Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moyen Âge (musique du) (suite)

Il est très délicat de parler pour le Moyen Âge de musique instrumentale. On a longtemps omis de le faire, parce que les règlements ecclésiastiques n’étaient guère favorables à l’utilisation d’instruments à l’église, que les manuscrits de musique polyphonique comportaient très souvent des paroles à toutes les voix et qu’enfin peu nombreuses étaient les œuvres sans paroles. Or, on sait aujourd’hui que l’usage des instruments était très répandu même à l’église et que la variété de ces instruments était extrême. Comment donc étaient-ils employés ? La pratique la plus courante était de doubler les voix pour les soutenir et non de les remplacer ; d’autre part, même s’il est possible de déterminer des groupements habituels d’instruments, l’orchestration au sens moderne du terme était totalement ignorée ; enfin, si des pièces ont été destinées aux instruments seuls (il en existe dès le xiiie s.), si des chansons ont pu comporter des préludes ou interludes instrumentaux (c’est le cas des chansons du xve s.), il n’est pas exclu que des pièces avec paroles aient pu être jouées aux seuls instruments, notamment dans le cas des danses, auxquelles on adaptait parfois des paroles.

B. G.

➙ Adam de la Halle / Ars antiqua / Ars nova / Chanson / Guillaume de Machaut / Messe / Motet / Notre-Dame (école) / Polyphonie / Troubadours, trouvères et Minnesänger.

 A. Machabey, Histoire et évolution des formes musicales du ier au xve s. (Payot, 1928). / T. Gérald, la Musique au Moyen Âge (Champion, 1932). / G. Reese, Music in the Middle Ages (New York, 1940 ; 2e éd., 1948). / J. Chailley, Histoire musicale du Moyen Âge (P. U. F., 1950 ; 2e éd., 1969).

Moyen Âge (philosophie du)

On peut faire aller la philosophie médiévale de la fin de la patristique latine au xive s.


Il ne faut donc pas s’étonner de la diversité d’une pensée que conditionnent dix siècles d’histoire, où se succèdent les périodes d’épanouissement culturel — organisation de l’enseignement sous Charlemagne, création des universités au xiiie s. — et celles de guerre (guerre de Cent Ans au xive s.). D’autre part, il est malaisé de circonscrire, avant Descartes, un domaine propre de la réflexion philosophique, nettement distinct d’autres types de pensée comme la théologie ou la science. Ici, érudition, théologie, philosophie, préoccupations scientifiques s’entremêlent étroitement, et c’est d’ailleurs souvent de la confrontation de ces différents points de vue de la pensée et de la connaissance que naissent les problématiques : de la théologie, de la philosophie ou de la science, de la foi ou de la raison, quelle sera la meilleure voie d’accès à Dieu, c’est un des fils essentiels de la pensée médiévale, à travers Jean Scot Érigène, saint Anselme, saint Thomas.


Les conditions socio-historiques de la pensée médiévale


Les textes

On ne peut considérer la pensée médiévale comme une simple somme d’éléments disparates. Certaines conditions communes en font l’unité.

Tout d’abord, de même que la période patristique qui la précède, la pensée du Moyen Âge se nourrit de textes, comme s’il était tacitement admis que la sagesse dormait dans des œuvres qu’il fallait s’approprier et transmettre.

Or, la source est double : Écritures et textes des saints, d’une part ; textes antiques progressivement retrouvés, d’autre part. Leur confrontation sera le travail inlassable des penseurs du Moyen Âge, soit qu’ils cherchent une conciliation entre le contenu de la foi et celui de la philosophie antique, soit qu’ils refusent tout compromis.

Le Moyen Âge n’est donc pas, pour autant, une période de stérilité livresque. Pour concilier ou refuser, il faut que la pensée soit active et que le choix s’effectue en fonction d’une expérience vécue, notamment l’expérience religieuse de la méditation. (La plupart des penseurs médiévaux sont des théologiens.) Bref, l’écrit n’est qu’un chemin, indispensable certes, mais dépassable, vers la sagesse.


L’enseignement au Moyen Âge

Le livre, sa lecture, sa compréhension et son dépassement éventuel dans un commentaire requièrent une technique et une méthode. On comprend, dès lors, que le Moyen Âge ait vu naître et se développer l’enseignement sous une forme très proche de celle qu’il a encore de nos jours.

• L’école d’Alcuin et de Charlemagne. C’est certes par amour des lettres et piété sincère, mais surtout par nécessité politique que Charlemagne* décida de réorganiser l’enseignement. Il fallait former des fonctionnaires assez instruits pour assurer la marche d’un État centralisé.

Sous les Mérovingiens*, l’enseignement était tombé dans une décadence complète : prêtres ignorants au point de ne pas comprendre le latin des prières, pénurie de livres. C’est d’Angleterre que lui vient son principal collaborateur : Alcuin (v. 735-804) [v. Carolingiens].

L’idée grandiose de ce dernier était de « construire en France une nouvelle Athènes », de restaurer le temple de la Sagesse, bâtie sur les sept arts libéraux.

Dans la pratique, Alcuin reconstitua une bibliothèque en faisant venir des livres d’Angleterre, en rédigeant des manuels, et il fonda des écoles annexées aux cathédrales. C’était ouvrir l’enseignement à un nouveau public : celui, séculier, des jeunes gens étrangers aux monastères.

L’enseignement comprenait trois niveaux : apprendre à lire et à écrire, et s’initier aux rudiments de la Bible et de la liturgie ; s’initier aux sept arts libéraux et lire un certain nombre (très variable) d’auteurs païens et chrétiens ; étudier, enfin, l’Écriture dans ses deux sens (littéral et spirituel) et de trois points de vue différents : grammatical, historique, théologique.

Il est intéressant de noter l’intérêt qu’on prit alors pour le premier des arts libéraux : la grammaire. La reconquête du patrimoine classique qui caractérise cette époque supposait d’abord celle de la langue.