressionnisme*, il lui faudra aller la quérir à la source, ou presque, c’est-à-dire à Paris. Déjà, au lendemain d’un trop bref premier séjour (1886), l’Enfant malade enregistre une profonde métamorphose des moyens : si le sujet pathétique demeure, l’espace tridimensionnel du réalisme optique cède le pas à une construction dramatique qui fait songer à Degas. Pourtant, Munch ne s’en tiendra pas à ce vérisme impressionniste : son second séjour à Paris (1889-1892) sera décisif, puisqu’il y découvre non seulement Pissarro et Raffaëlli, mais Van Gogh, Seurat, Signac et Toulouse-Lautrec, enfin Gauguin* et les peintres de Pont-Aven. C’est avec ces derniers en effet que le style des meilleures années de Munch présente le plus d’affinités : l’usage de l’aplat et de l’arabesque dans la construction de la toile en surfaces de couleurs vives et contrastées, à deux dimensions, tel qu’il s’est imposé à Gauguin vers 1892, s’impose aussi à Munch, chez qui il reçoit un encouragement spécial des techniques de la gravure sur bois et de la lithographie, auxquelles il devra de créer à partir de 1895-96 des œuvres qui comptent parmi les sommets de l’art graphique de tous les temps.


Le Gauguin du Nord

« Je suivais la route avec deux amis — le soleil se coucha, le ciel devint rouge sang —, je ressentis comme un souffle de mélancolie. Je m’arrêtai, je m’appuyai à la clôture, mortellement fatigué ; au-dessus de la ville et du fjord d’un bleu noirâtre planaient des nuages comme du sang et des langues de feu : mes amis continuèrent leur chemin — je demeurai sur place tremblant d’angoisse. Il me semblait entendre le cri immense, infini de la nature. » Telle est, contée par le peintre lui-même, la genèse du Cri (1893, Galerie nationale, Oslo), dans lequel on a salué parfois l’un des manifestes de l’expressionnisme. Les courbes qui envahissent le tableau expriment directement l’angoisse de vivre, en violent contraste formel avec les lignes rigides du garde-fou, du droit chemin. Ce faisant, Munch anticipe plus qu’il ne suit l’orgie curvilinéaire de l’Art* nouveau et, tout comme Gauguin, la fait servir à des fins expressives et spiritualistes. Car l’un et l’autre peintre se refusent à un art qui ne serait que plaisir des yeux, comme celui de Monet et des siens, ils se refusent à fabriquer ce que Munch désigne comme « de petits tableaux au cadre doré destinés à orner les murs de la bourgeoisie ». L’indéracinable tourment qui les conduit à explorer tous deux la destinée humaine et les problèmes apparemment insolubles que celle-ci soulève (de ce point de vue, le D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? de Gauguin a même sens que la suite de tableaux entreprise par Munch vers le même temps et intitulée la Frise de la vie) atteste que la peinture, pour eux, est exercice métaphysique et moral. Dès 1889, Munch écrivait en effet dans son Journal : « On ne peut pas peindre éternellement des femmes qui tricotent et des hommes qui lisent ; je veux représenter des êtres qui respirent, sentent, aiment et souffrent. Le spectateur doit prendre conscience de ce qu’il y a de sacré en eux, de sorte qu’il se découvrira devant eux comme à l’église. »