Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mue (suite)

Arthropodes

La présence d’un tégument chitineux, imprégné de calcaire ou de scléroprotéines, impose dans cet embranchement une croissance par mues. On peut distinguer trois phases dans chaque mue : dans un premier temps, une nouvelle cuticule se forme dans l’épaisseur du tégument, tandis que se trouve digérée une grande partie de la cuticule précédente ; il ne reste bientôt plus de celle-ci que la zone superficielle. Survient alors l’exuviation proprement dite, ou ecdysis, au cours de laquelle la peau se fond selon des lignes fixes, et l’animal se libère de l’ancien tégument. Tout en achevant son extraction, qui ne se déroule pas toujours sans incidents et, parfois, ne peut être menée à bien, il se gonfle d’air ou d’eau et augmente rapidement de volume. Enfin, le nouveau tégument, bien tendu, durcit et se pigmente.

Les Crustacés subissent un grand nombre de mues, et certains en présentent toute leur vie ; l’Écrevisse, qui vit une quinzaine d’années, mue six ou sept fois la première, trois ou quatre fois la deuxième, puis deux fois par an pour le mâle et une fois pour la femelle ; par contre, l’Araignée de mer (Maïa squinado) subit une vingtaine de mues quand elle est jeune et ne grandit plus après la mue de puberté ; des Crevettes continuent à muer après avoir atteint la maturité sexuelle, mais ces mues de reproduction ne s’accompagnent pas de croissance.

Souvent rapide (quelques minutes chez le Gammare), l’exuviation peut parfois durer plusieurs heures, par exemple chez le Crabe Carcinus mœnas ; elle se déroule en deux temps chez les Isopodes. La rupture du tégument se fait le long de lignes prédéterminées, dont la topographie varie d’un groupe à l’autre ; chez les Crabes, la première fente apparaît à la limite céphalothorax-abdomen et se prolonge par deux fentes sur le côté de la carapace. La calcification du nouveau tégument se fait d’abord à partir de réserves minérales accumulées avant la mue ou provenant de la résorption de l’ancienne cuticule (les gastrolithes, concrétions de l’estomac de l’Écrevisse, représentent des réserves de carbonate de calcium) ; ensuite, le calcium est absorbé dans le milieu extérieur, parfois aux dépens de l’exuvie, qui est dévorée.

On a pu élucider en partie le déterminisme humoral de la croissance chez les Malacostracés. L’ablation des organes localisés dans la tête provoque l’arrêt des mues, et leur greffe rétablit la croissance ; ces glandes émettent une hormone de mue, qui contrôle également la régénération d’appendices amputés. L’organe X, situé dans le pédoncule oculaire, joue un rôle inhibiteur de la croissance ; on pense qu’il accumule une hormone émise par les ganglions nerveux.

Chez les Insectes, les mues ne se poursuivent pas chez l’adulte ; l’imago marque le terme de la croissance, sauf chez quelques groupes primitifs (Thysanoures, Éphémères). Les formes inférieures présentent souvent un nombre élevé de mues : jusqu’à treize chez certaines Blattes, une quinzaine chez des Libellules, une vingtaine pour des Éphémères ; pendant les dix-sept ans de sa vie larvaire, la Cigale Magicicada mue une trentaine de fois, alors que, chez la plupart des Hémiptères, on compte cinq mues, les Holométaboles montrent un certain nombre de mues larvaires (trois chez les Scarabées, quatre chez beaucoup de Lépidoptères), puis une mue nymphale, enfin une mue imaginale qui libère l’adulte. Les mues sont donc en liaison étroite avec les métamorphoses.

L’exuviation proprement dite débute par la rupture du tégument, généralement sur la ligne médio-dorsale du thorax ; l’animal s’extrait en abandonnant non seulement la cuticule qui recouvre le corps et les divers appendices, mais aussi celle qui tapisse l’œsophage, le rectum et les grosses trachées.

Des expériences réalisées sur la Punaise Rhodnius permettent de conclure à l’intervention de facteurs humoraux dans le déterminisme de la mue ; les recherches entreprises sur d’autres Insectes aboutissent à un résultat comparable : la partie médiane du cerveau antérieur émet une neurosécrétion qui stimule une glande située dans la tête ou dans le thorax selon les groupes ; elle libère alors l’hormone de mue, ou ecdysone, qui a pu être isolée à l’état chimiquement pur.


Autres animaux

• Tardigrades. Ces minuscules habitants des mares et des Mousses peuvent s’enkyster à la suite d’une mue, enfermés dans l’ancienne cuticule, dans des circonstances défavorables. Ils offrent un nouvel exemple de mue indépendante de la croissance.

Nématodes. Pendant leur développement postembryonnaire, ces Vers subissent quatre mues, en renouvellant leur cuticule ; cependant, la croissance du corps peut se prolonger après la dernière exuviation.

M. D.

➙ Métamorphoses.

Muḥammad V ou Mohammed V

Sultan (1927), puis roi (1957-1961) du Maroc (Fès 1909 - Rabat 1961).



Les débuts

En 1912, son père, Mūlāy Yūsuf, est appelé par les autorités françaises à succéder au sultan Mūlāy Ḥafīẓ, considéré par le nouveau protecteur comme intraitable et même nationaliste.

Le jeune prince Muḥammad ibn Yūsuf (Mohammed ben Youssef), confié à un précepteur algérien de formation traditionaliste, est relégué dans les palais de Fès et de Meknès. Son père l’appelle parfois à Rabat et, en 1926, il l’emmène avec lui en France. Mais, peu de temps après, le prince est en disgrâce et même interné au palais de Meknès. Rien ne semble désigner ce jeune homme, chétif, morose et dédaigné par ses deux frères plus âgés que lui, à succéder à Mūlāy Yūsuf, mort en 1927.

C’est pourtant sur lui que se porte le choix du résident général Théodore Steeg (1868-1950), qui, succédant à Lyautey* en 1925, veut substituer à la politique de contrôle du maréchal une nouvelle politique fondée sur l’administration directe. À peine âgé de dix-huit ans, timide, effacé et sans expérience, le nouveau sultan ne peut gêner l’action des autorités françaises. Muḥammad V passe ses premières années en marge du pouvoir. Son autorité ne s’exerce même pas sur le makhzen chérifien (l’administration centrale marocaine), qu’accapare le grand vizir Muḥammad al-Moqrī, qui jouit de la confiance de la Résidence. Le jeune sultan sait mettre à profil son oisiveté pour compléter une formation encore rudimentaire. Sa curiosité se porte particulièrement sur le monde moderne. Il fait de fréquents voyages en France et ne tarde pas à s’entourer de Français. Bientôt, ce souverain de formation traditionaliste est gagné par le modernisme.